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Aborder les sujets liés aux perspectives économiques et financières

date publiée: 20 août 2025

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Q1. Un accord par-ci, un accord par-là! Où en sont les accords commerciaux conclus avec les États-Unis?    

Le graphique 1 présente les taux tarifaires imposés aux sept nations avec lesquelles les États-Unis ont conclu des accords commerciaux (Royaume-Uni, Vietnam, Indonésie, Japon, Philippines, Union européenne et Corée du Sud) ainsi que la part des importations américaines que représentaient ces dernières en 2024. Des taux tarifaires de 15 % à 20 % ont été imposés à l’ensemble d’entre eux, à l’exception du Royaume-Uni, pour lequel le taux est de 10 %. La part des importations aux États-Unis provenant de ces nations va de 0 % à 3,6 %, à l’exception de l’Union européenne, qui comptait pour 15 % des importations américaines en 2024.

Six mois se sont écoulés depuis l’entrée en vigueur des premiers droits de douane annoncés, ce qui est maintenant considéré comme le bon vieux temps. Depuis, une multitude de pays et de secteurs ont été frappés par des droits de douane, ce qui a fait passer le taux tarifaire effectif américain d’environ 2,5 % à près de 20 %. Même si nous nous attendons à ce que le taux tarifaire effectif diminue légèrement à mesure que d’autres accords commerciaux sont conclus, des taux tarifaires américains élevés continueront à faire partie intégrante du paysage économique. Jusqu’à présent, sept pays ont réussi à négocier un accord commercial : le Royaume-Uni, le Vietnam, l’Indonésie, le Japon, les Philippines, l’Union européenne et la Corée du Sud. Collectivement, ces pays comptent pour un peu plus du quart des importations américaines, les taux tarifaires appliqués allant de 15 % à 20 %. Le Royaume-Uni fait figure d’exception avec un taux tarifaire de 10 % (graphique 1).

De plus, les États-Unis ont accepté diverses réductions des droits de douane dans certains secteurs visés par les examens ordonnés au titre de l’article 232. Dans le cas de l’acier/aluminium, seul le Royaume-Uni a bénéficié d’une modification prévoyant le maintien du taux tarifaire initial de 25 %, comparativement à tous les autres pays frappés d’un droit de douane de 50 %. Il est toujours possible que des régions, comme l’Union européenne, négocient des exemptions ou des contingents, les discussions se poursuivant. En ce qui concerne l’automobile, le Royaume-Uni a encore une fois conclu un meilleur accord, qui fixe les droits de douane à 10 %, avec contingent, tandis que le Japon, la Corée du Sud et l’Union européenne sont quant à eux assujettis à des droits de douane de 15 %. Collectivement, ces pays représentent la quasi-totalité des importations américaines de véhicules et de pièces automobiles provenant de l’extérieur de l’Amérique du Nord.

Pour devancer ce qui pourrait arriver, l’Union européenne a déclaré qu’elle convenait à l’imposition des droits de douane de 15 % sur les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs. Ce taux devrait être inférieur au droit de douane sectoriel qui s’appliquera à ces produits. L’Union européenne représentait 62 % des importations américaines de produits pharmaceutiques en 2024, ce qui indique que ce rajustement était important. De plus, l’Union européenne a indiqué qu’elle avait convenu à la proposition de droits de douane nuls sur les avions et les pièces d’avions, les équipements de fabrication de semi-conducteurs, les ressources naturelles et les matières premières essentielles, en plus de certains produits chimiques, médicaments génériques et produits agricoles. Une fois que les États-Unis auront officialisé ces ententes commerciales, qui ne sont pour le moment que des déclarations de l’Union européenne, le taux tarifaire effectif baissera.

Il faut souligner qu’un accord commercial conclu avec les États-Unis va au-delà des droits de douane. Les cadres comportent également des intentions d’investissement cumulatif de plus d’un millier de milliards de dollars dans des projets américains dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, de l’aérospatiale et de la construction navale. La majeure partie de ces investissements viendront de l’Union européenne, du Japon et de la Corée du Sud, mais il est important de noter que les détails de ces investissements sont flous. Il existe des versions contradictoires au sujet des accords conclus entre les partenaires commerciaux. Comme il s’agit du plus important changement de politique commerciale depuis des générations, il faudra plus de temps pour discuter des nombreuses subtilités. Autrement dit, l’incertitude entourant le contexte d’affaires pour les pays peut persister longtemps après la conclusion d’accords commerciaux de principe. 

