Trump bouscule les perspectives économiques!
Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067
date publiée: 5 décembre 2024
Présentation client du 28 novembre - Au programme aujourd’hui
- Le nouveau gouvernement héritera d’une économie forte
- Et maintenant, le plus dur commence... les prévisionnistes sont d’accord pour ne pas être d’accord sur les perspectives
- L’économie canadienne s’adapte également aux changements de politique intérieure sur plusieurs fronts
Trump hérite d’une économie en pleine forme
Pour toute nouvelle administration, la situation au jour 1 n’est pas sans importance. Le président Trump, lui, héritera d’une économie solide.
Ce contexte lui donnera la marge de manœuvre nécessaire pour mettre en œuvre les politiques d’immigration et les droits de douane promis lors de sa campagne électorale, car il dispose d’un bon coussin de sécurité qui amortira tout impact économique négatif à court terme.
Mais le message principal de cette diapositive ne nous est pas étranger : l’économie américaine continue de surpasser les attentes.
Les points noirs représentent le consensus pour chaque trimestre. La différence par rapport aux prévisions des analystes correspond à un écart-type complet ou à un écart-type supérieur aux valeurs habituelles.
L’économie ne fait pas que dépasser légèrement les attentes : elle les bat à plate couture!
Et la mise à jour des données révèle de nouveaux facteurs qui donneront de l’élan à l’économie
Avant de faire mon mea culpa et celui de mes pairs, il est important de noter que si les modèles et les analyses ont été sous-évalués, c’est en grande partie parce que nous avons reçu des renseignements imparfaits.
La révision du revenu après impôt de référence a révélé pourquoi les dépenses de consommation sont restées vigoureuses alors que les données initialement publiées nous indiquaient que l’épargne excédentaire avait pratiquement disparu. C’est parce que ce n’était pas le cas. Les ménages avaient encore beaucoup d’argent de côté. La façon dont les analystes interprètent un gain de 1 % du revenu réel après impôt au premier semestre de 2024 n’a rien à voir avec leur interprétation d’un gain démesuré de 4 %!
Le taux d’épargne a aussi fait l’objet d’un retraitement majeur.
Bref, les nouvelles données révisées ont révélé un tout autre scénario. Les finances des ménages sont beaucoup plus saines que ce que les données initiales nous faisaient croire.
Tout cela sera à l’avantage des républicains à l’approche de 2025.
Cet important coussin de sécurité aidera les ménages américains à absorber certains aléas économiques, contrairement aux partenaires commerciaux des États-Unis qui commenceront l’année dans un état de stagnation.
Aperçu des politiques de Trump
Voyons maintenant comment nous pouvons intégrer ce coussin de croissance à nos prévisions.
C’est ce qu’on appelle un graphique en cascade. La barre grise de gauche correspond aux prévisions avant la publication du résultat des élections. On prévoyait déjà un ralentissement de l’économie américaine l’an prochain et à un certain fléchissement du cycle de consommation. Mais avec un PIB en croissance de 2,1 %, il s’agissait essentiellement d’un retour à la normale.
En allant vers la droite du graphique, des rajustements supplémentaires sont ajoutés pour indiquer dans quelle mesure chaque politique envisagée diminue ou augmente la prévision initiale.
Les tarifs douaniers font l’objet de vifs débats quant au moment de leur entrée en vigueur et à leur portée, mais il ne fait aucun doute qu’ils seront un outil dominant, comme nous l’avons vu cette semaine avec la menace de droits de douane sur les produits en provenance du Canada et du Mexique.
Il est donc prudent d’intégrer certains effets aux prévisions de base, même si les détails et le calendrier sont toujours inconnus.
Cette baisse de 30 points de base se fonde sur l’hypothèse que moins de la moitié des tarifs douaniers promis pendant la campagne électorale seront imposés pendant un an. Si le plein pourcentage des tarifs se concrétise et que les partenaires commerciaux ripostent, cela donnerait lieu à une stagnation économique, un résultat contre-productif et contre-intuitif pour une administration qui promet que ses politiques renforceront la croissance économique, stimuleront les gains boursiers et materont l’inflation. Nous espérons aussi que Scott Bessent, nommé à la tête du département du Trésor des États-Unis, fera preuve de pragmatisme et veillera à ce que les États-Unis subissent le moins de dommages possible si les tarifs douaniers sont utilisés comme levier pour conclure rapidement un accord.
