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Des questions? Nous avons les réponses

Aborder les sujets liés aux perspectives économiques 
et financières

date publiée: 15 mai 2024

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La  période de questions de ce trimestre s’appuie sur le thème de l’exception américaine introduit au début de l’année. L’économie américaine continue de dominer ses homologues. L’inconvénient de cette surperformance est la résurgence de l’inflation, qui nous a amenés à repousser la date de la première réduction prévue des taux d’intérêt de juillet à décembre. Le billet vert a également dominé les devises comparables, mais nous ne pensons pas que le risque d’une importation de l’inflation en raison de la dépréciation de la monnaie soit suffisant pour empêcher d’autres banques centrales de réduire les taux d’intérêt avant la Réserve fédérale américaine. À ce stade, nous prévoyons que la Banque du Canada (BdC) réduira son taux directeur en juillet. Le ralentissement de l’économie produit enfin une dynamique inflationniste favorable qui devrait inciter la banque centrale à atteindre sa cible plus rapidement. Bien que les récents budgets gouvernementaux n’aident pas la BdC à lutter contre l’inflation, le facteur favorable à la croissance économique est estimé à une fraction de ce qu’il était l’année dernière. À l’échelle mondiale, la hausse des risques géopolitiques ne laisse pas vraiment de traces dans les données objectives. Au pays, les élections américaines devraient faire les manchettes au cours des prochains mois, et nous aborderons également plus loin leurs répercussions économiques potentielles.

Q1. Comment l’économie mondiale évolue-t-elle dans un contexte de risques géopolitiques croissants? 

 
Le graphique 1 illustre la confiance des investisseurs envers les économies des marchés émergents d’Asie, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, où les valeurs supérieures à 0 indiquent une confiance positive. Le graphique présente également un indice du taux de change pondéré en fonction des échanges en dollars américains. Il compare les quatre séries de 2022 aux dernières données, et nous pouvons voir que la confiance des investisseurs à l’égard des marchés émergents a été corrélée avec l’évolution du taux de change général par rapport au dollar américain.

En fin de compte, les données récentes n’indiquent pas que les risques géopolitiques auront un effet négatif important sur la croissance économique. En fait, ça semble même être le contraire. Depuis nos prévisions de mars, les données pour les principales économies en Europe et en Chine ont été légèrement meilleures que prévu. Au premier trimestre, le PIB réel de la Chine a dépassé les prévisions consensuelles en atteignant 5,3 % sur 12 mois (consensus : 5 %). La remontée des exportations a été un catalyseur, ce qui semble contredire les signaux contrastés provenant du secteur manufacturier. Nous hésitons donc à penser que cette tendance se maintiendra pendant toute l’année 2024. Néanmoins, le consensus au sujet du PIB réel de la Chine pour 2024 est passé de 4,6 % plus tôt cette année à 4,8 %.
De même, l’estimation provisoire de la croissance du PIB dans la zone euro a dépassé les attentes par rapport aux perspectives économiques trimestrielles de mars. Ce qui a vraiment surpris est l’aspect généralisé de la croissance parmi les pays membres de la zone euro. Cela témoigne probablement d’un certain devancement de la croissance, comme dans le cas de l’Irlande, qui a mené le bal dans la zone euro après que son économie se soit contractée au trimestre précédent. Voilà donc un autre cas où il faut faire preuve de prudence pour les trimestres suivants. Malgré cela, la position favorable au premier trimestre a fait grimper le taux de croissance annuel pour 2024, lequel est passé de 0,3 % à 0,5 %.
L’économie mondiale n’est pas sortie du bois en ce qui concerne les répercussions des risques géopolitiques sur l’économie réelle. Deux facteurs devraient peser plus lourd au fil de l’année. Premièrement, la hausse des prix de l’énergie est une conséquence majeure des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient. L’Europe est déjà aux prises avec des problèmes de sécurité énergétique et c’est l’un des facteurs qui expliquent notre prévision de croissance inférieure à la moyenne pour la région au cours des deux prochaines années. 
Deuxièmement, la vigueur du dollar américain est de plus en plus problématique sur le plan géopolitique. Certaines banques centrales des marchés émergents ont pris des mesures pour soutenir leur monnaie malgré une croissance intérieure morose. La vigueur de l’économie américaine laisse supposer que les politiques des banques centrales continueront de diverger cette année, maintenant la solidité du dollar américain, ce qui signifie que certains effets négatifs se répercuteront sur la croissance et les conditions financières des marchés émergents. Malgré cela et d’autres facteurs géopolitiques, les économies réussissent à surmonter les difficultés. La confiance des investisseurs à l’égard des marchés émergents a augmenté, et l’accent est davantage mis sur l’amélioration de la situation économique mondiale afin d’éviter le pire scénario, soit un repli mondial (graphique 1).

