Prévisions économiques trimestrielles

Sous le signe de la stabilité 

date publiée: 19 mars 2024

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  • Les banques centrales des économies avancées gardent le cap sur la stabilité : elles reconnaissent que les taux d’intérêt ont atteint un sommet, mais elles n’osent pas s’avancer sur une éventuelle baisse des taux. 
  • Toutefois, la résilience de l’économie américaine a une fois de plus déjoué les attentes. Ainsi, la Réserve fédérale (Fed) peut se permettre d’attendre avant de baisser les taux dans le contexte de la récente poussée inflationniste. On s’attend toujours à une croissance de l’économie et à une inflation plus faibles, ce qui pourrait entraîner la première réduction des taux par la Fed en juillet.  
  • À la différence, la Banque du Canada (BdC) est un peu frileuse et reste rivée sur sa cible d’inflation, alors que l’économie continue de piétiner. Nous nous attendons à ce que l’inflation ait suffisamment reculé d’ici juin pour qu’elle assouplisse sa position en baissant les taux d’intérêt une première fois

Autres prévisions

Le graphique 1, intitulé « Les États-Unis toujours en tête en 2024 », illustre la croissance du PIB réel en 2023 et les prévisions des Services économiques TD pour 2024, d’un T4 à l’autre aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et dans la zone euro. Il démontre que les États-Unis ont été un chef de file de la croissance au cours des deux années, malgré un ralentissement de 2023 à 2024.

Dans l’ensemble, les perspectives économiques mondiales ont sensiblement évolué conformément à nos attentes du dernier trimestre, exception faite des États-Unis qui se distinguent par la plus forte hausse des prévisions. Les prévisions de la plupart des autres régions importantes sont légèrement à la baisse. Pour l’instant, les banques centrales des économies avancées tiennent bon, s’appuyant sur les données pour rassurer les consommateurs que la réduction des taux d’intérêt n’entraînera pas une résurgence de l’inflation après une lutte âprement disputée. 

La Banque centrale européenne (BCE) et la BdC semblent prêtes à être les premières à baisser les taux, probablement en juin. L’économie a nettement ralenti dans les deux régions, mais plus tôt en Europe à cause des répercussions de la guerre en Ukraine. Le ralentissement de l’inflation a aussi été plus marqué en Europe qu’au Canada. Une fois que les taux d’intérêt commenceront à baisser, l’économie reprendra de la vigueur vers la fin de l’année, mais sera toujours à la traîne de l’impressionnant dynamisme économique américain (graphique 1). 

L’économie chinoise poursuit toujours son ralentissement par rapport à 2023, qui s’explique par les répercussions en chaîne de la crise du secteur immobilier. Le gouvernement a fixé une cible de croissance du PIB réel de 5 % en 2024. Les mesures de stimulation précédemment annoncées aideront à atteindre cette cible, mais en l’absence de réformes structurelles, elles ne constituent que des solutions temporaires. L’économie chinoise continuera de connaître des difficultés qui viendront assombrir ses perspectives de croissance à long terme. Entre-temps, la capacité excédentaire des secteurs de la production de biens en Chine contribue à ralentir l’inflation mondiale, freinant providentiellement la hausse des frais d’expédition attribuables aux attaques en mer Rouge.

Fléchissement de l’économie américaine cette année

L’économie américaine continue de défier les attentes dans un contexte de taux d’intérêt élevés. Au risque d’avoir l’air de crier au loup, nous nous attendons toujours à un fléchissement de la croissance cette année, mais dans une proportion moins grande que celle que nous avions prévue le trimestre dernier. La croissance moyenne annuelle prévue de 2,3 % pour 2024 profite des données solides de l’année dernière, masquant un ralentissement de 1,6 % d’ici la fin de cette année si l’on compare au quatrième trimestre précédent. 

Le rythme des dépenses de consommation s’est établi à un solide 2,6 % au premier trimestre, mais les ménages devront absolument puiser dans leurs économies et leur patrimoine pour maintenir ce rythme et nous ne pensons pas que cela se produira. Premièrement, la croissance des dépenses est déjà largement supérieure aux revenus, les ménages étant de plus en plus tributaires du crédit. Deuxièmement, les ménages, sauf ceux à revenu élevé, ont épuisé leur épargne. Troisièmement, les défauts de paiement des cartes de crédit et des prêts auto ont dépassé les niveaux d’avant la pandémie. C’est un signe, on ne peut plus clair, que les ménages subissent des pressions et qu’ils épargneront probablement davantage quand les jours seront meilleurs. Selon toute prévision, la hausse des dépenses de consommation passera de 2,7 %  à la fin de 2023 à près de 1,8 % à la fin de cette année (d’un quatrième trimestre à l’autre). Cependant, comparativement à d’autres pays, il s’agirait toujours d’un excellent résultat.

Les investissements des entreprises produisent le rendement attendu et les prévisions n’ont pas subi de révisions importantes. Leur rythme plus vigoureux au premier semestre de l’année dernière a déjà ralenti en raison de certains facteurs. Les entreprises réagissent aux niveaux de bénéfice inférieurs par rapport aux premières phases de la reprise. Elles font aussi face à des frais de financement plus élevés et examinent leurs perspectives de vente en fonction des rumeurs de ralentissement économique. 

