Prévisions économiques trimestrielles

Le plus dur reste à venir

Beata Caranci, économiste en chef | 416-982-8067
Derek Burleton, économiste en chef adjoint | 416-982-2514
Thomas Feltmate, directeur | 416-944-5730
Leslie Preston, directeur général | 416-983-7053
James Orlando, CFA, directeur | 416-413-3180
Andrew Hencic, économiste principal

date publiée: 19 septembre 2023

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  • Sur le plan des perspectives mondiales, l’inflation demeure un sujet d’actualité brûlant. Si les pressions inflationnistes s’apaisent dans l’ensemble des pays du G7, les progrès relatifs aux mesures de base s’avèrent moins convaincants et incitent par conséquent les banques centrales à envisager de nouvelles hausses de taux. 
  • Le resserrement monétaire important qui se fait déjà sentir sur l’économie devrait freiner la cadence de la croissance mondiale et la faire passer de 3,1 % cette année à 2,7 % en 2024. Une modeste remontée à un taux toujours anémique de 2,9 % est prévue pour 2025. 
  • L’économie américaine, qui s’est montrée particulièrement résiliente cette année, devrait voir son taux de croissance ralentir et passer de 2,3 % en 2023 à 1,3 % en 2024. Ce taux de croissance maintiendrait les États-Unis au premier rang des pays du G7 et représenterait une amélioration d’un demi-point par rapport aux prévisions de juin. Cela dit, nul ne peut prédire à l’heure actuelle si une nouvelle hausse de taux sera décrétée. Quant aux éventuelles baisses de taux, celles-ci ont été repoussées à plus tard l’année prochaine par rapport à nos prévisions antérieures.
  • La résilience du Canada a été ébranlée au deuxième trimestre par une série de facteurs ponctuels qui ont donné lieu à une légère contraction de l’économie. Le rebond attendu au troisième trimestre devrait être de courte durée, car l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur l’économie canadienne se fait de plus en plus sentir

Autres prévisions

Le graphique 1, intitulé « Ralentissement de l’inflation dans les pays du G7 », montre l’évolution la plus récente en pourcentage sur 12 mois des taux d’inflation globale et de base au Canada, aux États-Unis, dans la zone euro, au Royaume-Uni et au Japon. Le graphique montre les valeurs maximales entre janvier 2021 et aujourd’hui pour l’inflation globale et l’inflation de base, de même que les données du mois le plus récent. Les barres montrent que les taux d’inflation globale ont fait des progrès importants par rapport aux sommets atteints, tandis que les taux d’inflation de base ont été plus persistants.

Les prévisions de récession se sont estompées au cours des derniers mois, les économies avancées ayant mieux résisté au resserrement monétaire musclé des 18 derniers mois que ne l’anticipaient bon nombre de prévisionnistes. Les espoirs d’un atterrissage en douceur par la Réserve fédérale américaine (Fed) se sont intensifiés et les investisseurs s’attendent à ce que les taux d’intérêt demeurent élevés pendant une période prolongée. Mais le plus dur reste à venir. La plupart des prévisionnistes, nous y compris, prévoient toujours une période de faible croissance accompagnée d’une hausse du taux de chômage. Un repli des marchés du travail est nécessaire pour ramener l’inflation des services obstinément élevée à des niveaux acceptables. Par conséquent, la distinction entre un atterrissage en douceur et une récession importera vraisemblablement peu pour les nombreux consommateurs et les nombreuses entreprises qui seront aux prises avec une situation de plus en plus difficile. 

La bonne nouvelle est que l’inflation continue de ralentir dans l’ensemble des pays du G7 grâce à l’apaisement sous-jacent du choc des prix de l’énergie de 2022. L’inflation de base, que surveillent la plupart des banques centrales, est un autre enjeu. En effet, le ralentissement observé au Canada et aux États-Unis ne se manifeste pas en Europe ni au Royaume-Uni (graphique 1). Les banques centrales devront maintenir un ton ferme quant à l’éventualité de nouvelles hausses de taux, même si la plupart d’entre elles en sont à l’étape de peaufinage de leur cycle de relèvement des taux. 

La Chine fait bande à part avec une croissance économique décevante au deuxième trimestre. Tandis que la plupart des prévisions ont été revues à la hausse pour les économies avancées en 2023, les perspectives de la Chine ont au contraire été révisées à la baisse (voir le tableau). 