Q2. Comment les marchés des produits de base et des devises réagissent-ils?    

Le graphique 2 compare le dollar américain pondéré en fonction des échanges aux monnaies des économies avancées et des marchés émergents indexées à 100 en septembre 2023. Il montre que le dollar américain s’est apprécié en 2024, affichant la plupart de ses gains par rapport aux monnaies des économies avancées.

Les produits de base, en particulier le pétrole, ont réagi à l’intensification sporadique des récents événements géopolitiques. Cela entraîne des flambées de prix à court terme (les fluctuations sont en moyenne de 5 $ le baril) qui se résorbent lorsque les tensions s’atténuent. Bien qu’il n’y ait pas eu de prime de risque soutenue à la suite des événements récents, cette possibilité ne peut être écartée à ce stade-ci. Pour l’instant, la stabilité relative des prix a été dictée par les paramètres fondamentaux, ce qui nous a permis de maintenir nos prévisions de mars. 

Comme mentionné dans la question précédente, les marchés des devises ont suivi, le dollar américain s’étant apprécié d’environ 3 % en 2024 (graphique 2). Toutefois, cette situation est principalement attribuable à l’élargissement des attentes à l’égard des taux directeurs plutôt qu’à l’intensification des tensions géopolitiques. Les principales monnaies, comme l’euro, la livre et le huard, ont perdu environ 3 % sur 12 mois, tandis que le yen a reculé de 10 %. 

Toutefois, pour que le dollar américain enregistre une autre hausse marquée, il faudrait probablement que les marchés réagissent impulsivement à de nouveaux événements ou que l’on assiste à une escalade des événements géopolitiques. En règle générale, les devises des marchés émergents, qui ont surpassé celles des économies avancées cette année, sont plus touchées par l’aversion pour le risque.  

Q3. Pourquoi l’économie américaine devance-t-elle autant les autres économies comparables? 

En bref, le faible endettement des consommateurs et les politiques budgétaires généreuses ont permis à l’économie américaine de sortir plus forte de la pandémie en créant une sensibilité aux taux d’intérêt moindre que celle des cycles précédents. En fait, même si certains pays ont offert un soutien accru sous forme de prêts ou de garanties de prêts, les États-Unis ont offert le soutien budgétaire direct le plus généreux parmi les économies avancées. Ces mesures ont été immédiatement suivies par plusieurs politiques gouvernementales expansionnistes (comme la Infrastructure Investment & Jobs Act, l’Inflation Reduction Act et la CHIPS & Science Act), qui continuent d’avoir une forte influence sur la croissance du PIB. 

Le graphique 3 présente la variation annualisée en pourcentage du PIB réel des États-Unis, d’un trimestre à l’autre, et le volume des ventes finales aux acheteurs canadiens privés depuis le premier trimestre de 2023. Bien que le PIB ait ralenti à 1,6 % au premier trimestre de 2024, le volume des ventes finales aux acheteurs canadiens (soit la somme des dépenses de consommation et des investissements fixes) a tout de même augmenté d’un bon 3,1 %. Les données proviennent du Bureau of Economic Analysis.

Comme la croissance économique du premier trimestre a ralenti pour s’établir à 1,6 % (annualisée, sur trois mois), il pourrait être tentant de penser que la thèse de l’exception américaine n’est plus valable. Toutefois, nous ne recommandons pas de miser contre l’économie américaine tout de suite. Pour commencer, la croissance au cours de ce trimestre a été fortement plombée par les exportations nettes, ce qui témoigne de la vigueur de l’activité intérieure par rapport à d’autres pays comparables. Si l’on se concentre uniquement sur les dépenses de consommation et les investissements, on constate que les facteurs de croissance au pays ont augmenté de 3,1 %! Cela reflète les résultats de la deuxième moitié de 2023 et ne donne aucune impression que les dépenses au pays sont sur le point de s’arrêter (graphique 3). 