Si nous intégrons les tarifs douaniers sur les produits en provenance du Canada et du Mexique récemment annoncés par Trump, de même que les représailles attendues, le ralentissement économique supplémentaire s’établit à 90 points de base. La prévision de base du PIB serait révisée à la baisse, passant d’une croissance de 2 % à seulement 1 %. Mais mettons cette question sur la glace jusqu’à ce que nous arrivions à la section sur le Canada.
À droite du graphique, on voit l’impact estimé de 10 points de base de la politique d’immigration. Sur ce front aussi, nous sommes assez certains que l’administration ira de l’avant avec ses plans, mais personne ne s’entend encore sur le calendrier, l’ampleur et la portée des mesures qui seront prises.
Nous avons donc supposé que les contrôles frontaliers seront immédiatement renforcés, mais que des expulsions massives prendront plus de temps à se concrétiser en raison de l’exécution plus complexe.
Les points d’interrogation indiquent que les effets des politiques n’ont pas été intégrés aux prévisions. Il y a donc un potentiel de hausse qui pourrait facilement nous ramener au niveau de base initial de 2 %, voire plus.
Les baisses d’impôt prévues dans la TCJA faisaient déjà partie de notre scénario de référence, car nous avons toujours cru que la clause d’extinction n’entrerait pas en jeu. Par conséquent, aucun rajustement n’est requis, à moins que le Congrès n’approuve une vaste gamme de réductions d’impôt.
Cela dit, si d’autres mesures sont adoptées, par exemple une baisse de l’impôt sur le revenu des sociétés ou la modification du plafond de la déduction au titre de l’impôt des États et des municipalités, nous les intégrerons à nos prévisions. Étant donné la très faible majorité au Congrès, qui contrôle ce résultat, nous préférons attendre de voir ce qui se passera. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que ces chiffres pourraient augmenter parce qu’ils incluent pour l’instant plus de facteurs négatifs que de facteurs positifs.
Incertitude des prévisions accentuée par la grande variété de points de vue des pairs
Pour vous donner une idée du degré d’incertitude des prévisions, voici quelques opinions de pairs sur les répercussions négatives des droits de douane sur le PIB.
Notre point de vue se rapproche de celui de Goldman Sachs, à savoir la reconduction intégrale de la TCJA, des tarifs douaniers ciblés, et certains allégements fiscaux compensatoires.
Wells Fargo et JP Morgan se démarquent par leur pessimisme, mais c’est parce que les deux estimations reflètent ce qui pourrait se produire si l’administration Trump impose simultanément et immédiatement des droits de douane de 60 % contre la Chine et de 10 % contre tous les autres pays.
Mais ce n’est pas nécessairement ce que ces institutions ont inclus dans leurs prévisions officielles.
Selon Bloomberg Consensus, par exemple, l’estimation médiane du PIB pour 2025 est légèrement inférieure à 2 %.
Des expulsions massives plomberaient certains secteurs
Passons maintenant à l’immigration et aux expulsions, et aux raisons pour lesquelles j’ai tempéré nos hypothèses par rapport à la rhétorique.
Les chiffres qui courent à ce sujet sont très élevés, variant de 3 millions de personnes expulsées au cours du mandat de Trump à 11 millions.
Par rapport à notre scénario de référence précédent, nous avons réduit le nombre de personnes entrant aux États-Unis de près de 2,5 millions d’ici la fin de son mandat. Nous n’avons pas encore tenu compte des expulsions, car le degré d’assimilation de ces personnes au marché du travail a son importance. Selon de récents propos, il semble que les expulsions cibleront davantage les membres de gang et les personnes avec un casier judiciaire.
Mais si le président Trump va de l’avant avec son idée d’expulser massivement un million de personnes, voire plus, il pourrait très bien raviver la pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs où la concentration de travailleurs migrants sans papier est forte.
L’impact sur le secteur agricole est particulièrement médiatisé, et le Wall Street Journal a récemment annoncé qu’environ les deux tiers des travailleurs agricoles sont nés à l’étranger, et que près de la moitié (42 %) d’entre eux ne sont pas légalement autorisés à travailler aux États-Unis. En gros, si l’on fait les calculs, ce secteur compterait deux fois plus de travailleurs sans papier que ce qui est indiqué pour le secteur en entier dans le graphique. Ces données étaient fondées sur un sondage mené en 2020, qui avait aussi révélé que la grande majorité des travailleurs agricoles sont aux États-Unis depuis au moins 15 ans et que bon nombre d’entre eux ont des enfants nés aux États-Unis.
