Prévisions économiques trimestrielles
Composer avec les montagnes russes tarifaires
date publiée: 17 juin 2025
Faits saillants
- L’économie mondiale continue de composer avec les montagnes russes tarifaires, et nos prévisions économiques reposent sur des hypothèses quant à l’endroit exact où s’arrêteront les wagons. Les droits de douane devraient baisser au cours des prochains mois, mais ils resteront beaucoup plus élevés qu’avant les élections.
- Les perspectives économiques aux États-Unis se sont légèrement assombries cette année, car l’incertitude liée aux politiques et la hausse des coûts pèsent sur les dépenses. Les réductions de taux de la Réserve fédérale américaine (la Fed) plus tard cette année donneront un coup de pouce, et la dynamique devrait s’accélérer l’an prochain grâce aux réductions d’impôt et à la trêve tarifaire.
- Les turbulences tarifaires ont perturbé la dynamique économique cette année, mais une lueur d’espoir se profile à l’horizon. Nous anticipons un retour à la croissance tendancielle l’an prochain, grâce à l’avancée des négociations commerciales, à la baisse des taux d’intérêt et à des initiatives gouvernementales ciblées visant à améliorer les opportunités nationales.

Les changements spectaculaires liés aux politiques à Washington continuent d’influencer les perspectives économiques mondiales. Depuis nos prévisions de mars, la situation a été mouvementée, car les droits de douane du « jour de la libération » se sont d’abord révélés beaucoup plus élevés que prévu, pour ensuite être reportés. La trajectoire de la politique tarifaire américaine demeure très incertaine, et cette politique constitue le principal impondérable de nos prévisions. Nos perspectives mondiales reposent sur une trajectoire supposée des droits de douane américains, qui équilibre la probabilité d’accords tarifaires au cours des prochains mois avec le désir de l’administration d’utiliser les droits de douane pour accroître les revenus et encourager le rapatriement de la production manufacturière dans des secteurs clés.
Depuis mars, nous avons appris que même lorsqu’un pays comme le Royaume-Uni conclut un « accord » commercial, les droits de douane « réciproques » de 10 % ne sont pas annulés. Si l’on ajoute à cela les droits de douane sectoriels supplémentaires qui devraient être imposés sous peu, notre hypothèse concernant le taux tarifaire effectif aux États-Unis est plus élevée que celle de nos dernières prévisions (graphique 1). Cela a entraîné une révision à la baisse de nos perspectives de croissance aux États-Unis, qui devraient s’établir à 1,7 % cette année, avant de s’améliorer à un rythme de 2,1 % l’an prochain, grâce aux réductions d’impôt.
L’économie mondiale continue de s’essouffler. Le taux de croissance mondiale devrait passer de 3,2 % en 2024 à 3 % cette année et à 2,8 % en 2026, car le ralentissement cyclique naturel coïncide avec l’effet des droits de douane. Nous avions déjà revu à la baisse la croissance mondiale en mars à cause des menaces tarifaires des États-Unis, et les prévisions ont peu changé cette année. Les nouvelles révisions à la baisse du taux de croissance en Amérique du Nord sont largement neutralisées par un début d’année plus vigoureux en Europe et en Asie. L’économie chinoise devrait ralentir, pour passer de 5 % l’an dernier à 4,6 % cette année, sans modification par rapport à nos prévisions précédentes. Nous nous attendons toujours à ce que l’effet négatif des droits de douane américains sur l’activité chinoise soit compensé par des mesures de relance budgétaire ou monétaire.
La résilience des États-Unis sera mise à l’épreuve
L’économie américaine est demeurée remarquablement résiliente jusqu’à maintenant, malgré l’incertitude qui plane sur la politique tarifaire. Toutefois, dans bien des cas, il peut être difficile de distinguer les signaux du bruit, car les changements de politique tarifaire ont contribué à la volatilité extrême des données économiques. La croissance économique au premier trimestre en est un bon exemple. Une très légère contraction est attribuable à une hausse de 43 % des importations, car les entreprises se sont empressées d’expédier leurs marchandises avant l’entrée en vigueur des droits de douane. La croissance de la demande intérieure finale, qui ne tient pas compte des répercussions sur le commerce et la constitution des stocks et qui est donc une représentation plus fidèle de la production intérieure au cours de ce trimestre, a été résiliente, s’établissant à 2 %. Ce rythme est tout de même inférieur au taux de 3 % observé l’an dernier, mais il n’est pas aussi mauvais que le laissent entendre les manchettes.