Q2. Comment les perspectives économiques des États-Unis ont-elles évolué? 

Plus tôt cet été, nous avons été surpris par la résilience inébranlable de l’économie américaine face à l’incertitude accrue à l’égard des politiques, à la mise en œuvre désordonnée des droits de douane et aux taux d’intérêt élevés. Mais ce discours a rapidement changé au cours des six dernières semaines. La détérioration des données économiques et les révisions des mois précédents ont révélé une plus grande vulnérabilité sur le plan des dépenses de consommation et de la création d’emplois. Cette situation avait été voilée par l’importante volatilité au sein de la mesure du produit intérieur brut (PIB) global, qui s’est contractée au premier trimestre avant de rebondir de 3 % au deuxième trimestre, en raison des fluctuations massives dans les données sur le commerce. Une analyse en profondeur révèle des signes évidents qui montrent que l’économie est en perte de vitesse (graphique 2). 

Le signe le plus important est l’essoufflement de la dynamique des dépenses de consommation au premier semestre de l’année, le taux de croissance n’ayant été en moyenne que de 1 % (voir la question 3 pour plus de détails). Heureusement, le raffermissement des investissements des entreprises a quelque peu contrebalancé les choses, notamment la hausse des dépenses en équipement de 10 % au premier semestre de 2025. À première vue, il serait plausible de supposer que la majeure partie de cette vigueur était attribuable à l’anticipation des droits de douane. Toutefois, l’essentiel des gains provient de la hausse des dépenses en matériel informatique et logiciels, dont une partie est probablement liée aux investissements dans le secteur de l’intelligence artificielle (IA). 

Nous soutenons depuis longtemps que l’essor des investissements dans les centres de données et les installations de semi-conducteurs, qui a commencé en 2022, finirait par entraîner une forte hausse des dépenses en équipement à mesure que ces projets approcheraient de leur achèvement. C’est ce qui se passe en ce moment. D’après nos estimations, les dépenses liées aux projets technologiques ont ajouté 0,7 point de pourcentage au PIB au premier semestre de 2025 et demeureront probablement un facteur favorable constant au cours des prochaines années. En l’absence d’une telle contribution, le volume des ventes finales aux acheteurs privés du pays –  le meilleur indicateur de l’activité économique sous-jacente – aurait stagné au premier semestre de cette année, renforçant l’idée qu’il n’y avait pas de catalyseur de croissance ailleurs au sein de l’économie (graphique 3). Selon nous, la croissance devrait s’établir en moyenne à environ 1 % au deuxième semestre de 2025, ce qui porte la moyenne annuelle à 1,6 %, soit un niveau légèrement inférieur à la tendance, et un recul important par rapport aux 2,8 % enregistrés en 2024.

Le graphique 2 montre la contribution à la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel au cours des six derniers trimestres. La demande intérieure – qui comprend les dépenses de consommation, les investissements fixes et les dépenses gouvernementales – a considérablement ralenti au premier semestre de 2025, tandis que les fortes fluctuations des exportations nettes ont entraîné une contraction du PIB au premier trimestre et une croissance de 3 % au deuxième trimestre. Les données proviennent du Bureau of Economic Analysis. Le graphique 3 montre un indice du volume des ventes privées finales aux acheteurs du pays, avec et sans les investissements liés à l’intelligence artificielle (IA). Le domaine de l’IA a été une importante source de croissance au premier semestre de 2025. En l’absence d’une telle contribution, l’activité intérieure aurait stagné. * Les investissements liés à l’IA comprennent toutes les dépenses liées aux ordinateurs et autres périphériques, logiciels et structures manufacturières (y compris les centres de données et les installations de semi-conducteurs). Les données proviennent du Bureau of Economic Analysis.

En 2026, la croissance économique devrait s’élever à 1,8 %, ce qui n’est pas particulièrement remarquable et reflète une minoration de nos prévisions (s’élevant auparavant à 2,1 %). Cela est dû au fait que le taux tarifaire effectif américain semble s’établir à un niveau plus élevé que prévu, alors que les facteurs favorables liés à l’IA et au budget continuent d’offrir une protection, ainsi qu’au risque à la hausse pour 2026. En vertu de la loi One Big Beautiful Bill Act (OBBBA), la combinaison de nouveaux allégements fiscaux destinés aux ménages, l’amortissement bonifié de 100 % pour l’équipement et l’augmentation des dépenses fédérales de défense et de sécurité frontalière pourraient représenter une hausse budgétaire de 0,3 à 0,5 point de pourcentage au cours des quelques prochaines années. Toutefois, le dividende budgétaire ne persistera pas, les nouveaux allégements fiscaux destinés aux ménages expirant après 2028, au même moment où s’intensifieront les importantes réductions des dépenses dans le programme Medicaid, les programmes d’aide alimentaire supplémentaire et les subventions pour l’énergie propre.