Il peut sembler étrange que les dépenses de consommation continuent de progresser à un rythme aussi soutenu, d’autant plus que l’effet positif de l’épargne excédentaire s’est estompé, passant d’une véritable rafale à ce qui ne semble être qu’une petite brise. Toutefois, les consommateurs continuent de profiter de trois autres facteurs : la vigueur du marché du travail (et des revenus), la hausse importante de la valeur nette et une exposition relativement faible à la hausse des taux d’intérêt. Ce dernier facteur découle des leçons tirées de la crise financière mondiale et d’une structure unique de prêts hypothécaires à taux fixe de 30 ans qui a permis à environ 14 millions de ménages d’obtenir des taux extrêmement bas grâce au refinancement de leurs prêts en 2020 et 2021. Les dépenses mensuelles de consommation en mars montrent une forte progression au début du deuxième trimestre. Naturellement, cela ne peut pas durer indéfiniment. Cela signifie toutefois que les effets retardés, variables et à long terme des hausses de taux d’intérêt passées ont besoin de plus de temps pour se manifester. Même lorsque ces effets se concrétiseront de façon plus évidente plus tard cette année, la croissance des dépenses de consommation devrait tout de même augmenter à un rythme beaucoup plus rapide que dans plusieurs des autres économies avancées. 

Outre la consommation, les facteurs budgétaires favorables continueront d’offrir un léger soutien à la croissance cette année. La CHIPS & Science Act et l’Inflation Reduction Act ont à eux deux fourni un coup de pouce à la croissance économique en 2023, ayant ajouté environ 0,6 point de pourcentage (pp) au PIB. Cette hausse est presque entièrement attribuable à la construction d’usines de fabrication de semi-conducteurs et de batteries de véhicules électriques. Comme une part importante des projets annoncés sont déjà en première phase de construction, l’impulsion donnée aux investissements dans les structures ne devrait pas se répéter en 2024. Toutefois, elle sera remplacée par une nouvelle poussée découlant de la nécessité de fournir de l’équipement et des machines à ces installations. À ce jour, seule une petite portion de l’équipement a été commandée. Mais comme de plus en plus de projets sont sur le point d’être terminés, les fournisseurs d’équipement devraient constater une hausse importante des nouvelles commandes au cours de la prochaine année. 

La situation est semblable pour les dépenses des États et des municipalités. En 2023, ce taux a augmenté de 4 %, ce qui est impressionnant, et a ajouté 0,5 pp à la croissance globale. Bien qu’il soit peu probable que le gain de l’année dernière se répète, il y a encore de bonnes raisons de penser que les dépenses publiques des États et des municipalités donneront de nouveau un coup de pouce anticyclique à la croissance en 2024. Pour commencer, les États et les municipalités disposent encore d’environ 40 milliards de dollars, soit 10 % du plan d’aide initial, des fonds de soutien destinés à la gestion de la COVID-19. Ceux-ci devront être répartis et dépensés au cours des prochaines années. Par ailleurs, les dépenses liées à la loi sur les investissements en infrastructures et l’emploi (Infrastructure Investment & Jobs Act), devraient plus que doubler cette année et atteindre potentiellement 40 milliards de dollars.

Ce qu’il faut retenir, c’est que la surperformance des États-Unis est attribuable à plusieurs facteurs, et aucun d’entre eux ne semble sur le point de complètement disparaître en 2024, ce qui devrait maintenir l’économie en tête du classement pour une autre année.

Q4.  Les résultats des élections aux États-Unis feront-ils une grande différence dans les perspectives?

Les élections fédérales de 2024 auront lieu dans moins de six mois et devraient de plus en plus dominer l’actualité financière à l’approche du jour des élections. En novembre, le contrôle du Congrès et de la Maison-Blanche pourrait pencher en faveur de l’un ou l’autre des partis politiques, ce qui élargit la fourchette de politiques budgétaires et économiques possibles sur l’horizon de prévision.

Avant d’examiner les effets économiques potentiels des propositions de politique de chaque parti, celui qui contrôlera le Congrès en janvier devra probablement régler des dossiers non résolus. Il est probable que le gouvernement fédéral continuera d’être financé à coups de résolutions à la fin de l’année, ce qui nécessiterait d’autres négociations budgétaires en 2025. Les limites de dépenses prescrites par la loi sur la responsabilité fiscale (Fiscal Responsability Act, FRA) s’appliqueront toujours, y compris la réduction de 1 % des dépenses discrétionnaires si une résolution est toujours en place d’ici le 1er mai 2025 (à moins que le Congrès décide d’annuler les dispositions de cette loi). De plus, comme la suspension actuelle du plafond de la dette expire le 1er janvier 2025, les négociations budgétaires se feront en même temps que les négociations sur le plafond de la dette à la fin de l’année, lesquelles pourraient se poursuivre en 2025.