En fin de compte, les données démontrent à quel point la situation est complexe et nous rappelle pourquoi il faut user de prudence avant d’intégrer à nos prévisions des hypothèses d’expulsions massives sans directives claires.
Les hauts et les bas des répercussions de l’immigration
Il est toutefois réaliste de croire que le président Trump répétera à tout le moins une mesure à succès de son premier mandat, soit le resserrement des contrôles frontaliers (ligne vert vif du graphique). Si nous supposions plutôt un million d’expulsions supplémentaires au cours de l’année à venir, les répercussions sur le PIB seraient évidemment plus profondes.
Par extension, le taux de chômage diminuerait, mais pas autant que plusieurs le laissent entendre. Un taux de chômage bas est souvent perçu comme un indicateur du dynamisme économique. Mais dans la situation à l’étude, cela équivaudrait plutôt à un choc de l’offre sur la main-d’œuvre.
Mais regardez à quel point les chiffres à gauche sont petits et s’écartent légèrement de la référence. Certains rapports d’analystes mettent l’accent sur l’incidence négative sur la population active, mais le taux de chômage est un ratio et un plus grand nombre d’Américains à la recherche d’un emploi aurait une incidence, ce qui réduirait le nombre de chômeurs.
Nous savons que les entreprises ne seront pas en mesure de pourvoir tous les postes laissés vides, puisque ce n’est pas tout le monde qui aurait l’expérience requise ni le goût de faire ce genre de travail. C’est pourquoi l’argument selon lequel la politique est inflationniste tient toujours. Il faudrait que les salaires augmentent pour attirer des gens, et l’offre de produits ou de services pourrait reculer en l’absence d’une hausse spectaculaire de la productivité.
Les marchés s’attendent à des baisses de taux d’intérêt moins prononcées
Les taux sont au nombre des points qui font l’unanimité sur les marchés.
Bien que les marchés boursiers aient bien accueilli l’élection du président Trump et la vague rouge, les investisseurs obligataires ont ajusté leurs prévisions que l’élargissement des déficits budgétaires, l’imposition de tarifs douaniers et une croissance démographique au ralenti feront grimper l’inflation.
À notre avis, il est vrai que la Fed devra se montrer plus prudente. C’est pourquoi nous avons tempéré nos prévisions de baisses de taux. Selon nous, la Fed atteindra notre taux d’intérêt neutre de 3 % au premier semestre de 2026, environ six mois plus tard que prévu à l’origine.
C’est au cours de cette période que nos prévisions et celles du marché bifurquent, car les estimations de taux neutre ont été relevées à près de 4 % après l’élection, alors que le marché prévoyait 3 % en septembre. Il n’est pas rare que les cours du marché dévient plus loin dans le temps, compte tenu du degré élevé d’incertitude politique et géopolitique. Mais je doute qu’une présidence Trump fasse varier d’un plein point de pourcentage cette référence phare à long terme. À tout le moins, attendons de voir ce qu’il adviendra des déficits et de l’inflation avant d’intégrer les répercussions d’un changement radical.
La vigueur du dollar américain compense en partie l’effet des tarifs douaniers
Au cours de l’année à venir, les taux obligataires devraient rester environ 30 points de base au-dessus de nos prévisions préélectorales, ce qui consolidera la vigueur du dollar américain du fait de son rendement économique supérieur à celui des autres grandes devises et des politiques qui attireront les entrées de fonds aux États-Unis.
La vigueur du billet vert atténuera les pressions inflationnistes exercées par les biens négociables après l’imposition de droits de douane. Cela nous rappelle que les politiques ne poussent pas toutes dans la même direction en ce qui concerne les pressions inflationnistes : la dynamique du marché crée naturellement certains contrepoids.
À mesure que les politiques douanières seront annoncées et que divers pays seront frappés de tarifs, le dollar américain pourrait bien encore s’apprécier à court terme par rapport aux monnaies des pays visés.
Le Canada retrouve son élan... va-t-il se faire damer le pion?
Tout comme la première diapositive que nous avons vue sur les États-Unis, le Canada a lui aussi généré un rendement supérieur aux attentes du marché jusqu’au trimestre le plus récent. Mais une partie de cette différence est complètement trompeuse. Les dépenses de consommation ont progressé de 3,7 %, ce qui est énorme, et l’écart par rapport aux prévisions du PIB est dû à une variation des stocks.
