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Aborder les sujets liés aux perspectives économiques et financières

date publiée: 27 novembre 2024

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L’année 2024 donne sans doute le vertige aux investisseurs, car les attentes à l’égard des taux d’intérêt changent d’un trimestre à l’autre. Récemment, le pari Trump (« Trump Trade ») est venu accentuer le malaise, les politiques de la nouvelle administration favorisant, estime-t-on, l’inflation. Résultat : comme nous, les marchés s’attendent à moins de baisses de taux de la part de la Réserve fédérale américaine (Fed). Nous avons aussi revu légèrement à la baisse nos prévisions de croissance de l’économie américaine pour l’an prochain, mais avons été portés à écarter certaines promesses électorales. L’incertitude entourant l’échéancier et l’ampleur est grande, mais n’enlève rien au potentiel d’adoption de certaines mesures compensatrices. Cependant, les décisions politiques concernant les tarifs douaniers et l’immigration risquent d’affecter les consommateurs ainsi que les entreprises et donc, de peser sur l’économie nationale à court terme. 

Au Canada, les règles en matière d’immigration et de prêts hypothécaires ont déjà été largement modifiées, et les gouvernements ont mis en œuvre des mesures pour stimuler la consommation, ce qui devrait contribuer à la croissance l’année prochaine. Ces mesures sont peut-être le fruit d’une certaine prévoyance à l’égard des menaces tarifaires auxquelles le Canada est maintenant confronté, le président Trump ayant annoncé que des droits de 25 % entreraient en vigueur à son investiture en janvier. La bonne nouvelle, c’est que le Canada a la possibilité d’entamer des négociations pour éviter cette éventualité. Des biens et des services totalisant 3,6 milliards de dollars sont échangés entre les deux pays chaque jour. En outre, le Canada et 30 États américains sont interdépendants sur le plan commercial. Bien que la menace soit grande, nous croyons que l’avancement des négociations devrait être plutôt fructueux pour le Canada. Sinon, les deux pays risquent de s’embourber dans une importante guerre tarifaire de rétorsion. Entre-temps, l’économie canadienne prend de l’essor grâce à d’autres facteurs et la Banque du Canada devrait rester motivée à réduire les taux d’intérêt. Le huard devrait continuer de faire face à des difficultés en raison des menaces de guerre commerciale, ce qui affecte quelque peu les sociétés qui dépendent des importations et des investissements.

Q1. En quoi la victoire éclatante de l’administration Trump et des républicains change-t-elle nos prévisions pour les États-Unis? 

Le graphique 1 présente divers risques de hausse et de baisse de la croissance du PIB américain sur 12 mois en 2025 après l’élection présidentielle. Les nouveaux tarifs douaniers et le resserrement des politiques d’immigration devraient réduire de 0,3 % et 0,1 % respectivement nos prévisions de base. Par conséquent, notre nouvelle prévision s’établit à 1,7 % Les réductions d’impôt et la déréglementation devraient soutenir la croissance du PIB, mais l’ampleur de leurs répercussions sur la croissance reste à confirmer.

Les premières décisions de l’administration Trump devraient confirmer la hausse des tarifs douaniers et la réduction de l’immigration. Ces deux mesures pèseront sur la croissance. Supposant que les promesses électorales seront partiellement tenues, nous avons ramené nos prévisions de croissance du PIB réel de 2,1 % à 1,7% l’an prochain (graphique 1). Le président nouvellement élu a fait campagne en s’appuyant sur quatre piliers : les tarifs douaniers, les impôts, l’immigration et la déréglementation. La hausse générale des tarifs douaniers sera sans doute le changement le plus important et le plus immédiat apporté à la politique économique. Selon notre analyse, si l’administration Trump tient l’ensemble de ses promesses de campagne (tarifs de 60 % imposés à la Chine et de 10% aux autres partenaires commerciaux), l’économie américaine subira une légère stagflation, ce qu’aucune nouvelle administration ne souhaite, surtout la première année de son mandat. M. Trump a malgré tout déjà formulé des menaces tarifaires en annonçant, de façon impromptue, une hausse de 25 % des droits de douane sur les produits canadiens et mexicains et une autre de 10 % sur les produits chinois. 

