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Reconstituer le puzzle

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067

date publiée: 23 mai 2024

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 Ordre du jour

1. Les États-Unis sont-ils encore exceptionnels ?
Dans le prolongement de ce thème abordé pour la première fois en février, existe-t-il des preuves de la persistance et de sa manifestation dans d’autres secteurs du marché, comme la réévaluation des réductions de taux d’intérêt et les discussions sur l’ampleur des divergences entre les banques centrales ?

2.  Le nouveau venu - l’immigration américaine
Dans les présentations précédentes, nous avons exploré les aspects de l’exceptionnalisme liés à la résilience des ménages et à l’investissement des entreprises. Aujourd’hui, un nouvel élément vient s’ajouter au récit. Une réestimation des chiffres de l’immigration fournit une autre pièce du puzzle qui explique pourquoi l’Amérique a été moins sensible aux taux d’intérêt.

3. Jusqu’à quel point les banques centrales peuvent-elles tolérer des divergences de politique ?

Cette question s’adresse davantage à la Banque du Canada, en raison des liens économiques étroits qui existent au sud de la frontière. La divergence des moteurs économiques, y compris au sein de l’inflation, suggère que le Canada devra faire cavalier seul pour réduire les taux d’intérêt cet été.  

Les États-Unis ont encore le vent dans les voiles

Ce graphique réitère que la situation exceptionnelle aux États-Unis poursuit sur sa lancée cette année, avant que les modèles économiques ne rétrécissent l’écart en 2025 au profit d’autres régions en raison du resserrement des conditions monétaires et d’autres facteurs.

L’un de ces facteurs est le resserrement de l’élan de croissance budgétaire, alors que de plus en plus de temps s’écoule depuis l’adoption de trois lois importantes en moins de 12 mois entre 2021 et 2022. Il s’agissait de l’Infrastructure Investment and Jobs Act (IIJA), de l’Inflation Reduction Act (IRA) et de la CHIPS & Science Act. Ces lois continueront de stimuler la croissance, mais cette poussée initiale d’activités devient chose du passé.

Les points sur ce graphique montrent que par rapport aux prévisions d’il y a trois mois, les prévisions pour la plupart des grandes régions ont été révisées à la hausse, à l’instar des États-Unis, mais pas suffisamment pour combler l’écart de rendement.

Nous parlerons du Canada dans un instant, mais dans le cas de l’Europe, la croissance du PIB au premier trimestre a été environ le double des attentes du marché, en plus d’être largement répartie entre les pays. Il est vrai que le PIB et la demande intérieure continuent de croître à pas de tortue, mais toute révision à la hausse des prévisions est la bienvenue dans cette région.

Le graphique ne montre pas la Chine, qui a aussi inscrit un meilleur rendement au premier trimestre, mais qui a été stimulé par une reprise des exportations plutôt que par les moteurs de la demande intérieure.

On a l’impression que la montée de l’économie américaine entraîne dans son sillage toutes les autres régions. 

Dans le cas du Canada, la hausse du PIB réel (annualisée, sur trois mois) à la fin de l’année dernière a été de seulement 1 %. N’eut été du commerce net avec les États-Unis, l’économie canadienne serait entrée en récession technique.

C’est le contraire pour les États-Unis. En tant que principal pays consommateur, les importations ont atteint un sommet de 7 % au premier trimestre, parallèlement à la stagnation des exportations, ce qui reflète la relation économique entre les États-Unis qui sprintent et le reste du monde qui marche lentement. 

U.S. Still Firing On All Cylinders

L’ampleur de la force économique des États-Unis est-elle inhabituelle?

Est-ce vraiment anormal que les États-Unis surpassent leurs pairs à ce point? La réponse dépend de la région.

Les cases vertes représentent les écarts historiques maximaux et minimaux entre le PIB de chaque région et celui des États-Unis – un écart négatif signifie un rendement inférieur à celui des États-Unis.

Les deux points pour chaque région montrent que l’année dernière, tout le monde touchait le creux de son rendement historique qui, selon les prévisions, devrait rester semblable cette année. Le Royaume-Uni ayant touché un nouveau plancher fait figure d’exception, mais n’oubliez pas que le Brexit a transformé le PIB potentiel de ce pays.

Le Canada est en fait le pays le mieux placé, se situant dans son quartile inférieur.

Par le passé, les divergences de croissance de cet ordre n’ont pas duré plus de deux ans dans ces régions, même si la crise de la dette souveraine en Europe l’a presque fait. Cela signifie que si l’écart relatif en faveur des États-Unis persiste après 2024, cela représenterait vraiment une période exceptionnelle pour ce pays par rapport à ses pairs. Cela est tout à fait possible si le potentiel de croissance du PIB des États-Unis est rajusté à la hausse au fil du temps, étant donné que la productivité y a été beaucoup plus forte que celle de ses pairs.