Toutefois, une différence essentielle entre le Canada et les États-Unis est que l’économie dans son ensemble progresse de 1 à 2 %, contre 3 % aux États-Unis.
Les bonnes nouvelles s’accumulent et la dynamique s’accélère au quatrième trimestre. Les données de septembre et d’octobre ont confirmé le renforcement significatif des dépenses de consommation et de la demande de logements, ce qui devrait faire passer le PIB au-dessus de la barre des 2 %.
Appelons ce deuxième graphique « choisissez votre propre aventure ».
On y voit différents résultats en fonction du récent dévoilement des mesures de relance du gouvernement fédéral et de l’Ontario, par rapport au risque que Trump donne suite à sa menace d’imposer des droits de douane de 25 %.
Commençons par l’impulsion positive pour l’économie : le gouvernement fédéral a annoncé un programme de relance de 6,4 milliards de dollars qui comprend un congé de TPS sur certains articles pendant deux mois et un montant de 250 $ qui sera versé aux particuliers qui gagnent moins de 150 000 $. Ces fonds seront déposés dans les comptes bancaires de 19 millions de personnes en avril. De plus, le gouvernement ontarien enverra un montant de 200 $ à 15 millions de personnes en janvier.
Certains ménages à double revenu recevront donc 900 $, en plus des chèques habituels de remise sur le carbone qui sont envoyés en janvier et en avril. Cette manne financière pourrait faire grimper la croissance du PIB réel de 30 points de base en 2025. Nous avons supposé que 50 % du montant sera dépensé, et que le solde sera mis de côté ou utilisé pour rembourser des dettes. Les mesures de relance pourraient avoir un effet plus marqué si la propension à dépenser augmente.
Les gouvernements ont peut-être anticipé les difficultés à venir, car les deux barres suivantes montrent l’impact qu’auraient les droits de douane de 25 % sur la croissance. Si le Canada devait prendre des mesures de représailles équivalentes, les progrès économiques seraient anéantis. En l’absence de riposte, une récession pourrait être évitée.
L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) a approfondi les relations
Parlons maintenant des risques découlant des tarifs douaniers. Les liens économiques et commerciaux se sont resserrés depuis l’entrée en vigueur de l’ACEUM en 2020 : CHAQUE JOUR, 3,6 milliards de dollars de biens et de services transitent entre les trois pays et 30 États américains dépendent de ces échanges commerciaux. De nombreux États ont tout intérêt à éviter une baisse de leurs exportations ou des perturbations des chaînes d’approvisionnement risquant d’entraîner des arrêts de travail.
Trump menace d’imposer des tarifs douaniers pour des motifs de sécurité frontalière (migrants illégaux et trafic de drogues) et non en raison de pratiques commerciales déloyales. Pour le Canada, ce problème pourrait être résolu relativement vite si le président ne change pas de nouveau les règles du jeu, ce qui demeure toujours une forte probabilité.
Cette situation illustre aussi pourquoi le Canada songeait à se retirer des négociations trilatérales avec le Mexique, même avant même cette annonce.
Voici un exemple :
- L’an dernier, les agents de contrôle frontalier des États-Unis ont intercepté environ 24 000 personnes traversant illégalement du Canada aux États-Unis, contre 1,5 million à la frontière mexicaine.
Si les négociations échouent, le Canada, qui affiche le ratio dette/PIB le plus faible des pays du G7, aura la latitude budgétaire nécessaire pour soutenir financièrement les entreprises et les ménages du pays. Mais le gouvernement devra désormais gérer son budget de façon plus stratégique et réfléchie. Les montants « cadeaux » du gouvernement auraient été plus utiles plus tard dans l’année si les négociations échouent. Le gouvernement aurait aussi pu verser ces fonds aux entreprises directement touchées par les tarifs afin d’éviter les mises à pied et une flambée des prix.
Mais ne paniquons pas : nous ajusterons les prévisions à mesure que la situation se précisera au cours des prochains mois. De plus, tout dépend du moment choisi. Un choc d’une durée d’un trimestre n’affecte en rien les prévisions, contrairement à des droits de douane imposés pour une année complète, ce que l’on a vu dans le graphique précédent.
Qu’un accord soit conclu ou non sur les tarifs douaniers, tout mène vers un déficit plus élevé du fait de l’augmentation des dépenses liées à la sécurité frontalière, à la défense, à la technologie aux frontières, etc. Or, ces dépenses n’ont pas été la priorité du gouvernement ni des budgets précédents.