Il faudra attendre de voir ce que l’avenir nous réserve à cet égard. Si on se fie au passé, les tarifs imposés devraient être éliminés ou réduits à mesure que les pays négocieront ou modifieront les accords commerciaux en vigueur. Cela n’atténuerait pas complètement le ralentissement économique, surtout en raison de la tendance marquée à imposer en représailles des tarifs proportionnels durant la période de transition. Les marges des entreprises et les consommateurs en feront les frais, ce qui réduira quelque peu le revenu réel des ménages. Selon le poids et la portée des droits de douane, le coup de frein pourrait réduire de 0,25 à 0,50 point de pourcentage la croissance du PIB en 2025. Toutefois, cette estimation a été faite avant l’annonce récente des hausses de droits de douane, qui entraînerait un ralentissement beaucoup plus prononcé de l’économie, et ce, deux fois plutôt qu’une si l’on suppose que les pays voisins adopteront des mesures de représailles.

Le graphique 2 présente le pourcentage de travailleurs américains, dans divers secteurs, qui sont des migrants, légalement au pays ou non. L’agriculture, la construction, les loisirs et l’hôtellerie enregistrent la plus forte proportion de migrants illégaux, soit 14 %, 12 % et 8 %, respectivement.

L’immigration est l’autre domaine où M. Trump jouit de plus d’indépendance pour agir rapidement. Durant son mandat précédent, les niveaux d’immigration sont passés d’un million par année en 2016 à 500 000 en 2019. Faisant appel à des décrets présidentiels, M. Trump devrait resserrer considérablement les contrôles frontaliers, rétablir sa politique « rester au Mexique » (Remain in Mexico) et déclarer que l’immigration illégale est une urgence nationale, ce qui débloquera des fonds pour la construction d’un mur à la frontière. Par rapport à notre prévision précédente, le nombre de migrants entrant aux États-Unis diminuerait de plus de 2,3 millions d’ici la fin du mandat de M. Trump. Seulement en 2025, le phénomène entraverait la croissance d’environ 0,1 point de pourcentage. Si M. Trump procède également aux expulsions promises, le ralentissement économique s’accentuerait et risquerait de raviver les pénuries de main-d’œuvre, en particulier dans l’agriculture, la construction, le commerce de détail, les loisirs et l’hôtellerie, des secteurs où la concentration de travailleurs migrants sans papier est plus forte (graphique 2).

Sur le plan fiscal, la première tâche visera à prolonger avant leur expiration les dispositions de la Tax Cuts and Jobs Act adoptée en 2017. Cependant, nos prévisions ne sont pas touchées puisque nous estimions depuis longtemps que la clause d’extinction n’entrerait pas en jeu. Il faudrait que les dispositions soient élargies ou qu’il s’en ajoute de nouvelles pour que nous modifiions nos prévisions. Durant sa campagne, M. Trump a proposé plusieurs nouvelles baisses d’impôts, mais le Congrès doit légiférer pour les faire adopter. Bien que les républicains contrôlent le Sénat et la Chambre des représentants, leur faible majorité dans ce dernier cas exige une quasi-unanimité des républicains, ce qui pourrait s’avérer difficile dans un contexte de déficit croissant. Étant donné l’incertitude entourant les lois que le Congrès pourrait décider d’adopter, nous réservons notre jugement concernant les prévisions jusqu’à ce qu’elles soient. 

Enfin, la forte probabilité d’une déréglementation, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la finance, accentue quelque peu le risque de hausse dans les prévisions. Toutefois, ce risque est difficile à quantifier et nous a incités à ajuster nos révisions à la baisse par rapport à d’autres aspects des politiques, comme les tarifs douaniers et l’immigration. Nous continuerons d’ajuster nos prévisions à mesure que de nouvelles politiques seront annoncées après l’entrée en fonction de la nouvelle administration. C’est un dossier à suivre!

Q2. Les marchés financiers ont fortement réagi au balayage de M. Trump. Nos perspectives concernant la politique de la Fed et les taux obligataires risquent-elles de changer? 

Le graphique 3 présente nos prévisions pour le taux des fonds fédéraux en pourcentage entre 2024 et 2026 par rapport à notre prévision de septembre. On constate une certaine hausse depuis le dernier cycle de prévisions.

Les investisseurs ont applaudi l’élection du président Trump et la vague rouge qui a emporté le Congrès. L’indice S&P 500 est en hausse d’environ 5 %, traduisant l’espoir que l’allègement des impôts et de la réglementation stimule les bénéfices des entreprises. Parallèlement, les taux obligataires ont augmenté davantage, car on s’attend à ce que les déficits budgétaires plus importants du gouvernement, les tarifs douaniers et le ralentissement de la croissance démographique stimulent l’inflation. L’accentuation des craintes inflationnistes a aussi tempéré les attentes des marchés à l’égard des baisses de taux de la Fed. 