Toutefois, les temps seront durs pour toutes les économies l’an prochain. À mesure que se feront sentir les effets décalés, variables et de longue durée des hausses passées, une période de croissance inférieure à la tendance devrait s’installer. La question de savoir si nous assisterons à un atterrissage en douceur ou à une récession se posera toujours.

Les États-Unis marqueront un ralentissement, au fil de l’amenuisement des réserves contracycliques

Depuis le début de 2023, l’économie américaine s’est montrée presque insensible à la hausse des taux d’intérêt, affichant un rythme de croissance solide de 2 %. En temps normal, une telle situation n’aurait rien de notable, mais après 18 mois de hausses de taux incessantes, d’inflation élevée et de turbulences au sein du système bancaire, ce rendement a de quoi surprendre. La croissance au troisième trimestre devrait de surcroît s’avérer vigoureuse avec un taux impressionnant d’environ 4 %, grâce à la résilience de la consommation. Toutefois, nous nous approchons maintenant du point où de nombreux facteurs exceptionnels commenceront à s’estomper. 

En tête de liste figure l’épuisement d’ici la fin de l’année de l’épargne excédentaire accumulée lors de la pandémie, une force contracyclique qui a aidé les consommateurs à composer plutôt bien avec la forte inflation et les taux d’intérêt élevés. De plus, les ménages amorceront 2024 avec un taux d’épargne inférieur de moitié à celui d’avant la pandémie, au moment même où les remboursements des prêts étudiants reprendront.

L’offre d’emplois diminue aussi, une tendance qui s’accentuera l’an prochain. En moyenne, 150 000 emplois par mois ont été pourvus au cours des trois derniers mois, soit la moitié moins qu’en début d’année. Nous nous attendons à ce que cette tendance se transforme en pertes d’emplois nettes d’ici les prochains trimestres, ce qui se traduira par une hausse du taux de chômage d’un point de pourcentage. 

Les mesures de soutien budgétaire diminueront également l’an prochain. Lorsque le Congrès a suspendu la limite du plafond de la dette plus tôt cette année, il a été décidé que les dépenses seraient réduites automatiquement de 1 % si les projets de loi sur les dépenses annuelles n’étaient pas adoptés d’ici la fin de septembre. Au moment d’écrire ces lignes, le Congrès n’avait pas encore adopté les projets de loi sur les dépenses nécessaires, et une éventuelle paralysie du gouvernement américain ne peut être écartée. Peu importe l’issue, il faudra probablement s’attendre à d’autres compromis sur les projets de dépenses.

Toutefois, un atterrissage en douceur semble d’autant plus probable que la plupart des ménages ne présentent pas les niveaux d’endettement excédentaire qui ont historiquement entraîné un effondrement de l’économie dans un contexte de taux d’intérêt élevés. En ce qui concerne les entreprises, les initiatives gouvernementales passées comme la CHIPS & Science Act et l’Inflation Reduction Act continueront d’avoir un impact contracyclique sur les investissements dans les installations d’énergies vertes et de semi-conducteurs. De plus, les fonds fédéraux destinés aux nouvelles infrastructures et la santé des finances des États ont également fait grimper les dépenses d’investissement publiques globales au cours de la dernière année à un rythme inégalé en plus de 20 ans (en plus de 30 ans même, si on exclut les dépenses militaires). 

En somme, l’inflation devrait continuer d’évoluer dans la bonne direction à mesure que s’atténueront les pressions exercées sur les consommateurs. Sur une base annualisée de trois mois, le déflateur de base des dépenses personnelles de consommation, la mesure d’inflation privilégiée par la Fed, a déjà chuté sous la barre des 3 % en juillet. Mais rien n’est encore gagné. La super mesure de l’inflation de base, qui englobe les services, mais exclut le logement, est plus sensible aux pressions salariales et a récemment commencé à augmenter de nouveau. Cette hausse renforce la nécessité pour la Fed de rester vigilante et explique pourquoi elle maintiendra probablement un ton ferme, et ce, même si l’économie ralentit. Nous sommes d’avis que le cycle de relèvement des taux de la Fed tire à sa fin, mais qu’une autre hausse demeure possible. Seules des données économiques convaincantes pourront l’en dissuader, ce qui se résume à une diminution de l’emploi et de l’inflation. 

Canada – Quelle surchauffe?