Q3. Quelles sont les perspectives pour les consommateurs aux États-Unis qui doivent composer avec plusieurs forces?

Le graphique 4, intitulé « Les consommateurs américains appuient sur les freins », illustre la croissance des dépenses de consommation réelles et du PIB en 2024 et en 2025. Il montre que les dépenses de consommation ont ralenti, passant de 2,5 % et de 3,5 % au premier et au deuxième semestres de 2024, respectivement, à 1,6 % au premier semestre de cette année. Les Services économiques TD s’attendent à ce que la croissance ralentisse pour s’établir à 0,9 % au deuxième semestre de 2025.

Les dépenses de consommation ont avancé à un rythme annualisé de 1,6 % au premier semestre de l’année, contre 3,6 % au cours du deuxième semestre de 2024. Cela s’est produit alors même que les ménages ont accéléré les achats importants avant les hausses de droits de douane prévues. La perte de l’élan est en grande partie attribuable au recul des dépenses discrétionnaires – un signe d’avertissement – car de nombreuses forces se liguent contre les ménages, notamment le ralentissement du marché de l’emploi, l’incertitude économique accrue et le resserrement de la politique d’immigration (graphique 4). 

Les importantes révisions à la baisse du nombre d’emplois ont grandement aidé les économistes à comprendre pourquoi les dépenses de consommation étaient désormais décalées par rapport aux paramètres fondamentaux plus généraux. Les révisions ont révélé que la croissance de l’emploi a stagné en mai et en juin, pour ensuite ne rebondir que modestement en juillet. En moyenne, seuls 35 000 emplois ont été pourvus au cours des trois derniers mois. Cela représente à peu près un tiers du rythme de roulement requis aux États-Unis.

Les pressions inflationnistes s’intensifient de nouveau et constituent un obstacle pour les consommateurs. Avec l’entrée en vigueur des droits de douane plus élevés et l’épuisement des stocks, les entreprises commencent à répercuter la hausse des coûts sur les consommateurs. Les prix des biens, qui étaient en baisse, affichent de nouveau une tendance à la hausse. En réaction à cette situation, les ménages ont commencé à réduire leurs dépenses dans des catégories ayant connu les hausses de prix les plus fortes, comme les meubles et les biens de loisirs. Nous estimons que les droits de douane entraîneront une hausse du coût de la vie moyen des ménages de plus de 1 900 $ par année, ce qui équivaut à une hausse d’impôt de 1 % du PIB.

Outre les préoccupations à l’égard des droits de douane et du marché de l’emploi, les habitudes de dépenses reflètent également la faible croissance démographique, les taux hypothécaires élevés et la reprise du remboursement des prêts étudiants. Certaines de ces influences persisteront, comme celles qui concernent les personnes ayant contracté des prêts étudiants et qui doivent faire face à des mensualités plus élevées en raison des réformes relatives à l’endettement des étudiants introduites dans l’OBBBA. 

Les nouvelles mesures de l’OBBBA, comme l’élimination de l’impôt sur les pourboires et les heures supplémentaires, la déduction des intérêts sur les prêts automobiles et une déduction de 6 000 $ pour les personnes âgées serviront de contrepoids. Toutefois, ces changements ne compenseront que partiellement l’effet de la hausse des prix à la consommation, à mesure que les droits de douane s’immiscent dans les structures de coûts des entreprises au fil du temps. 

En ce qui concerne l’avenir, nous nous attendons à ce que la croissance des dépenses de consommation s’accélère, passant d’environ 1 %  cette année à 1,7 % (d’un quatrième trimestre à l’autre) en 2026. Cela est toutefois encore considéré comme un rythme modeste. 

Q4. L’inflation reflète-t-elle les répercussions des droits de douane? 