Nous convenons que la Fed devrait manœuvrer plus prudemment si M. Trump donne suite à son projet de tarifs douaniers. Nous prévoyons que la banque centrale réduira encore son taux de 25 points de base (pdb) en décembre et en janvier avant de commencer à alterner les réductions et les pauses (graphique 3). La Fed devrait donc atteindre un taux d’intérêt neutre de 3 % au premier semestre de 2026, environ six mois plus tard que prévu. Aussi, les taux obligataires devrait se maintenir l’an prochain à environ 30 pdb de plus que notre prévision d’avant l’élection, ce qui resserrera probablement les conditions financières et confortera le dollar américain à son niveau élevé actuel.

 

Q3. Quelles sont les répercussions prévues pour les consommateurs américains?

Le graphique 4 présente la croissance initiale annoncée et révisée du revenu personnel disponible au deuxième semestre de 2023 et au premier semestre de 2024. La croissance du revenu réel au deuxième semestre de 2023 a été révisée à la hausse à 2,3 %, comparativement à 1,3 % au départ. Au premier semestre de 2024, la croissance du revenu réel a été révisée, passant de 1,1 % à 4,2 %. La croissance du revenu a ralenti pour passer à 1,6 % au troisième trimestre de 2024, ce qui est conforme à nos prévisions.

Les principaux projets politiques décrits à la question 1 devraient toucher les consommateurs de diverses façons. En résumé, la hausse de l’inflation devrait réduire le pouvoir d’achat des consommateurs, et cet effet devrait être accentué par les taux d’intérêt plus élevés que l’hypothèse de base. Il y a lieu de croire que la demande de prêts, notamment pour les automobiles, s’en ressentira. Enfin, une baisse marquée de la population par rapport à notre prévision antérieure à l’élection freinerait davantage la demande des consommateurs dans l’ensemble de l’économie. Heureusement, les gains substantiels ajoutés au bilan des consommateurs par l’accroissement de la valeur nette des propriétés et des actifs financiers exerceraient un certain contrepoids. 

Jusqu’à maintenant, les dépenses de consommation s’avèrent particulièrement résilientes et défient encore une fois nos attentes. Les ménages américains ont de nouveau surpassé les ménages des pays comparables au troisième trimestre, car leurs dépenses se sont accélérées au rythme le plus rapide en un an et demi, soit près de 4 % sur trois mois, ce qui représente le double de la tendance. Au quatrième trimestre, la croissance des dépenses devrait se maintenir à près de 3 %, soutenue à court terme par l’opération de nettoyage et de reconstruction après les ouragans Helene et Milton.

Comme l’indique notre récent rapport, de bonnes raisons expliquent pourquoi les consommateurs ont défié les attentes. Les révisions annuelles des données sur le revenu et les dépenses ont révélé une hausse majeure du revenu personnel disponible, décuplant la croissance annualisée d’à peine 1,1 % au premier semestre de 2024 à 4,2 % (graphique 4). Le taux d’épargne a aussi bondi, preuve que les ménages disposaient encore de surplus que l’on croyait disparus. Bref, les révisions de données ont façonné un nouveau discours. Les finances des ménages se portent mieux que ce que les données initiales nous faisaient croire. 

Cependant, la trajectoire demeure la même, malgré un point de départ plus élevé. L’épargne continue de s’épuiser. Le marché de l’emploi ralentit et la croissance du revenu fait de même. Avant la victoire de M. Trump, nous nous attendions déjà à ce que le rythme des dépenses décélère en 2025. La hausse de l’inflation et des taux d’intérêt nous force à diminuer de 0,3 point de pourcentage la croissance des dépenses de consommation l’an prochain. Cette croissance devrait tout de même se situer dans une fourchette de 2 % à 2,5 % à notre avis, ce qui est un bon niveau. En fin de compte, le bilan des ménages américains est solide. La valeur nette des propriétés a doublé depuis sept ans pour atteindre 35 000 milliards de dollars. Les gains tirés des actifs financiers ont aussi été importants, les évaluations ayant augmenté de 30 % depuis quatre ans. Bien souvent, le patrimoine n’est pas aussi liquide que l’épargne personnelle dans les comptes bancaires et est moins accessible que l’argent comptant. Il peut néanmoins soutenir les dépenses de consommation malgré la diminution des surplus, surtout si les taux d’intérêt continuent de baisser et permettent aux ménages d’accéder pour moins cher à l’avoir nette de leur propriété.