Le graphique 2, intitulé « Le plus dur reste à venir », montre les taux de croissance trimestriels annualisés du PIB au Canada et aux États-Unis de 2022 à 2025. Les barres montrent que nos prévisions actuelles laissent entrevoir un ralentissement de la croissance du PIB, qui restera néanmoins en territoire positif, au deuxième semestre de 2023 et au premier trimestre de 2024. Nous prévoyons un redressement au deuxième trimestre de 2024 et une stabilisation autour de 2 % d’ici la fin de 2025.

Qui a parlé d’une surchauffe de l’économie? Après avoir commencé l’année en force, l’économie canadienne s’est repliée au deuxième trimestre. Il est vrai qu’il ne s’agissait que d’une légère contraction (taux annualisé de -0,2 %) provoquée par une série de facteurs exceptionnels (grèves et feux de forêt), mais ce repli marque probablement le début d’une période prolongée de croissance anémique. La croissance du PIB réel devrait ralentir, passant d’un modeste taux de 1,2 % cette année à seulement 0,7 % l’an prochain (graphique 2). Le chômage a aussi augmenté plus rapidement que nous l’avions prévu au trimestre dernier, et la poursuite de cette tendance pèsera sur la confiance des consommateurs et les dépenses au cours du trimestre.

Les prévisions évoluent rarement de façon linéaire et le troisième trimestre pourrait apporter un certain répit, qui ne devra être considéré que comme temporaire. La croissance des revenus est demeurée très solide au deuxième trimestre, ce qui signifie que les consommateurs ont la capacité de dépenser plus au troisième trimestre, que ce soit pour des billets pour le spectacle de Taylor Swift ou pour leurs vacances d’été. Par la suite, la réalité de l’endettement important de certains ménages et de l’affaiblissement du marché de l’emploi se fera sentir, car une plus grande part des revenus sera consacrée au remboursement de la dette. 

Les investissements des entreprises ont surpassé les attentes au premier semestre de l’année. Comme c’est le cas aux États-Unis, les investissements sont stimulés par le financement public de projets d’énergie propre et d’infrastructures. De plus, la normalisation continue de la production de véhicules au fil du redressement des chaînes d’approvisionnement a permis d’investir des sommes accumulées dans des équipements de transport. Toutefois, ces facteurs ne parviendront pas à contrebalancer pleinement les forces cycliques d’un affaiblissement des bénéfices des sociétés et d’une hausse des coûts d’emprunt, qui devraient faire passer la croissance des investissements non résidentiels de 3 % cette année à moins de 1 % en 2024. De même, l’économie ne pourra pas compter sur les investissements résidentiels, qui pèsent déjà sur la croissance depuis plus d’un an. Cet impact négatif devrait cependant s’atténuer, à mesure que les coûts d’emprunt diminueront à partir du deuxième semestre de l’année prochaine. 

Le graphique 3, intitulé « L’inflation de base montre des progrès, mais il reste du chemin à faire », illustre l’évolution sur 12 mois de l’inflation de base au Canada et aux États-Unis de 2019 à 2025. Les lignes montrent qu’après avoir atteint un sommet en 2022, les taux d’inflation de base ont connu une diminution très lente par rapport à leurs sommets. Selon nos prévisions actuelles, les taux d’inflation de base devraient revenir à la cible de 2 % d’ici la fin de 2025.

L’inflation demeure une préoccupation de taille pour la population canadienne. Des progrès importants ont été réalisés (graphique 3), mais la dernière étape du parcours sera sûrement la plus difficile, car pour que l’inflation sous-jacente redescende à 2 %, il faut que le marché de l’emploi se replie et que la croissance des salaires diminue. Comme décrit dans un récent rapport, un ralentissement du marché de l’emploi pourrait survenir de diverses façons, mais au bout du compte, une hausse du taux de chômage est inévitable. Nos prévisions de base tablent sur un scénario de hausse du taux de chômage de 5,5 % à 6,7 % au deuxième semestre de l’année prochaine et des pertes d’emplois modestes à compter de la fin de cette année. 

La lenteur des progrès en matière d’inflation au cours des prochains mois incitera la Banque du Canada à continuer d’envisager de nouvelles hausses de taux. Cependant, compte tenu de la faiblesse de la croissance économique et de l’augmentation du taux de chômage, il est peu probable qu’elle passe à l’action. Comme aux États-Unis, toute réduction des taux ne sera probablement pas envisagée avant le milieu de l’année prochaine. La faiblesse relative de la croissance économique du Canada devrait maintenir le huard sous pression pendant un certain temps (voir le tableau). 

Tableaux de prévisions et recherche 


 

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