En un mot, oui. Aux États-Unis, les prix des biens montrent les premiers signes que les hausses de prix découlant des droits de douane sont répercutées sur les consommateurs. En juillet, la hausse des prix des biens de base était de 1,2 % sur 12 mois par rapport à 2024, où les prix ont chuté d’environ 1 %. Il s’agit certes d’une hausse relativement modeste, surtout par rapport à la flambée de l’inflation qui s’est produite après la pandémie, lorsque l’augmentation du prix des biens a atteint un sommet de 12,5 % sur 12 mois. La constitution de stocks avant l’annonce de l’entrée en vigueur des droits de douane a été un facteur limitant l’exposition aux droits de douane et, par conséquent, l’ampleur des hausses de prix répercutées sur les consommateurs. 

Cependant, la tendance n’est pas favorable en ce qui concerne les mesures des prix des biens de base. En effet, une catégorie masque à elle seule une remontée des pressions généralisées. Les prix des véhicules neufs et d’occasion ont diminué de 1 % depuis l’annonce initiale des droits de douane sur les véhicules en mars, en raison d’une augmentation des stocks et d’un repli de la demande. En dehors de cette catégorie, les prix de tous les autres biens (mesurés par l’inflation de l’indice des prix à la consommation [IPC]) ont augmenté de près de 4 % sur une base annualisée au cours des trois derniers mois (graphique 5). Ces pressions risquent de s’intensifier davantage au cours des prochains mois, car les produits entrants seront touchés par la révision des taux tarifaires du 7 août. Ce pourrait ne pas être évident dans l’immédiat, car les marchandises en transit bénéficient d’un délai de grâce jusqu’au début d’octobre. C’est aussi à ce moment que devraient grimper les prix des véhicules, quand les concessionnaires auront commencé à déployer les modèles 2026.  

Jusqu’à récemment, le ralentissement de l’inflation dans le secteur des services avait contrebalancé la hausse des prix des biens connue plus tôt cet été. Mais cette situation a pris fin en juillet, les pressions sur les prix des services autres que l’habitation ayant considérablement augmenté. Il est encore trop tôt pour savoir si cette tendance persistera, mais même dans le meilleur scénario où la tendance dans le secteur des services ralentit, les mesures de l’inflation de base vont probablement se situer autour du taux de 3 % affiché aujourd’hui pour une autre année.   En ce qui concerne le Canada, ses droits institués à titre de rétorsion ont été plus limités et axés sur les produits américains. En théorie, cela devrait se traduire par une hausse moins importante des prix, mais rien n’est garanti. Les sociétés mondiales peuvent faire subir les contrecoups des prix élevés partout dans le monde (dans l’espoir de limiter le choc aux États-Unis). De plus, les sociétés opportunistes pourraient utiliser les hausses de prix à l’importation pour couvrir leurs propres hausses. Toutefois, jusqu’à présent, notre analyse montre que les catégories de l’IPC dans lesquelles les éléments assujettis à des droits institués à titre de rétorsion   étaient responsables d’une bonne partie des hausses de prix en mai et en juin (graphique 6). 

Le graphique 5 montre la variation en pourcentage sur un mois de l’indice des prix à la consommation (IPC), à l’exclusion des aliments et de l’énergie, selon que la catégorie de produit comporte des éléments assujettis à des droits de douane. Le graphique montre qu’en mai et en juin, les hausses de prix étaient concentrées dans les catégories comportant des éléments assujettis aux droits de douane. Le graphique 6 montre le taux de variation annualisé sur trois et six mois des prix des biens de base (à l’exclusion du prix des véhicules neufs et d’occasion) depuis 2019. Pour le trimestre clos en juin, cette mesure a grimpé de 3,9 %, soit le rythme de croissance des prix le plus élevé depuis mars 2023. Les données proviennent du Bureau of Labor Statistics.

Il sera intéressant de surveiller la mesure dans laquelle la récente appréciation du dollar canadien peut aider à compenser toute hausse future. Toutefois, la reprise de l’inflation au Canada devrait être relativement plus faible qu’aux États-Unis. Les droits de douane visent un ensemble plus restreint d’éléments, et l’économie devrait traverser une phase d’offre excédentaire soutenue en raison du ralentissement de la demande intérieure (voir la question 7). 

Q5. Quelles sont les répercussions sur la politique de la Fed et les taux obligataires? 

Le graphique 7 présente les composantes de la prime payable à l’échéance aux États-Unis, en points de base, du 20 janvier au 5 août 2025. La prime de risque d’inflation (déduite des seuils de rentabilité) a diminué, passant d’une moyenne de 18 points de base, pour la période de janvier au début avril, pour s’établir à 6 points de base par la suite. La prime de risque réelle (calculée comme une composante résiduelle selon le modèle Adrian, Crump et Moench [ACM]) est passée d’une moyenne de 20 points de base à 63 points de base au cours des mêmes périodes.