Q4.  Quelles sont les perspectives pour le marché de l’habitation aux États-Unis?

Le graphique 5 montre que les taux à long terme et les taux hypothécaires aux États-Unis devraient diminuer au fil des réductions annoncées en 2025. Les taux hypothécaires devraient diminuer à un peu moins de 6,6 % au premier trimestre de 2025 et poursuivre leur descente à 5,8 % d’ici la fin de 2025, avant de se stabiliser à environ 5,5 % en 2026.

Le recul marqué de l’abordabilité plombe le marché de l’habitation depuis plusieurs années. Les perspectives de baisse des taux d’intérêt nous ont donné espoir qu’un certain rebond de l’activité immobilière pourrait se produire au début de 2025, mais la récente hausse des taux des titres du Trésor repousse ce scénario. Depuis le mois dernier, les prêts hypothécaires à taux fixe de 30 ans ont augmenté de près de 100 pdb pour atteindre 7 %, soit seulement 30 pdb de moins qu’au début de l’année (graphique 5). Sans surprise, les ventes de propriétés n’affichent aucune reprise et demeurent plus de 30 % sous leurs niveaux du début de 2022, avant le resserrement de la Fed. À court terme, les ventes devraient diminuer légèrement et peu remonter au premier semestre de l’an prochain. 

La faible abordabilité est certainement le principal frein à la vente de propriétés, mais l’offre limitée y contribue également. Comme les taux hypothécaires atteignent un sommet depuis des décennies, nombre de vendeurs potentiels pourraient voir leur prochain prêt presque doubler en vendant leur propriété. Cette dure réalité a pour effet de  comprimer les stocks et exerce une pression à la hausse sur les prix. Les choses ne devraient pas changer avant le milieu de 2025; il faudra d’abord que la Fed abaisse les taux d’intérêt de 75 pdb pour amener les propriétaires à vendre leur propriété. 

La reprise du marché de l’habitation nous a déjà leurrés, et la route à suivre n’est pas toute tracée. Si les taux d’intérêt demeurent élevés, l’amorce et la trajectoire de la reprise pourraient s’en ressentir. Soulignons également que même une fois que la Fed aura normalisé son taux directeur, les taux hypothécaires devraient se stabiliser à près de 200 pdb au-dessus des niveaux de 2019. Comme le prix des propriétés demeure près de 50 % plus élevé qu’en 2019, l’abordabilité ne retournera pas aux niveaux d’avant la pandémie. L’accession à la propriété va exiger une part de plus en plus importante du revenu des ménages. 

Q5. Quels sont les risques pour les perspectives mondiales compte tenu des tensions commerciales accrues? 

Les tarifs douaniers vont augmenter les coûts d’exploitation et l’incertitude à l’égard des perspectives mondiales. Fondamentalement, les tarifs douaniers sur les biens étrangers sont une taxe de vente qui gonfle les prix et réduit le revenu réel au pays. Cela a pour effet direct de déprimer les exportations étrangères. Les effets indirects, eux, accentuent l’incertitude à l’égard des flux d’investissements mondiaux et amènent à revoir les décisions concernant la production et les chaînes d’approvisionnement. Dans un cas comme dans l’autre, la croissance à court terme stagne. 

Plus largement, le reste du monde ne restera pas les bras croisés si ses produits sont affectés. L’Union européenne envisage d’imposer des tarifs ciblés en représailles. À l’inverse, la Chine entend déployer un éventail de mesures non tarifaires : nouvelles lois visant à contrer les sanctions, capacité de cibler les entités étrangères qui nuisent aux intérêts nationaux et contrôles à l’exportation de produits clés. Les mesures adoptées dépendront de la force punitive des tarifs douaniers et des barrières commerciales à venir. Toutefois, la Chine pourrait hésiter à mettre en œuvre toutes ces mesures, vu la difficulté qu’a son économie à gagner de l’élan et ses différends commerciaux avec d’autres partenaires importants. Le risque d’aliéner davantage les entreprises au moment où les investissements qui entrent au pays diminuent va sans doute peser par rapport aux avantages des représailles. Néanmoins, une riposte tous azimuts pourrait entraîner des pénuries d’intrants et ébranler l’offre comme jamais au 21e siècle. 