La Banque du Canada peut reprendre son souffle
Si le Canada évite les tarifs douaniers et que les gouvernements intensifient leurs mesures de relance, la Banque du Canada pourrait en faire un peu moins.
Nous avons toujours cru qu’une réduction d’un quart de point le 11 décembre serait la meilleure décision (surtout après la baisse de 50 points de base en octobre). Une baisse de taux moins prononcée est le facteur principal affectant les cours du marché, malgré la menace de tarifs brandie par Trump. Cela s’explique par le raffermissement des assises de l’économie.
Si les droits de douane ne se concrétisent pas et que les chèques de relance accélèrent la propension marginale à consommer plus que prévu, nous pourrions devoir éliminer une autre baisse de taux du profil, car la sensibilité de la demande de logements a été plus forte que bien des gens ne le prévoyaient au début du cycle de baisse des taux hypothécaires.
En revanche, si le Canada est frappé de droits de douane, la Banque du Canada se concentrera sur les impacts défavorables sur la croissance économique et l’emploi plutôt que sur le choc inflationniste temporaire causé par ces tarifs. Dans les deux scénarios, qu’il y ait des représailles ou non, le profil de baisse des taux dans ce graphique serait plus bas, soit à mon avis d’environ 100 points de base en cas de récession.
Pourquoi pas encore plus bas? Il y a plusieurs aspects à considérer.
Premièrement, les gouvernements ne resteraient pas les bras croisés et commenceraient à déployer des mesures de relance.
Deuxièmement, la Banque du Canada doit veiller à ne pas trop élargir l’écart de taux d’intérêt par rapport aux États-Unis, pour ne pas accentuer les pressions sur le dollar canadien. Outre l’effet négatif sur le pouvoir d’achat et la capacité des entreprises à investir, cela créerait une trajectoire inflationniste secondaire.
La demande de logements au Canada a déjà le vent dans les voiles!
Passons maintenant au sport préféré des Canadiens : l’analyse du marché de l’habitation.
La demande de logements est très sensible aux taux d’intérêt lorsque tout va bien, encore plus lorsqu’une demande accumulée est jumelée à une offre insuffisante. Ajoutez à cela les initiatives fédérales visant à stimuler la demande grâce à une période d’amortissement plus longue et à un relèvement du prix plafond pour l’assurance hypothécaire, et vous comprendrez que les ventes de résidences profiteront de conditions très favorables l’an prochain.
Les données d’octobre sur les ventes de maisons ont été publiées peu après la baisse de taux substantielle de la Banque du Canada, qui n’aurait pas pu deviner le bond imminent des ventes de 8 %.
Nous avons donc été obligés de revoir nos prévisions à la hausse pour en arriver à une progression des ventes d’au moins 15 % l’an prochain. L’Ontario et la Colombie-Britannique devraient enregistrer des gains de 25 %, avec une croissance des prix attendue de 5 % à 7 %. Mais n’oublions pas que le marché des copropriétés est léthargique et que l’offre est beaucoup plus importante que du côté des maisons unifamiliales. À l’heure actuelle, ce sont en effet les maisons unifamiliales qui alimentent la hausse des ventes et des prix.
La croissance démographique devrait beaucoup ralentir, mais se maintenir à un niveau élevé
Certains soutiennent que les changements récents à la politique d’immigration risquent d’avoir un effet baissier sur le logement.
Mais comme le montre ce graphique, le gouvernement ne fait que marquer une pause. La population se maintiendra à des niveaux élevés par rapport à la trajectoire précédente, indiquée par la ligne de tendance rouge. La ligne pointillée verte montre la nouvelle population projetée, qui s’écarte toujours substantiellement de cette ligne de tendance.
Le ralentissement de la croissance démographique ne réglera pas la pénurie de logements
Voilà qui m’amène à ces graphiques.
Si la population reste stable pendant quelques années, les constructeurs pourront réduire l’écart important entre les logements achevés et la demande sous-jacente de logements, qui s’est creusé entre 2022 et 2024. Mais cela n’éliminera pas le problème.
La diminution des flux d’immigration devrait avoir un effet plus évident sur le marché locatif. Dans la RGT, les loyers étaient déjà en baisse sur 12 mois, même avant le plafonnement des flux de population, en raison d’une vague de logements locatifs nouvellement achevés qui inonde le marché.
Les données sectorielles indiquent que la croissance des loyers ralentit également en Colombie-Britannique et au Québec. Il sera sans doute moins intéressant d’acheter des logements en copropriété pour en faire des propriétés à revenu, ce qui réduira la demande du côté des investisseurs.