Bien que l’inflation demeure plus élevée que ce que les décideurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) pourraient préférer, un contexte de ralentissement économique donne à la Fed des raisons valables pour reprendre les baisses de taux d’intérêt. Nous prévoyons trois réductions d’un quart de point du taux des fonds fédéraux à chacune des trois prochaines réunions, ce qui fera en sorte que le taux se situe dans la fourchette cible supérieure de 3,75 % d’ici la fin de l’année. Et il y a encore une marge de manœuvre pour revenir à un taux neutre de 3,25 % d’ici le milieu de 2026.

Cela dit, une réduction de 125 points de base (pdb) des taux à court terme pourrait ne pas se faire ressentir de la même façon sur toute la courbe. L’écart de taux entre les obligations à 10 ans et les obligations à 2 ans aux États-Unis a augmenté de moins de 20 pdb depuis janvier, ce qui est une faible hausse comparativement à l’accentuation de la courbe de 40 pdb et de 30 pdb observée respectivement en Allemagne et au Canada. Cela donne à penser que la hausse de la prime à l’échéance aux États-Unis a été relativement restreinte.  

Pourtant, le risque persiste. Notre analyse indique que la majeure partie de l’augmentation de la prime à l’échéance aux États-Unis jusqu’à maintenant tient compte de l’incertitude à l’égard de la croissance, de la viabilité budgétaire et de l’instabilité géopolitique, ainsi que de l’évolution de la dynamique de l’offre et de la demande pour les obligations à long terme (graphique 7).  En revanche, le déficit budgétaire important et croissant des États-Unis ne semble pas encore contribuer de façon importante à l’augmentation de la prime à l’échéance, ce qui pourrait revenir sur le devant de la scène à tout moment. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation, notamment les attentes des marchés à l’égard d’une croissance américaine relativement plus forte et le statut de valeur refuge du marché des titres du Trésor américain. Dans les deux cas, cela a eu pour effet de réduire la prime à l’échéance par rapport à d’autres obligations d’État.  

De plus, la stratégie d’émissions du Trésor a permis de contenir la prime à l’échéance aux États-Unis. Cette stratégie vise notamment à orienter les émissions vers le segment à court terme de la courbe, à maintenir le bassin de titres à plus long terme stable et à intensifier le programme de rachat pour retirer de la circulation des obligations à long terme plus anciennes et moins liquides. L’effet net est une réduction du bassin d’obligations à long terme, ce qui aide à plafonner ces taux. Toutefois, le risque d’une nouvelle hausse de la prime de risque ne peut pas être écarté pour le moment. Les risques d’inflation n’ont pas disparu et la guerre commerciale pourrait continuer à contrecarrer la volonté de la Fed de réduire les taux d’intérêt. Pour l’instant, selon nos prévisions de base actuelles, le taux des obligations à 2 ans aux États-Unis devrait se situer à 3,25 % et le taux des obligations à 10 ans, à 4,0 %, d’ici le deuxième trimestre de 2026, l’écart de taux entre les obligations à 10 ans et les obligations à 2 ans s’accentuant, pour passer de 50 pdb aujourd’hui à environ 75 pdb.   

Q6. Qu’est-ce que cela signifie pour le marché de l’habitation américain? 

Le graphique 8 montre le niveau des ventes de propriétés existantes aux États-Unis à gauche et l’inversion du taux des prêts hypothécaires à 30 ans à droite. Les séries sont étroitement corrélées, de sorte qu’une baisse des taux a tendance à coïncider avec une reprise des ventes de propriétés. Le taux des prêts hypothécaires à 30 ans a récemment de nouveau diminué, signe d’une amélioration imminente des ventes de propriétés à court terme.