Outre ces problèmes à court terme, le développement législatif le plus important l’année prochaine sera l’expiration de certaines des dispositions comprises dans la loi de 2017 sur les baisses d’impôt et l’emploi, soit la Tax Cut & Jobs Act (TCJA), à la fin de 2025. Les deux candidats à la présidence ont approuvé la prolongation de la plupart des mesures arrivant à échéance, mais avec des différences importantes. Dans son budget de 2025, le président Biden a annoncé qu’il prolongerait toutes les réductions d’impôt de la TCJA pour les ménages gagnant moins de 400 000 $ par an. De plus, le budget prévoit plusieurs hausses d’impôt, notamment un impôt minimal de 15 % pour les sociétés dont le revenu annuel est supérieur à un milliard de dollars; un taux d’imposition minimal de 25 % pour les particuliers dont le patrimoine est supérieur à 100 millions de dollars; une hausse du taux d’imposition le plus élevé, qui passerait de 37 % à 39,6 %; et une hausse du taux d’imposition des sociétés, qui passerait de 21 % à 28 %. (Remarque : la TCJA avait initialement réduit le taux d’imposition de 35 % à 21 % en 2017.) 

Le graphique 4 illustre la dette fédérale américaine impayée détenue par le public et les dépenses nettes liées aux intérêts du gouvernement fédéral, en pourcentage du PIB pour la période de 1962 à 2034 (Remarque : Pour la période de 2024 à 2034, il s’agit de prévisions). La dette fédérale en pourcentage du PIB a fluctué sous la barre des 50 % entre 1962 et 2008, la dette nationale ayant considérablement augmenté au lendemain de la crise financière de 2008 et plafonné à environ 70 % à 80 % du PIB avant la pandémie. En 2020, la dette en pourcentage du PIB a bondi à un peu moins de 100 %, et, plus récemment, les dépenses nettes liées aux intérêts en pourcentage du PIB ont atteint leur plus haut niveau depuis le milieu des années 1990 (environ 3 % du PIB). Le Congressional Budget Office prévoit que la dette fédérale et les dépenses nettes liées aux intérêts, exprimées en pourcentage du PIB, continueront d’augmenter au cours de la prochaine décennie, atteignant 116 % et 3,9 % respectivement d’ici 2034.

En revanche, l’ancien président Trump cherche à rendre permanentes les dispositions de la TCJA et à réduire davantage le taux d’imposition des sociétés pour le porter à 15 %. Peu importe qui résidera à la Maison-Blanche l’an prochain, les décisions relatives aux dépenses devront faire l’objet d’un accord au Congrès, qui doit également tenir compte des répercussions d’une hausse de la dette nationale, d’autant plus que des taux d’intérêt plus élevés feront augmenter le coût du remboursement à long terme (graphique 4). 
À l’heure actuelle, nos prévisions de base intègrent l’hypothèse que les réductions d’impôt de la TCJA resteront en place dans l’ensemble, car les États-Unis ont une longue tradition bien établie qui consiste à éviter les clauses de révision des réductions d’impôt. Tout écart postérieur aux élections entraînera une révision des prévisions. 

Il en va de même pour les politiques économiques qui ne nécessitent pas l’approbation du Congrès. Par exemple, l’ancien président Trump a proposé d’imposer un droit de douane général de 10 % sur toutes les marchandises importées aux États-Unis. Nos simulations montrent que la hausse des prix intérieurs (les frais douaniers étant transférés aux consommateurs du pays) combinée à la forte probabilité que les États-Unis se voient imposer des droits de douane de représailles de la part de leurs partenaires commerciaux entraînerait une réduction permanente de 1,4 point de pourcentage du PIB. Il s’agit d’une illustration de la politique dans sa forme brute, car la mise en œuvre réelle par rapport au discours électoral contient souvent de nombreux ajustements qui modifient les analyses. 

Les considérations à long terme à l’égard des pouvoirs exécutif et législatif en 2026 comprennent la nomination du prochain président de la Réserve fédérale américaine et le premier examen de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). Bien que l’année 2026 semble lointaine, les résultats du 5 novembre donneront le coup d’envoi d’une série de projections économiques en lien avec la trajectoire de la politique budgétaire et, par extension, de la politique monétaire.

Q5. Quelles sont les répercussions de la hausse de la population américaine? 