Enfin, depuis un an, nombre de pays restreignent graduellement leurs dépenses pour compenser les emprunts contractés pendant la pandémie. Cette tendance pourrait être renversée si les perspectives de croissance sont fortement revues à la baisse. De même, les gouvernements pourraient sentir le besoin d’offrir un soutien national aux entreprises et aux ménages pour contrer les méfaits des tarifs douaniers. Par exemple, le secteur manufacturier allemand souffre déjà d’une faible demande et de prix élevés pour les intrants. L’économie stagne depuis deux ans, les limites d’emprunt du gouvernement demeurant en vigueur. Le risque d’une troisième année de stagnation pourrait relancer les dépenses budgétaires et certains investissements publics nécessaires. 

Q6. Quelles seront les répercussions de la réélection de Donald Trump et des récents changements apportés à la politique intérieure sur les perspectives du Canada? 

La compétitivité du Canada est minée depuis plusieurs années, comme en témoigne la faiblesse historique de sa productivité. Ce pourrait être l’occasion pour les gouvernements de prendre des mesures plus audacieuses à la faveur des entreprises afin de placer le pays sur une meilleure trajectoire économique. 
Malheureusement, comme le président Trump menace déjà d’imposer des droits de douane de 25 % sur les produits canadiens, le risque pourrait être beaucoup plus grand pour le Canada, car les liens commerciaux se sont resserrés depuis l’entrée en vigueur de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) en 2020. Lorsqu’il était question de droits de douane de 10 % au cours de la campagne électorale, nos recherches ont révélé qu’une telle mesure provoquerait une baisse de 5 % des exportations canadiennes et risquerait d’entraîner l’économie du Canada dans une stagnation prolongée en 2025 et en 2026. Le huard restera sous pression tant que les menaces tarifaires envers le Canada demeureront à l’avant-plan. Le huard plongerait sans grande surprise sous le seuil de 70 cents américains si les menaces venaient à se concrétiser, ce qui minerait davantage la confiance des investisseurs à l’égard du Canada. 

En même temps, si les politiques américaines réduisent l’impôt des sociétés, allègent la lourdeur administrative et favorisent la fabrication intérieure, l’attrait du Canada pour les investissements à long terme risque d’être davantage compromis. Cela nuirait à la capacité de production et à la productivité à long terme du Canada et pourrait provoquer un exode des meilleurs talents vers les États-Unis.

Le graphique 6 présente en pourcentage les fourchettes des taux d’imposition marginaux par province canadienne et État américain, et compare des paliers de revenu à 150 000 $ US et 300 000 $ US. Les Américains sont avantagés dans les deux paliers de revenu.

Que peut faire le Canada? Il n’y a pas de solution simple. Les décideurs doivent se creuser la tête pour exercer un contrôle sur leur propre domaine, soit la politique intérieure. Il y a lieu d’envisager des changements importants en ce qui a trait aux impôts, des barrières réglementaires et des incitatifs à l’investissement. Le rapiéçage ne suffit plus; l’écart concurrentiel avec le principal partenaire commercial du Canada est devenu trop important. L’avantage fiscal que le Canada a déjà eu pour stimuler l’investissement n’est plus ce qu’il était. Selon des sondages menés auprès de petites entreprises, ces dernières estiment de plus en plus que les impôts et les coûts réglementaires représentent une contrainte financière importante pour les intrants. Enfin, l’impôt sur le revenu des particuliers n’est pas concurrentiel. La plupart des diplômés très instruits vivent mieux financièrement au sud de la frontière (graphique 6). Le Canada doit présenter des arguments convaincants pour attirer et maintenir en poste la crème des talents et des entreprises, en particulier si l’administration Trump arrive à adopter un système d’immigration fondé sur le mérite pour les travailleurs qualifiés, un exemple à suivre pour le Canada, à tout le moins. 

Les gouvernements envoient plutôt de nouveaux chèques aux ménages en Ontario (un total de trois milliards de dollars pour la nouvelle année) et à l’échelle du Canada en avril (4,7 milliards de dollars). En outre, les consommateurs pourront profiter d’un congé de TPS durant deux mois à compter du 14 décembre sur divers produits, dont les sapins de Noël, les jouets et les repas au restaurant. Ces initiatives devraient faire augmenter le PIB de 0,3 point de pourcentage l’année prochaine, ce qui permettra d’amortir quelque peu les répercussions du ralentissement de la croissance démographique ainsi que des droits de douane que pourraient imposer les États-Unis. Il s’agit toutefois de solutions provisoires qui ne permettront pas de régler les maux de l’économie.