Cela dit, le comportement des consommateurs a été marqué par la prudence. Après une rafale d’achats de véhicules pour devancer les hausses de prix liées aux droits de douane, les ventes d’automobiles ont chuté en mai. L’activité sur le marché du logement est faible, car la hausse des coûts d’emprunt et l’incertitude étouffent la demande. Dans l’ensemble, les dépenses de consommation ont ralenti en avril, même si les gains de revenus sont demeurés robustes. Le taux d’épargne des particuliers a ainsi atteint son niveau le plus élevé depuis un an, ce qui donne à penser que les consommateurs seront un peu plus en mesure de dépenser, si l’incertitude s’estompe.
La croissance vigoureuse des revenus personnels a été soutenue par un marché de l’emploi qui a mieux résisté que ce que nous avions inclus dans nos prévisions de mars. Les gains mensuels d’emplois ont ralenti par rapport à il y a quelques mois, mais le taux de chômage demeure stable à 4,2 % depuis environ un an maintenant. La croissance des salaires a légèrement ralenti, mais demeure supérieure au taux d’inflation, ce qui préserve le pouvoir d’achat des consommateurs.
Malheureusement, l’inflation devrait augmenter au cours des prochains mois, car les droits de douane se répercuteront sur les prix à la consommation. Nous nous attendons à ce que des droits de douane sectoriels soient imposés sur les produits pharmaceutiques, les semi-conducteurs, le bois d’œuvre et le cuivre. Ils s’ajoutent à ceux sur les automobiles ainsi que sur l’acier et l’aluminium. D’ici la fin de l’année, nous supposons que des accords seront conclus avec bon nombre des plus grands partenaires commerciaux des États-Unis, ce qui permettra de supprimer les droits de douane « universels » de 10 % imposés à la plupart des pays. En revanche, la Chine devrait continuer de faire face à des droits de douane de 30 %, ce qui, combiné aux droits de douane sectoriels, rapporterait le taux effectif global américain à 10 %.

La résilience de l’économie américaine devrait s’estomper légèrement au deuxième semestre de cette année, lorsque la croissance retombera à un rythme inférieur à la tendance et que le taux de chômage augmentera. Ainsi, la Fed sera incitée à enfin recommencer à réduire les taux d’intérêt plus tard cette année. D’ici la réunion de septembre du Federal Open Market Committee (FOMC), les dirigeants de la banque centrale devraient être davantage convaincus que l’effet inflationniste des droits de douane est temporaire, ce qui ouvrirait la voie à trois réductions d’un quart de point d’ici la fin de l’année ainsi qu’à de nouvelles réductions en 2026, avant d’atteindre notre estimation du taux neutre. Cela devrait contribuer à réduire les taux obligataires à long terme et les coûts d’emprunt connexes vers la fin de l’année. Cela se traduirait par un coup de pouce très nécessaire pour le marché du logement, qui devrait être un facteur clé de la croissance l’an prochain.
Un facteur susceptible de limiter la baisse des taux des obligations du Trésor est une augmentation soutenue de la prime à l’échéance. Les taux des obligations du Trésor à long terme ont augmenté depuis mars, car les projets des États-Unis en lien avec la réduction des impôts, qui accroîtront le déficit, ont amené les investisseurs à exiger une plus grande compensation pour prêter au gouvernement américain (graphique 2). Le dollar américain a également été durement touché, les investisseurs préférant se diversifier dans d’autres parties du monde. Nous ne pensons pas que ce processus soit terminé et nous nous attendons à ce que le dollar américain se déprécie davantage, en particulier par rapport aux autres pays du G7. La forme finale que prendra le projet de loi sur les réductions d’impôt qui est actuellement à l’étude au Congrès est une autre source d’incertitude dans les prévisions. Nos prévisions supposent que les réductions d’impôt de la Tax Cut and Jobs Act (TCJA) seront prolongées, et que d’autres réductions seront ajoutées. Ces prévisions demeurent inchangées par rapport à mars et ajoutent de 0,1 à 0,2 point de pourcentage aux prévisions de croissance américaine l’an prochain.