Le graphique 5 présente le taux d’inoccupation des logements locatifs aux États-Unis ainsi que l’indice des loyers observés par Zillow, mesuré sur une base annualisée sur 3 mois. Après s’être maintenu dans une fourchette de 5,5 % à 6,0 % en 2021 et en 2022, le taux d’inoccupation des logements locatifs a augmenté au cours de la dernière année et a récemment renoué avec son niveau d’avant la pandémie. La faiblesse des taux d’inoccupation en 2021/2022 semble se répercuter sur les prix des loyers, la croissance de l’indice des loyers observés par Zillow ayant atteint un sommet de 22 % au deuxième semestre de 2021. La croissance de l’indice des loyers a convergé vers son niveau d’avant la pandémie.

Il a toujours été difficile de déterminer comment le marché de l’emploi pouvait continuer de créer des emplois au rythme de 251 000 en moyenne par mois l’an dernier, et ce, sans entraîner un accroissement correspondant des pressions sur les salaires. De nouveaux renseignements ont récemment fait la lumière sur cette question.

Une estimation différente de l’immigration faite par le Congressional Budget Office (CBO) a révélé une croissance de la population (et, par conséquent, de la main-d’œuvre) beaucoup plus forte au cours des dernières années. Selon le CBO, les flux d’immigration annuels se sont établis en moyenne à 3,0 millions au cours des deux dernières années, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de 1,0 million par année avant la pandémie. Le CBO maintient cette estimation élevée jusqu’en 2026. Cette hausse est attribuable à quelques facteurs, dont une montée en flèche après la pandémie, mais elle est en grande partie attribuable à une augmentation importante des estimations du CBO à l’égard du nombre d’individus classés dans la catégorie des autres ressortissants étrangers. Cela comprend les personnes qui sont entrées aux États-Unis de façon illégale ainsi qu’au moyen du programme d’entrée sous condition et qui sont peut-être en attente d’une procédure devant un tribunal de l’immigration. D’ici la fin de 2026, les effets combinés pourraient ajouter pas moins de 7 millions de personnes à la population américaine. 

Les effets ont été très apparents sur le marché du travail. Avant la pandémie, les projections concernant la population et la participation à la population active effectuées par le CBO, le Bureau of Labor Statistics et la Social Security Administration indiquaient que la création d’emplois pourrait atteindre un rythme mensuel durable de 60 000 à 140 000 emplois. Pourtant, les effectifs correspondaient en moyenne à plus de deux fois la médiane de cette fourchette en 2023. En conséquence, la plupart des économistes (dont nous faisons partie) ont laissé entendre que le marché de l’emploi était beaucoup trop serré et que la croissance de l’emploi devrait ralentir considérablement, ce qui nécessiterait une certaine hausse du taux de chômage, pour que le marché de l’emploi se rééquilibre et que l’inflation ralentisse. Toutefois, après avoir pris en compte les projections révisées du CBO sur l’immigration, il y a maintenant une autre explication. 

La forte croissance de la population a probablement stimulé la croissance à court terme de la population active. Autrement dit, la capacité du marché de l’emploi à absorber plus de travailleurs sans nécessairement accroître les pressions inflationnistes a augmenté temporairement et de façon importante, probablement dans une fourchette de 175 000 à 200 000 travailleurs. Par conséquent, même si la croissance de l’emploi sera probablement lente au deuxième semestre de l’année, il est peu probable qu’elle soit aussi prononcée que prévu. 

Au-delà du marché de l’emploi, la hausse de l’immigration a également stimulé les dépenses de consommation. En utilisant les données sur le revenu annuel moyen d’un immigrant et en supposant une propension marginale relativement élevée à consommer, nous estimons que la hausse globale des dépenses en 2023 pourrait s’être établie dans une fourchette de pas moins de 0,2 à 0,3 point de pourcentage. Une hausse semblable devrait avoir lieu en 2024. 

Du point de vue du logement, les répercussions ont été limitées jusqu’à présent. Ces dernières années, le nombre de ménages a augmenté à peu près comme avant la pandémie, et les ventes de maisons n’ont pas augmenté de façon perceptible. Cela n’est pas entièrement surprenant, car les immigrants ont tendance à être locataires bien avant de devenir acheteurs. De plus, les problèmes d’abordabilité ont probablement été un obstacle pour les nouveaux arrivants. Cela pourrait toutefois expliquer pourquoi les tarifs de location subissent des pressions plus persistantes. Les répercussions semblent relativement faibles malgré tout, car le taux d’inoccupation des logements locatifs a graduellement augmenté au cours de la dernière année et a récemment renoué avec son niveau d’avant la pandémie.

Q6. Dans quelle mesure la hausse de l’inflation aux États-Unis devrait-elle nous préoccuper? 