Les taux d’intérêt à long terme élevés ont continué à peser sur l’activité dans le secteur de l’habitation au premier semestre de 2025. Le niveau des ventes de propriétés reste près des creux de la crise financière mondiale, ce qui fait valoir que ce segment de l’économie s’est comporté comme lors d’une récession. Toutefois, il ne s’agit que d’un seul côté de l’équation. Les niveaux de stocks serrés ont fait obstacle à la baisse des prix des logements pour les acheteurs potentiels. Cette situation commence lentement à changer, car les légères hausses des stocks devraient entraîner une baisse de la croissance des prix des logements sous la barre des 2 % sur 12 mois pour la première fois depuis 2012 (selon la mesure de l’indice CoreLogic). Toutefois, les expériences varient selon l’emplacement au pays. La faiblesse récente s’est concentrée dans les régions de recensement du Sud et de l’Ouest où bon nombre des métropoles ont enregistré des baisses de prix. Par ailleurs, les prix dans le Midwest et le Nord-Est s’en tirent mieux. Un écart semblable peut être observé le long de la côte Est, le ralentissement de la croissance des prix des logements étant généralement plus prononcé dans la moitié sud de la région, où sept des neuf États connaissent une baisse des prix. Le resserrement des stocks a favorisé une croissance des prix plus robuste dans le Nord-Est, où seuls deux États ont récemment enregistré des baisses de prix. 

Comme l’abordabilité se fait rare, chaque petite baisse des taux hypothécaires devrait contribuer à stimuler une plus forte activité de ventes, où il existe une forte corrélation  (graphique 8).  Comme nous prévoyons que la banque centrale procédera à certaines réductions de taux au cours des prochains mois, le marché devrait commencer à se raffermir, bien qu’il s’agisse vraiment d’un scénario qui prendra toute son ampleur l’an prochain.  

Q7. Comment les perspectives  économiques du Canada ont-elles évolué?

Le graphique 9 présente la variation du niveau moyen des exportations vers les États-Unis sur six mois par rapport à la période de six mois précédente pour certaines catégories d’exportations. Les exportations d’acier et d’aluminium vers les États-Unis ont subi la contraction la plus prononcée, soit 16,1 % et 7,3 %, respectivement. En revanche, les exportations totales du Canada vers les États-Unis (-2,8 %) ont diminué dans une moindre mesure. Les exportations d’automobiles (-0,8 %) n’ont reculé que légèrement.

L’économie canadienne subit le choc tarifaire, mais au-delà de la volatilité trimestrielle, l’année 2025 s’annonce un peu meilleure qu’on ne l’envisageait il y a quelques mois. Soyons clairs : l’économie continue à fonctionner bien en deçà de son potentiel et les capacités inutilisées s’accumulent. La croissance annuelle devrait s’établir à 1,3 % en 2025, mais ce chiffre est gonflé par la forte croissance enregistrée à la fin de l’année dernière. D’un quatrième trimestre à l’autre, l’économie devrait enregistrer une croissance plus modeste de 0,6 % en 2025. 

Nous nous attendons à ce que l’économie se contracte au deuxième trimestre à cause d’une chute des exportations attribuable aux droits de douane, mais une croissance modeste devrait être de retour au troisième trimestre, à mesure que le marché de l’habitation s’améliore (voir la question 10) et que le choc commercial initial s’estompe. Les perspectives pour les dépenses de consommation cette année sont également un peu meilleures que nos prévisions, dans un contexte d’obstacles persistants liés à la confiance et au ralentissement de la croissance démographique. 

Le choc causé par les droits de douane américains mérite un examen plus approfondi. Les secteurs canadiens sensibles au commerce affichent un rendement inférieur à celui du reste de l’économie, selon diverses mesures (voir le rapport). Au cours des six derniers mois, les exportations dans la plupart des catégories exposées aux droits de douane ont affiché un rendement inférieur à celui des exportations globales de biens aux États-Unis (graphique 9). En particulier, les exportations d’acier ont fortement diminué, les producteurs nationaux étant frappés par un droit de douane punitif de 50 %. Le PIB réel des secteurs sensibles au commerce stagne, tandis que celui des secteurs non sensibles au commerce a augmenté d’environ 1 %. Enfin, les secteurs sensibles au commerce n’ont été à l’origine que de 10 % des quelque 180 000 emplois créés au Canada depuis que Donald Trump a accédé à la présidence en novembre, même s’ils représentent le tiers de tous les emplois.

En raison du manque de données de haute fréquence sur les investissements des entreprises au Canada, ce volet des perspectives à court terme est plus flou. La récente Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada (BdC) a souligné que l’incertitude tarifaire poussait les entreprises à reporter leurs nouveaux plans d’investissement, choisissant plutôt de se concentrer sur l’entretien de routine. L’une des exceptions concerne l’installation d’une importante plateforme pétrolière sur la côte Est, qui contribuera à faire croître les investissements au cours d’un seul trimestre, mais cette hausse ne perdurera pas. Par ailleurs, les constructeurs automobiles canadiens ont réduit considérablement leur production et retardé leurs investissements. Dans l’ensemble, les investissements non résidentiels devraient stagner cette année, affichant une croissance de 0,3 % en 2025 d’un quatrième trimestre à l’autre, ce qui est toute de même une amélioration par rapport à ce que nous avions prévu il y a trois mois.