L’économie canadienne ploie sous le poids des droits de douane
L’économie canadienne s’est légèrement redressée en 2025, mais peu de prévisionnistes revoient leurs prévisions à la hausse. L’ombre projetée par les droits de douane américains sur les entreprises canadiennes devrait entraîner un repli de l’économie jusqu’au milieu de l’année et faire grimper le taux de chômage à son plus haut niveau depuis 2012. Les droits de douane auxquels le Canada sera assujetti à l’avenir sont également très incertains. À l’heure actuelle, le Canada est confronté à un taux effectif global américain de 10 % à 12 %, et nous supposons qu’il sera réduit de moitié d’ici le quatrième trimestre, étant donné que davantage d’exportations canadiennes seront conformes à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) et pourront bénéficier d’une exemption complète. Nous avons de nouveau revu à la baisse nos prévisions de croissance pour le Canada en 2025, mais nous prévoyons un retour au dynamisme l’an prochain grâce à une trêve commerciale, à une baisse des taux d’intérêt et à une augmentation des dépenses publiques.
Les répercussions des droits de douane sur l’économie canadienne sont évidentes dans les données économiques. Plus directement, les exportations vers les États-Unis ont chuté après avoir bondi pendant l’hiver et ont reculé de 14 % par rapport à avril l’an dernier. Les consommateurs ont également hésité à faire des achats importants, comme une propriété ou une voiture, car ils craignent de perdre leur emploi ou d’être confrontés à une baisse des revenus de leur entreprise. Les investissements des entreprises dans la machinerie et l’équipement ont été supérieurs aux attentes en début d’année, mais cela est peut-être trompeur, car ils pourraient représenter une certaine tentative de devancement à l’égard des hausses de prix liées aux droits de douane. Comme on s’y attend en période de faiblesse du cycle économique, les investissements des entreprises devraient se contracter fortement au milieu de l’année, car l’incertitude quant à l’accès du Canada à son plus grand marché pèse sur les dépenses des entreprises.
Grâce à l’élimination de la taxe sur le carbone des consommateurs et à la baisse des prix de l’énergie, l’inflation globale a récemment diminué. Toutefois, les mesures d’inflation de base privilégiées de la BdC ont récemment progressé plus que prévu, ce qui la place dans une situation difficile lorsqu’il s’agit d’envisager d’autres réductions de taux. Nous pensons qu’à mesure que les répercussions économiques des droits de douane se feront sentir, la BdC procédera à deux autres baisses d’un quart de point plus tard cette année, ce qui porterait le taux du financement à un jour à 2,25 %. Cela devrait soutenir davantage la croissance, en particulier dans l’investissement résidentiel, où la demande accumulée de logements recommencera à contribuer à la croissance au cours du deuxième semestre de cette année.

L’autre nouveauté depuis le mois de mars est d’ordre politique : le gouvernement libéral minoritaire du premier ministre Carney devrait augmenter ses dépenses pour répondre aux hostilités commerciales provenant des États-Unis. Une modeste baisse de l’impôt sur le revenu des particuliers devrait donner un petit coup de pouce aux revenus à court terme, et l’augmentation des dépenses militaires semble être la prochaine priorité alors que le Canada s’efforce d’atteindre les cibles de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). On s’attend à ce que des investissements dans les infrastructures nécessaires à l’« édification de la nation » suivent, mais il reste à voir si les mesures prises permettront réellement d’atteindre l’objectif du gouvernement « d’entreprendre la plus vaste transformation de son économie depuis la Deuxième Guerre mondiale ». En 2026, les dépenses publiques augmenteront considérablement (graphique 3), une augmentation qui contribue à porter nos prévisions à la hausse, même si le gouvernement fédéral s’est engagé, dans son récent discours du Trône, à limiter la croissance des dépenses d’exploitation, ce qui laisse entrevoir un resserrement important dans d’autres domaines.
Tableaux de prévisions et recherche
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