Le graphique 6 présente les taux de variation de l’inflation de base selon les dépenses personnelles de consommation sur 3, 6 et 12 mois (annualisés). Après un ralentissement en 2023, les progrès sur le front de l’inflation ont plus récemment stagné, les taux de variation sur 6 mois et sur 12 mois se stabilisant à environ 3 %. Par ailleurs, le taux annualisé sur trois mois a augmenté pour toucher 4,3 %. Les données proviennent du Bureau of Economic Analysis.

Après avoir fortement ralenti au deuxième semestre de l’année dernière, l’accroissement de l’inflation s’est arrêté pendant les premiers mois de 2024. En mars, le taux de variation annualisé sur trois mois de l’inflation de base selon les dépenses personnelles de consommation se situait à 4,4 %, soit le taux le plus élevé en 12 mois, tandis que les taux annualisés des variations sur 6 mois et sur 12 mois se sont aplatis à environ 3 % (graphique 6). Une analyse plus approfondie des données montre que quelques facteurs ont entraîné la récente remontée. 

La baisse des prix des biens a été une importante source de pressions désinflationnistes au cours des deux dernières années, représentant environ 80 % de la baisse des dépenses personnelles de consommation de base par rapport à leur sommet. Toutefois, comme les chaînes d’approvisionnement se sont largement normalisées après la pandémie, les pressions à la baisse exercées par la diminution des prix des biens se dissipent déjà. Parallèlement, les pressions sur les prix des services de base sont demeurées fortes. Deux dynamiques sous-jacentes sont en action. Premièrement, malgré les mesures du marché qui laissent entrevoir un ralentissement des taux de location, il y a très peu de signes de répercussion dans le paramètre refuge qu’est l’inflation. En mars, l’habitation continuait de contribuer à hauteur d’un point de pourcentage de l’inflation de base selon les dépenses personnelles de consommation, soit le double de sa contribution avant la pandémie, lorsque l’inflation était plus proche de 2 %. Deuxièmement, le secteur des services autres que l’habitation, ou la « super mesure de base », s’est redressée, le taux de variation annualisé sur trois mois ayant progressé pour atteindre un sommet de près de 5,6 % sur trois ans. La hausse est attribuable à l’augmentation des frais médicaux, des frais liés aux services financiers et à d’autres services personnels (y compris les soins personnels, les services postaux, les services de garde d’enfants et les services comptables).

Le graphique 7 illustre l’évolution de la perception du marché à l’égard des réductions de taux prévues des fonds fédéraux depuis la décision du FOMC concernant les taux en décembre, ainsi que les prévisions des Services économiques TD à l’égard du taux directeur. Les marchés ont modifié leurs attentes quant aux baisses de taux en raison de l’inflation persistante aux États-Unis, les reportant à la fin de l’année; on s’attend maintenant à ce que les taux des fonds fédéraux demeurent à un niveau beaucoup plus élevé à la fin de 2025.

Il n’est peut-être pas surprenant que la « super mesure de base » de l’inflation ait considérablement augmenté, étant donné que les dépenses dans les services ont progressé à un rythme trimestriel annualisé exceptionnel de 4,0 % au quatrième trimestre. En dehors de la pandémie, cela ne s’est produit que trois autres fois au cours des 20 dernières années! Et cette dynamique semble vouloir se poursuivre au deuxième trimestre au moins. Tous ces facteurs laissent penser que la hausse de la « super mesure de base » de l’inflation devrait se poursuivre à court terme. En plus de l’ajustement plus lent des prix des habitations, les progrès à court terme sur le front de l’inflation semblent limités. Un nouveau ralentissement de la création d’emplois tout au long du deuxième semestre de 2024 est nécessaire pour réduire les dépenses. Cette réduction coïnciderait également avec le moment où la baisse des taux de location finirait par se répercuter sur les coûts d’habitation après de longs décalages. L’équilibre est délicat, mais il s’agit probablement d’une condition préalable requise pour rétablir la stabilité des prix. Et c’est pourquoi nous avons parié sur une première baisse des taux en décembre (graphique 7). En fin de compte, l’inflation de base ne devrait pas revenir à 2 % avant la fin de 2025, ce qui permettra une plus grande normalisation du taux directeur à mesure que les membres de la Réserve fédérale américaine regagneront confiance en sa trajectoire.

Q7. Pourquoi le Canada ne profite-t-il pas de l’exception économique américaine?

Le Canada a l’avantage unique d’avoir comme principal partenaire commercial la première économie du monde, laquelle affiche également la croissance économique la plus rapide au monde. Cela a contribué à stimuler les exportations et les investissements des entreprises à un moment où l’économie canadienne en a le plus besoin. Au quatrième trimestre de 2023, la croissance du PIB réel s’est établie à un taux annualisé de 1 %, mais sans les avantages du commerce net avec les États-Unis, l’économie canadienne aurait probablement été frappée par une récession technique. 