De même, les perspectives pour les dépenses de consommation sont un peu plus optimistes qu’il y a quelques mois, mais le rythme devrait tout de même s’établir à seulement 1,0 % (d’un quatrième trimestre à l’autre) cette année  . En somme, cela donne une expansion économique de 0,6 % cette année et le rythme devrait remonter à 1,9 % (d’un quatrième trimestre à l’autre) en 2026, grâce à la baisse des coûts d’emprunt et à l’augmentation des investissements des gouvernements (voir la question 8) et des entreprises. 

Q8. Dans quelle mesure le programme d’édification de la nation du gouvernement peut-il avoir un effet favorable sur l’économie? 

L’engagement du Canada à relever ses cibles de dépenses en matière de défense peut être considéré comme faisant partie intégrante de l’objectif général du gouvernement fédéral, qui consiste à entreprendre la plus vaste transformation de l’économie du pays depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce qui comprend également la réorientation du commerce hors des États-Unis et le renforcement de la résilience des chaînes d’approvisionnement nationales. 

Le budget de l’automne devrait fournir une feuille de route plus détaillée sur le programme d’édification de la nation. Toutefois, des éléments clés ont déjà été mis en place, notamment l’adoption du projet de loi C-5, qui vise à accélérer les grands projets et à éliminer les obstacles au commerce interprovincial. D’autres annonces concernaient notamment la réalisation d’examens exhaustifs des dépenses d’exploitation et de la réglementation fédérale visant à rendre le gouvernement plus efficient et les processus plus efficaces. 

De prime abord, ces changements ont le potentiel de faire pencher la balance en faveur de la croissance à long terme de l’économie et de la productivité au Canada. L’ampleur de cette croissance dépendra de la mise en œuvre, car c’est souvent là que les plans les mieux conçus des gouvernements dérapent. La loi C-5 a été présentée comme une mesure législative importante qui accélérera les choses, mais elle ne tient pas compte des consultations possiblement longues avec les communautés autochtones ni ne supplante la nécessité d’obtenir le soutien des provinces pour des projets sur leur territoire.

Le graphique 10 compare les économies gouvernementales prévues découlant des réductions dans le cadre du budget opérationnel aux nouvelles dépenses nettes en matière de défense sur une trajectoire de croissance linéaire, à 3,5 %. Le graphique montre que les réductions budgétaires cumulatives équivalent à peu près à l’augmentation cumulative prévue des dépenses en matière de défense.

Le gouvernement Carney s’est fixé l’ambitieux objectif de catalyser 500 milliards de dollars d’investissements privés sur cinq ans, soit environ 25 % du produit intérieur brut (PIB).  Même si la loi C-5 contribuera à accroître la certitude pour les promoteurs de projets du secteur privé, il faudrait s’attaquer de front aux obstacles à l’investissement existants pour attirer des capitaux de cette ampleur. 

Le lourd fardeau réglementaire du Canada est souvent considéré comme le principal obstacle à l’investissement. La révision prochaine de la réglementation fédérale pourrait aider à corriger le tir, mais la difficulté réside dans le fait que le bourbier réglementaire complexe du Canada se situe en grande partie aux niveaux provincial et municipal. Les obstacles interprovinciaux à la circulation des biens et à la mobilité de la main-d’œuvre en sont un exemple typique. Comme nous l’avons mentionné dans notre récent rapport, plusieurs provinces ont agi rapidement pour éliminer les obstacles. Toutefois, ce ne sont pas toutes les provinces qui interviennent avec le même sentiment d’urgence. Cette situation soulève des inquiétudes quant à la possibilité de voir la dynamique s’essouffler, ce qui réduirait les gains potentiels pouvant être réalisés par cette voie pour le pays. 