Q7. Croissance de la population canadienne : Un rééquilibrage ou un dépassement?

Le graphique 7 compare la nouvelle prévision démographique à la précédente. Selon la nouvelle prévision, la population du Canada avoisinera 41,9 millions de personnes d’ici la fin de 2027, contre environ 42,7 millions selon la prévision précédente. Le Canada comptera donc environ 850 000 personnes de moins d’ici la fin de 2027 comparativement à la prévision de base.

Les Américains ne sont pas les seuls empêtrés par les enjeux d’immigration. Mais, dans le cas du Canada, l’accroissement délibéré des flux de population dépasse la capacité d’accueil et nécessite maintenant un rééquilibrage. Le nouveau plan d’immigration du gouvernement fédéral met sur pause la croissance démographique. Le plan réduit les cibles pour les résidents permanents jusqu’en 2027 et engage une réduction importante du nombre de résidents non permanents. Les changements apportés à la politique visent à ramener le pourcentage de résidents non permanents de plus de 7 % à 5 % de la population d’ici la fin de 2026. Cette volte-face est toutefois mise en perspective dans le graphique 7. Le niveau de population demeure bien supérieur à la tendance d’avant la pandémie. Aussi, nous considérons qu’il s’agit d’un rééquilibrage plutôt que d’un dépassement. Cela donne également au Canada l’occasion de réorienter sa politique d’immigration afin de mieux harmoniser les programmes avec les besoins du marché du travail et de répondre aux exigences à long terme en matière de compétences. 

La réduction du taux de croissance annuel de la population de 3 % au niveau de stagnation entraînerait certains ajustements économiques négatifs à court terme, mais les conséquences risquent d’être globalement moins graves que beaucoup le redoutaient. Le ralentissement de la croissance de la main-d’œuvre abaisserait le plafond du taux de chômage national. Au chapitre des dépenses de consommation, la réduction du nombre de ménages devrait être compensée par une hausse des dépenses par ménage en raison des taux d’intérêt plus faibles. Les conséquences des changements démographiques seront plus évidentes sur le marché de l’habitation, où le choc négatif de la demande devrait s’estomper sans pour autant disparaître. Le marché locatif devrait refléter un allègement important du rythme de croissance des loyers (voir la question 9). 

Somme toute, une diminution de la pression sur l’habitation et les infrastructures réduira les pressions inflationnistes, soutenant les efforts de la Banque du Canada (BdC) pour normaliser son taux directeur. De plus, l’accès réduit aux migrants temporaires à faible salaire incitera aussi les entreprises à investir dans l’automatisation, un domaine où le retard est considérable sur les États-Unis depuis quelques années. Cette évolution pourrait stimuler légèrement la productivité au Canada dans les prochaines années. 

Q8. Comment la Banque du Canada réagira-t-elle à des changements de politique?

Le graphique 8 montre en pourcentage le taux des obligations du Canada à 10 ans à gauche et, à droite, la prime à l’échéance des titres américains à 10 ans entre septembre et novembre 2024. Le risque lié aux échéances aux États-Unis se répercute sur les taux canadiens.

Jusqu’à présent, la Banque du Canada (BdC) a procédé à trois réductions de 25 pdb au cours de l’été, puis à une baisse de 50 pdb en octobre. Jusqu’à récemment, les marchés restaient dans l’expectative à savoir si la décision de décembre pencherait en faveur d’une baisse d’urgence de 50 pdb ou pour un retour à un rythme graduel. La seconde hypothèse est un peu plus probable. Le consensus table toutefois sur le fait qu’il est peu probable que la BdC interrompe son cycle de baisse de taux tout de suite, particulièrement au vu des risques commerciaux croissants qui ont un effet net négatif sur la croissance économique, et ce, même si l’on assiste à une flambée de l’inflation à court terme. 