Le coup de pouce des États-Unis ne peut toutefois pas entièrement compenser le mouvement à la baisse attribuable aux facteurs intérieurs. L’endettement élevé des ménages a accru la sensibilité des Canadiens aux taux d’intérêt par rapport à leurs homologues américains. C’est pourquoi la croissance économique n’a pas réalisé son plein potentiel depuis que la Banque du Canada a commencé à relever ses taux à l’été 2022. Depuis, la croissance trimestrielle du PIB n’a été que de 0,8 %, en raison surtout de la faiblesse des dépenses de consommation. Cela représente moins du tiers de la croissance aux États-Unis au cours de cette période. 

Le graphique 8 présente la variation annuelle du nombre de chômeurs au Canada depuis 1980. Alors que le marché de l’emploi continue de se fissurer en raison de la hausse des taux d’intérêt, le nombre de travailleurs sans emploi a continué de progresser au Canada. L’augmentation courante sur un an du nombre de chômeurs est la plus élevée enregistrée en dehors d’une récession depuis 40 ans.

Les perspectives à court terme ne sont pas favorables non plus. Bien qu’il y ait eu une amélioration des dépenses de consommation en décembre et en janvier, les consommateurs ont depuis commencé à resserrer les cordons de leurs bourses. Les répercussions sur d’autres données économiques sont devenues plus évidentes, la croissance de l’emploi ayant ralenti pour se situer en deçà de la croissance de la main-d’œuvre au deuxième semestre de 2023. Les données sur l’emploi publiées en mars ont été carrément décevantes, et le taux de chômage a déjà augmenté de 1,3 % points de base, passant de son creux à 6,1 %. Ce résultat est largement attribuable à la croissance plus rapide de la population active par rapport à la création d’emplois, et laisse de nombreux Canadiens sur la touche. Le nombre de chômeurs a augmenté de près de 300 000, la variation annuelle en pourcentage atteignant le niveau le plus élevé observé en dehors de la récession au cours des quatre dernières décennies. (Voir le graphique 8.)  Cela témoigne de la faiblesse des paramètres fondamentaux de l’économie du Canada, qui peut être atténuée, mais pas entièrement absorbée par les retombées positives provenant de son voisin du Sud. Pour cette raison, nous prévoyons un assouplissement continu du marché du travail canadien, avec un taux de chômage atteignant 6,7 % d’ici la fin de 2024.

Q8. La Banque du Canada sera-t-elle en mesure de réduire les taux d’intérêt si la Réserve fédérale américaine ne le fait pas?

Le graphique 9 présente la répartition de la différence entre le taux directeur réel aux États-Unis et celui au Canada depuis 1993. Les données montrent qu’un écart de plus de 100 à 125 entre le taux de la Fed et celui de la BdC serait temporaire, car la majorité des observations se situent dans la fourchette de -1,6 à 0,9 point de base.

Oui. S’il y a une chose que nous avons apprise depuis que les banques centrales ont commencé à relever les taux, c’est que les taux d’intérêt influent différemment sur les économies. Comme mentionné ci-dessus, l’économie canadienne progresse à un taux inférieur à son taux de croissance tendanciel depuis près de deux ans. Cette faiblesse économique a entraîné un ralentissement de l’inflation au Canada par rapport aux États-Unis. La BdC doit réagir à ce qui se passe au pays. Si elle croit avoir engendré une réduction suffisante de la croissance économique pour s’assurer que l’inflation a repris une trajectoire durable à 2 %, elle devrait réduire les taux, même si la Réserve fédérale américaine (Fed) ne le fait pas.

La question n’est pas de savoir si la BdC peut réduire ses taux avant la Fed, mais plutôt quelle sera l’ampleur de ses baisses de taux. Un écart de 100 à 125 points de base entre le taux directeur de la Fed et celui de la BdC semble viable du point de vue historique. Tout écart supérieur devrait être temporaire (graphique 9), sans quoi la BdC risquerait de faire tomber le huard sous son niveau psychologique de 0,70 $ US. 