Le graphique 2, intitulé « Progression inégale de l’inflation aux États-Unis », illustre l’inflation de base aux États-Unis sur une base annualisée de six mois pour l’indice de base des prix à la consommation et le déflateur de base des dépenses personnelles de consommation, qui est la mesure privilégiée par la Fed pour mesurer l’inflation. Il montre que l’inflation de base est passée d’un sommet de 6 % en 2022 à près de 2 % cette année. Toutefois, il souligne que l’inflation est légèrement remontée au cours des deux derniers mois.

Leur réaction se reflète également dans les embauches. L’an dernier, les embauches dans le secteur privé ont ralenti et elles n’ont légèrement repris que récemment au début de 2024. Le ralentissement économique devrait entraîner la diminution des intentions d’embauche, ce qui fera grimper le taux de chômage à un peu plus de 4,2 % d’ici la fin de cette année. Nous n’avons pas tenu compte des pertes d’emploi immédiates ou continues parce que le taux de postes vacants reste élevé comparativement aux cycles historiques antérieurs, même si la tendance à la baisse se poursuit. Nous sommes encore loin des licenciements à grande échelle. 

Par extension, la résilience de la demande et du marché du travail interne a contrecarré une tendance à la baisse antérieure de l’inflation (graphique 2). On commence à perdre espoir que les États-Unis puissent atteindre leur cible de 2 % sans sacrifier la croissance économique dans une certaine mesure. Cela indique aussi que la Réserve fédérale a eu raison d’être prudente pour ce qui est d’annoncer la baisse imminente des taux d’intérêt. 

Depuis l’année dernière, nous avons maintenu un point de vue non consensuel sur le moment où les taux d’intérêt baisseront, nous attendant à une baisse plus probable en juillet contrairement au marché qui s’attendait à une baisse en mars, reportée ensuite en juin. C’est un changement d’orientation sage, mais qui ne serait peut-être pas suffisant. En fait, la baisse prévue des taux d’intérêt risque d’être retardée si l’inflation ne recule pas de façon importante dans les deux ou trois prochains mois.

Les perspectives économiques du Canada sont ternes

Le graphique 3, intitulé « Semblant de récession pour les consommateurs canadiens », illustre les dépenses de consommation réelles par personne de leur sommet à leur creux, au début de la récession des années 90 (-5 %), pendant la récession de 2008-2009 (-2,5 %) et dans le contexte actuel depuis que la Banque du Canada a commencé à augmenter les taux d’intérêt en 2022 jusqu’au milieu de 2025 (prévisions actuelles des Services économiques TD), où l’on s’attend à une diminution de 3,5 %.

Quant à l’économie canadienne, elle se débrouille tant bien que mal. La croissance économique au quatrième trimestre de l’année dernière a surpassé les attentes, mais à y regarder de plus près, chaque composante de la demande était inférieure aux prévisions. La croissance en 2024 s’améliore légèrement, d’à peu près 1 %, ce qui n’a rien de remarquable (voir tableau). 

Il est vrai que les dépenses de consommation ont légèrement augmenté au premier trimestre, alimentées par les ventes d’autos. Mais une augmentation du volume des dépenses de 1 % n’a rien d’impressionnant en soi, encore moins quand la population s’est accrue de 3 %. En réalité, les dépenses de consommation par personne sont à la baisse depuis que la BdC a commencé à augmenter les taux d’intérêt et selon nos prévisions, elles continueront de diminuer. La situation s’apparente à celle notée dans les dernières récessions et explique probablement pourquoi l’éventualité d’un « atterrissage en douceur » est une maigre consolation pour les Canadiens (graphique 3). 

On s’attend à ce que le marché du travail au Canada, contrairement aux États-Unis, essuie des pertes nettes au cours du deuxième semestre de cette année. Parallèlement à une croissance saine de la main-d’œuvre, cette situation pourrait faire grimper le taux de chômage à 6,7 % d’ici la fin de cette année. Cela dit, ce n’est pas une variation importante par rapport aux chiffres historiques. Un marché du travail plus équilibré devrait contribuer à relâcher la pression sur la croissance des salaires et à ralentir l’inflation. 

L’inflation a reculé dans la plupart des catégories, sauf le logement. L’inflation mesurée par l’IPC, à l’exception du logement, était de seulement 1,6 % en janvier, mais les mesures fondamentales privilégiées par la BdC tiennent toujours compte d’une fourchette de 3 à 3,5 %. Comme nous l’avons décrit dans notre récent rapport, la BdC est aux prises avec un problème d’inflation du prix des logements, et elle devra vraisemblablement regarder au-delà de cette variable quand elle s’apprêtera à réduire les taux d’intérêt pour la première fois au printemps. 

Les marchés financiers ont prévu la réduction des taux d’intérêt, et les taux obligataires sont à la baisse depuis l’automne, entraînant la diminution des taux hypothécaires. Cette situation a relancé le marché du logement au Canada, et nous nous attendons à un rendement décent des investissements résidentiels cette année, après les creux de l’an dernier. Pour ce qui est des investissements des entreprises, la situation semble aussi un peu meilleure en 2024. L’Enquête sur les dépenses en immobilisations de Statistique Canada a révélé que des investissements plus élevés que prévu ont été planifiés pour l’année à venir, avec de nouveaux investissements importants pour soutenir la transition vers des énergies propres. La croissance du Canada devrait ainsi reprendre son rythme tendanciel d’ici la fin de 2025

Tableaux de prévisions et recherche 


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