Heureusement, l’inflation se situe à un bon niveau, celle-ci s’étant stabilisée autour de la cible de 2 %. Malheursement, la hausse des taux aux États-Unis se répercute au Canada (graphique 8), et le huard a fléchi. Or, la perspective d’une croissance démographique stagnante augmente les risques devant la menace des tarifs douaniers américains. Ce facteur est peut-être l’une des raisons pour lesquelles les ménages canadiens se sont vu offrir des chèques par les gouvernements de l’Ontario et du Canada. Il s’agit peut-être d’une décision préventive visant à renforcer la confiance et les dépenses et à réduire les pressions exercées sur la Banque du Canada pour qu’elle procède à des réductions plus importantes, en plus d’atténuer les risques qui accentuent les enjeux sur le plan de l’habitation et des finances. 

Les nouvelles mesures de relance du gouvernement font en sorte que les possibles interventions de la Banque du Canada s’en trouvent légèrement réduites. Nous avons retiré une baisse d’un quart de point de nos prévisions, car nous croyons que le taux directeur se stabilisera à 2,50 % d’ici la fin de 2025. Cependant, nous sommes prêts à enlever une autre réduction de taux de nos prévisions si les ménages dépensent une grande part des chèques qui leur seront octroyés et si les menaces commerciales s’atténuent. Ce type de mesure de relance a tendance à être plus efficace lorsque les ménages font face à d’importantes contraintes financières, soit lors de récessions conjuguées à des pertes d’emplois généralisées. Ce n’est actuellement pas le cas. Nous croyons donc qu’une part importante (soit au moins 50 %) des chèques seront transférés dans des comptes d’épargne ou serviront à payer des dettes. Nous ajusterons nos attentes en matière de taux d’intérêt si les ménages sont plus tentés de dépenser cette somme. 

Pour l’instant, nous entrevoyons un écart de 100 pdb entre le taux de la BdC et celui de la Fed. Cet écart entre taux directeurs limitera le dollar canadien. Toutefois, ce sont les pourparlers commerciaux qui influeront le plus sur le huard à court terme. Si le président Trump impose bel et bien des droits punitifs une fois qu’il sera officiellement au pouvoir, le huard pourrait revenir à des niveaux inférieurs à 70 cents américains, ce qui n’est pas arrivé depuis vingt ans.

Q9. Comment les changements à la politique fédérale se répercuteront-ils sur le secteur canadien de l’habitation?

Au cours des derniers mois, le gouvernement fédéral a apporté aux politiques en matière de règles hypothécaires et d’immigration des changements qui exerceront des pressions contraires sur les marchés canadiens de l’habitation. Les répercussions seront différentes selon les segments de la demande de logements (si on compare l’accession à la propriété avec la location).

L’un de ces changements consiste à assouplir les règles régissant les prêts hypothécaires assurés à compter de décembre. Plus précisément, les acheteurs d’une première propriété (et d’une habitation neuve) pourront bientôt prolonger l’amortissement de 25 à 30 ans. De plus, le plafond auquel s’applique une mise de fonds de 20 % sera porté de 1 à 1,5 million de dollars. Cette dernière politique devrait stimuler de façon disproportionnée les marchés de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, où les propriétés se situent largement dans cette fourchette de prix.

Ces mesures devraient ajouter un deuxième facteur favorable à un marché déjà revigoré par la baisse des taux d’intérêt et la résilience du revenu des ménages. Les ventes de propriétés au Canada ont bondi d’un mois à l’autre de 8 % en octobre seulement, une troisième remontée en autant de mois. Les mesures gouvernementales stimuleront la demande dans certains segments, comme celui des acheteurs d’une première propriété (44 % du marché) et des emprunteurs qui contractent des prêts hypothécaires assurés (20% des récentes émissions). On craint que les Canadiens reprennent l’habitude de s’endetter, ce qui entraînerait des risques financiers et une sensibilité aux taux d’intérêt. En particulier, les emprunteurs assurés sont généralement plus sujets aux épisodes de stress financier.

Le graphique 9 montre l’écart entre les logements achevés et la demande de logements neufs fondée sur la population, de 2022 à 2027. De 2022 à 2024, il manquait 575 000 unités achevées (sur une base cumulative) comparativement à ce qu’exigeait la demande sous-jacente fondée sur la population. D’ici 2027, l’écart devrait se resserrer à environ 185 000 unités.