Nous prévoyons un élargissement de l’écart entre les taux directeurs, étant donné que la BdC devrait abaisser son taux en juillet et commencer à accélérer ses réductions à la fin de 2024. De l’autre côté de la frontière, la Fed devrait prendre son temps à notre avis, décembre étant le mois le plus probable auquel elle devrait commencer ses réductions. Cela signifie que l’écart entre le taux directeur de la BdC et celui de la Fed atteindrait 125 pdb, avant que la Fed n’accélère ses propres baisses de taux. Cela présuppose que la BdC gérera la politique monétaire en fonction de ce qui se passe au Canada, tout en gardant un œil sur la conjoncture aux États-Unis.

Q9. Les budgets fédéral et provinciaux ont-ils rendu le travail plus difficile pour la Banque du Canada?

En quelque sorte. Les plans décrits par les gouvernements au cours de la période des budgets de 2024 reflètent des dépenses nettes en augmentation plus rapide que la croissance économique, ce qui peut nuire aux efforts de lutte contre l’inflation de la Banque du Canada. Toutefois, le coup de fouet apporté à la croissance est moins important qu’au cours des dernières années. En additionnant toutes les mesures fiscales et de dépenses de la saison budgétaire actuelle, nous estimons que le PIB devrait être stimulé de 0,2 point de pourcentage (pp) cette année par rapport aux plus récentes mises à jour budgétaires de l’automne dernier. Les provinces fournissent la plus grande partie de ce soutien. De son côté, le gouvernement fédéral a promis d’engager d’importantes nouvelles dépenses, bien qu’une grande partie de celles-ci soient reportées. Pour l’exercice en cours, nous prévoyons des mesures de relance nettes modérées de la part du gouvernement fédéral. En revanche, nous avions estimé que les mesures budgétaires mises en place au cours de la saison budgétaire de 2023 avaient ajouté environ 25 milliards de dollars, soit 0,9 pp, à la croissance de l’an dernier.

Q10. Quel sera l’impact des nouvelles politiques au Canada sur le marché de l’habitation? 

Le graphique 10 présente les logements nouvellement achevés au Canada de 1950 à 2022 et le nombre annuel de nouveaux logements à construire pour atteindre les cibles du gouvernement fédéral dans le cadre du Plan du Canada sur le logement. Selon le plan du gouvernement fédéral, il faudrait construire 550 000 nouveaux logements par année de 2025 à 2031. En ce qui concerne le nombre de nouveaux logements construits au Canada, 219 000 logements ont été achevés en 2022, comparativement à 223 000 en 2021 et à un creux à court terme de 187 000 unités. La moyenne à long terme est d’environ 175 000 logements achevés, le maximum étant de 257 000 unités en 1974 et le minimum, de 73 000 en 1952.

À notre avis, les mesures relatives à l’habitation contenues dans les récents budgets fédéral et provinciaux n’auront probablement qu’un effet marginal sur l’offre de logements, en particulier dans le segment des logements locatifs. Par ailleurs, les mesures axées sur la demande ne modifieront pas sensiblement nos prévisions en matière de revente, en raison de leur nature ciblée. Par exemple, la décision du gouvernement fédéral de prolonger la période d’amortissement de 25 à 30 ans ne s’applique qu’aux acheteurs qui acquièrent un premier logement dont la construction est achevée et qui contractent un prêt hypothécaire assuré.

La volonté du gouvernement de stimuler l’offre de logements est un défi ambitieux. Le gouvernement fait face à des défis posés par les contraintes de main-d’œuvre : une main-d’œuvre vieillissante, de nouveaux arrivants au Canada qui travaillent dans le segment de la construction à des tarifs inférieurs à ceux des principaux segments selon une analyse de la Banque du Canada et la forte concurrence des projets non résidentiels pour les travailleurs. L’atteinte de la cible de nouveaux logements prévue dans le plan de logement du gouvernement fédéral repose sur la construction de 550 000 nouveaux logements par année, soit plus du double du sommet historique (graphique 10).

À l’échelle provinciale, le plus récent budget de la Colombie-Britannique comportait aussi des mesures notables en matière de logement, notamment plus d’argent pour la construction de logements locatifs. La nouvelle taxe sur les opérations immobilières de vente-achat ciblera tout au plus 3 % du marché (probablement moins), tandis que l’allégement fiscal pour les acheteurs d’une première propriété offrira un certain soutien, mais ne générera probablement pas suffisamment d’épargne pour faire fluctuer la demande. De son côté, le gouvernement de l’Ontario a mis en place un nouveau programme qui soutiendra les projets d’infrastructures, comme des routes et des aménagements hydrauliques, lesquels contribueront à la construction de nouveaux logements. Cela pourrait donner un certain coup de pouce pour lancer ces activités, bien que les mêmes contraintes imposées au plan fédéral seraient également en jeu.

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