Beaucoup de points restent encore à voir sur tous les fronts, et il ne faut pas oublier que certains des effets stimulant des investissements, des dépenses et d’autres mesures du gouvernement pourraient être neutralisés par des mesures de réductions de dépenses prises ailleurs. Le gouvernement fédéral s’efforce de réaliser des économies de 7,5 % dans le cadre de son budget opérationnel au cours de la prochaine année et de 15 % au total d’ici la troisième année (graphique 10). Toutefois, des économies de coûts étaient prévues dans la plateforme libérale, tandis que l’augmentation des dépenses de défense au-delà de 2 % ne l’était pas. Cela laisse entendre que, même si ces cibles sont atteintes, l’impulsion de croissance nette découlant de l’augmentation des dépenses militaires serait toujours de l’ordre de % au cours de la prochaine année. Bien sûr, le budget pourrait ne pas intégrer d’autres mesures de dépenses qui pourraient accroître les mesures de relance budgétaire, évitant par le fait même d’entraîner une croissance plus rapide du fardeau de la dette.  

Q9.  La Banque du Canada en a-t-elle terminé avec les réductions de taux? 

Il ne faut jamais dire jamais. Cependant, nous nous attendons à ce que le ralentissement de la croissance économique fasse baisser l’inflation au Canada, ce qui permettrait à la Banque du Canada de réduire les taux d’intérêt plus tard cette année. On s’attend à ce que le marché de l’emploi connaisse un léger ralentissement à partir de maintenant et, compte tenu des effets persistants du choc commercial, l’économie devrait continuer d’afficher des résultats inférieurs à la normale (voir la question 7). Un contexte de faible demande intérieure devrait contribuer à réduire les pressions inflationnistes. 

Toutefois, nous sommes conscients que le taux directeur du Canada se situe déjà dans la fourchette neutre estimée de la Banque du Canada et il nous faut encore tenir compte de l’ampleur des mesures de relance prévues dans le prochain budget gouvernemental de l’automne. Dans les deux cas, les arguments en faveur d’une baisse sont moins convaincants que ceux aux États-Unis si l’inflation s’avère plus tenace. De plus, contrairement à celui aux États-Unis, le marché de l’habitation canadien affiche déjà une modeste reprise, ce qui confirme que les taux d’intérêt favorables contribuent à stimuler la demande. Instinctivement, nous croyons que la Banque du Canada dispose toujours d’une certaine marge de manœuvre pour réduire davantage les taux, mais pas de beaucoup. Le marché a pris en compte une réduction de taux d’un point de pourcentage pour l’année, mais il serait inhabituel que la banque centrale ne procède qu’à une seule baisse. Comme il s’agit de l’étape du peaufinage de la politique monétaire, deux options sont à considérer à l’heure actuelle : aucune réduction ou deux réductions. 

Q10. Le marché de l’habitation canadien montre des signes de vie : s’agit-il d’un feu de paille?

Le graphique 11 montre la croissance sur un mois des ventes de propriétés au Canada de janvier 2025 à juillet 2025. En juillet 2025, les ventes ont augmenté de 7 % sur un mois, contre 3 % sur un mois en mai et en juin. De janvier à avril, les ventes ont diminué en moyenne de 4 % sur un mois.

Ce n’est pas notre avis. Pour mettre les choses en contexte, les ventes de propriétés au Canada ont augmenté pendant quatre mois consécutifs (graphique 11), les acheteurs qui s’étaient auparavant tenus en retrait sont revenus sur le marché, soutenus par un vaste choix dans des marchés comme ceux de Toronto et de Vancouver. Par ailleurs, le prix moyen des propriétés au Canada a augmenté de 5  % au cours de la même période. Il semble que des gains auraient dû se produire plus tôt cette année, après une importante réduction de taux d’intérêt en 2024, mais ils ont été retardés de quelques mois en raison des turbulences tarifaires américaines. 

Nous pensons que cette tendance à l’amélioration se maintiendra l’année prochaine. Une certaine réduction de l’incertitude économique devrait faire revenir un plus grand nombre d’acheteurs sur le marché en Colombie-Britannique et en Ontario, tandis que la réduction de taux de la Banque du Canada devrait constituer une modeste mesure de relance au cours du deuxième semestre de l’année. Toutefois, des obstacles subsistent, comme l’abordabilité qui se fait rare dans plusieurs provinces et le ralentissement du marché de l’emploi. Une reprise plus robuste est peu probable avant l’année prochaine, lorsque les ventes et le prix moyen des propriétés au Canada, qui affichaient une baisse de 2 % (d’un quatrième trimestre à l’autre) en 2025, feront place à une croissance des ventes de 8 % et à une croissance des prix d’environ 5 %.  

 

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