Par contre, les changements apportés à l’immigration par le gouvernement fédéral vont restreindre la demande d’habitations (voir ici). Un effet probable de ces changements sera une croissance plus lente des loyers, ce qui réduit l’intérêt des investisseurs pour les propriétés. L’impact direct sur la demande de propriétés sera sans doute faible, étant donné que les nouveaux arrivants sont pour la plupart des locataires. Toutefois, si la population reste stable pendant quelques années, les constructeurs pourront réduire l’important écart qui s’est accru de 2022 à 2024 entre les logements achevés et la demande sous-jacente (graphique 9). Cet écart est plus susceptible de rétrécir que de disparaître. On peut donc penser que cette nouvelle politique démographique ne sera pas, en soi, une panacée au problème d’abordabilité du logement au Canada, même s’il s’agit d’un pas dans la bonne direction de ce point de vue.

Par conséquent, les prix des propriétés au Canada devraient augmenter en 2025; nos nouvelles prévisions estiment le gain annuel moyen à 9 % contre les 6 % prévus en septembre. Cette hausse aurait été plus marquée si les taux (question 2) n’avaient pas augmenté pendant le trimestre et réduit l’abordabilité. Par ailleurs, les ventes de propriétés au Canada devraient progresser d’environ 15 % l’an prochain, après avoir fait meilleure figure en 2024.

Q10. Les Canadiens sont-ils toujours au bord du précipice hypothécaire?

Le graphique 10 montre le solde des prêts hypothécaires à taux variable en circulation (en milliards) du troisième trimestre de 2022 au deuxième trimestre de 2024. Le solde impayé a diminué, passant de 520 G$ à 422 G$, et compte tenu des montages cumulatifs de 24 G$, la baisse nette estimative des prêts hypothécaires à taux variable en circulation fait passer le solde à 398 G$ (un recul de 14 %).

Heureusement, non. En fait, nous avions prévu que les consommateurs résisteraient au choc du renouvellement hypothécaire, les taux historiquement bas atteignant maintenant un sommet en 10 ans. Ce point de vue était fondé sur des estimations détaillées des paiements hypothécaires, tirées en partie des données internes de la TD et étoffées par plusieurs hypothèses clés. Un an plus tard, les choses se déroulent mieux que prévu. Pour le reste des prêts hypothécaires canadiens en circulation au milieu de 2024, les paiements globaux devraient diminuer de 1,2 % en 2025, un allègement important par rapport à la hausse de 0,5 % prévue précédemment, Malgré une augmentation de 75 G$ (ou 3,5 %) du solde hypothécaire des ménages.

Deux grands facteurs expliquent cette diminution. Au premier chef, les conditions financières plus favorables que prévu. Les réductions du taux du financement à un jour étaient conformes à nos prévisions, mais la concurrence accrue entre les prêteurs a fait diminuer les taux hypothécaires variables de 42 points de base de plus. Au second chef, la composition des prêts hypothécaires a changé, ce qui a aidé les ménages à amortir le choc financier. Les emprunteurs hypothécaires préfèrent de plus en plus les taux fixes aux taux variables afin de réduire les paiements ou d’éviter la volatilité des taux. Nous estimons que des 520 G$ en prêts hypothécaires à taux variable détenus à la fin de 2022 par les banques à charte, 14 % sont passés à un taux fixe ou ont été remboursés par anticipation (graphique 10). 

Toutefois, les consommateurs ont encore des défis à relever. La baisse des dépenses par habitant au cours des derniers trimestres et la hausse des taux de défaillance témoignent des difficultés auxquelles les Canadiens ont été confrontés ces dernières années. Toutefois, les difficultés touchent particulièrement les non-propriétaires, car la récente hausse des défauts de paiement est largement attribuable aux produits de crédit non hypothécaires, comme les prêts automobiles et les cartes de crédit. Par contre, les propriétaires continuent de faire preuve de résilience; selon les dernières données, leur valeur nette demeure nettement supérieure à celle des locataires.

Dans l’ensemble, les ménages jouissent d’une souplesse financière qui est en grande partie le résultat des efforts des emprunteurs. Avec l’année qui tire à sa fin, la croissance de la consommation devrait dépasser légèrement la tendance. Toutefois, le cycle d’assouplissement des taux d’intérêt et la diminution des versements hypothécaires pourraient dégager plus de marge de manœuvre. En effet, si ces économies sont réinjectées dans les dépenses, la croissance annuelle moyenne de la consommation nominale pourrait augmenter de 1,6 % en 2025, même si la croissance de la population ralentit. Pour l’instant, nous prévoyons des dépenses de consommation réelles de 1,1 % pour 2025 et reconnaissons que les risques pointent à la hausse.

 

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