L’impact direct sur la propriété ne devrait toutefois pas être important, étant donné que les résidents permanents et non permanents qui arrivent au pays sont majoritairement des locataires.
Mais pourrait alléger les pressions du côté du chômage
En revanche, le flux réduit d’immigrants pourrait avoir comme effet de plafonner le taux de chômage.
Depuis le début de l’année dernière, il a progressé de 1,5 point de pourcentage. Mais le nombre de résidents non permanents au chômage a bondi d’environ 4 points de pourcentage pour atteindre un peu plus de 11 %. Cela montre à quel point l’offre excédentaire sur le marché du travail a soudainement contrecarré l’objectif de la politique. Les résidents non permanents ne représentent que 6 % de la population active, mais environ le quart de la hausse du taux de chômage à l’échelle nationale.
Les Canadiens déménageront-ils chez le voisin?
Alors que le Canada tente de recalibrer sa politique d’immigration, une nouvelle question, mais qui ne date pas d’hier, refait surface. Elle se pose d’autant plus depuis le relèvement du taux d’inclusion des gains en capital par le gouvernement en juin et la vague rouge aux États-Unis.
La question est la suivante :
Est-ce que l’exode vers les États-Unis de travailleurs hautement qualifiés et à revenu élevé s’intensifiera?
C’était le sujet de l’heure dans les années 1990, lorsque les talents canadiens étaient convoités dans la foulée de la montée du secteur des technologies. Même si le pourcentage de travailleurs ayant choisi de partir ailleurs était considéré comme faible, soit moins de 1 %, cette tendance a révélé que de plus en plus de travailleurs hautement qualifiés, jeunes, bien éduqués et bien rémunérés quittaient le pays. Il s’agissait d’un important changement de la tendance de migration par rapport à la cohorte plus âgée de 55 ans et plus.
Aujourd’hui, le Canada est l’un des pays les moins productifs parmi ses pairs, et les immigrants accueillis en plus grand nombre au cours des dernières années étaient surtout des gens peu qualifiés et à faible revenu.
Ce graphique montre qu’après une période de stabilité relativement longue du nombre de Canadiens ayant choisi de s’établir aux États-Unis, il y a depuis deux ans une hausse marquée qui ne s’explique pas par un « rattrapage » attribuable aux flux réduits pendant la pandémie. Il sera important de surveiller de près si les avantages fiscaux et les revenus offerts aux États-Unis attirent davantage de Canadiens au cours des prochaines années.
Par ailleurs, entre avant la pandémie et aujourd’hui, le nombre d’Américains quittant leur pays pour s’établir au Canada a reculé d’environ 10 000 personnes par année. Mais attention : il est impossible de comparer directement ces données, car chaque pays applique ses propres méthodes de suivi. C’est pourquoi nous nous concentrons sur les tendances.
Sommaire
J’ai abordé plusieurs sujets aujourd’hui, alors voici un résumé des faits saillants :
- L’économie canadienne reprend de la vigueur, avant même que n’entrent en vigueur les mesures de relance gouvernementales de l’an prochain.
- Si le gouvernement arrive à éviter une guerre tarifaire, cette situation pourrait compenser un nombre réduit de baisses de taux d’intérêt.
- Pour tirer le maximum du rajustement de la politique canadienne d’immigration, il faut attirer davantage de travailleurs qualifiés et déployer plus d’efforts pour fidéliser ceux qui sont déjà au pays, afin de prévenir l’exode de talents au profit des États-Unis. Il s’agit peut-être d’un objectif inatteignable compte tenu de l’écart important entre les taux d’imposition sur le revenu des deux pays, sans parler de l’attrait d’un salaire en dollars américains et des logements plus abordables. Le Canada devra redoubler d’efforts pour que des personnes d’autres pays prennent la relève.
- En ce qui concerne les États-Unis, il est difficile d’estimer les répercussions des politiques en l’absence de trajectoires claires. Nous allons donc rester à l’affût et ajuster nos prévisions au fur et à mesure que la situation se précisera.
- Et n’oublions pas que les effets de la déréglementation ne se produisent pas du jour au lendemain. Il est donc peu probable que les avantages soient immédiats, contrairement aux tarifs douaniers et à la réforme de la politique d’immigration qui ont des répercussions directes et instantanées sur les données.
Bref, la Fed et tous les économistes du monde ne chômeront pas!
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