Is The Magnitude Of U.S. Outperformance Unusual?  

Un nouveau venu sur le marché…

Mais il y a encore plus de pièces dans ce casse-tête. La population américaine a récemment fait l’objet d’un examen minutieux, représentant un énorme développement économique au cours des trois derniers mois.

Le Census Bureau des États-Unis estime les statistiques officielles de l’immigration qui constituent des estimations de la population, de la population active et d’autres variables clés de l’économie. Toutefois, le Congressional Budget Office (CBO) a récemment contesté ces estimations, alléguant que le Census Bureau sous-estime l’immigration et que l’erreur cumulative dépassera 7 millions de personnes d’ici 2026!

La plus grande partie de cette divergence découle d’une catégorie que le CBO désigne comme étant « les autres ressortissants étrangers », renseignements tirés des données du Département de la sécurité intérieure des États-Unis. Il s’agit de personnes qui, pour la plupart, sont entrées illégalement aux États-Unis, ainsi que de personnes qui ont été autorisées à y entrer au moyen du programme d’entrée sous condition et qui sont en attente d’une procédure devant un tribunal de l’immigration. Selon les statistiques officielles, parmi ces « immigrants manquants », le CBO estime qu’une majorité se retrouverait sur le marché du travail après environ 150 jours.

Pour les économistes, c’est une révélation colossale qui représente une main-d’œuvre plus importante que prévu à l’origine et qui pourrait constituer une pièce du casse-tête aidant à expliquer pourquoi la croissance de l’emploi supérieure à la tendance n’a pas produit de pressions salariales importantes.  

New Kid On The Block...

… Peut expliquer comment la croissance de l’emploi aux États-Unis peut bien dépasser la tendance

Selon les taux officiels de participation de la population active, le rythme mensuel durable de la croissance de l’emploi se situe entre 60 000 et 140 000, comme l’illustre la ligne rouge du graphique. Il a toujours été difficile de déterminer comment le marché de l’emploi pouvait continuer de créer en moyenne deux fois plus d’emplois que le rythme mensuel durable sans entraîner un accroissement correspondant des pressions sur les salaires.

Toutefois, si on applique les chiffres de l’immigration du CBO, le taux d’absorption de la main-d’œuvre serait porté à une fourchette de 175 000 à 200 000. Cela offre une autre explication à l’exceptionnalisme américain. Le marché de l’emploi n’est pas aussi serré que les économistes l’avaient laissé croire en se basant sur les statistiques officielles; par conséquent, ça ne prendrait peut-être pas une augmentation aussi importante du taux de chômage pour atténuer l’inflation.

...May Explain How U.S. Job Growth Can Run Well Above Trend

Pour citer John Maynard Keynes, « lorsque les faits changent, je change d’idée ».

Avantages et inconvénients d’une forte hausse de l’immigration

Cette liste devrait avoir un écho familier aux lecteurs qui connaissent la forte croissance démographique du Canada. Les États-Unis connaissent une version atténuée de celle du Canada. La croissance de la population demeurerait inférieure à la moitié de celle du Canada et serait répartie sur une plus grande superficie, plutôt que d’être concentrée dans une poignée de villes canadiennes.

En ce qui concerne le dernier point de la colonne « Avantages » sur les dépenses de consommation, nous estimons que la hausse globale en 2023 pourrait atteindre 20 à 30 points de base, et sera semblable cette année.

Dans la colonne de droite, tout a un coût. Les économistes sont de nouveau en mesure d’examiner tous les aspects des modèles, y compris les secteurs qui sont très prévisibles et stables, comme la croissance démographique et son influence sur la population active.

Mais en fin de compte, l’afflux de population est certes important, mais on ne peut imputer à ce seul facteur la persistance actuelle de l’inflation. C’est plutôt une autre pièce du casse-tête qui nous aide à comprendre comment l’économie américaine défie les probabilités dans un contexte de taux d’intérêt élevés. 

Ce qui est en jeu, ne n’est pas un facteur unique, mais plutôt plusieurs éléments qui se chevauchent, notamment le faible endettement des ménages, les politiques budgétaires expansionnistes et la délocalisation intérieure, en plus maintenant de l’augmentation des flux d’immigration.

Pros and Cons Of Immigration Surge

Les dépenses de consommation sont-elles aussi solides qu’on le laisse entendre?

L’apport de nouveaux renseignements s’accompagne de nouvelles approches en matière de vérification logique. Les flux d’immigration imprévisibles nécessitent un autre moyen d’examiner les données afin de déterminer avec précision l’impact des taux d’intérêt sur le consommateur. La croissance plus rapide de la population fait grimper la consommation globale et peut masquer des tendances sous-jacentes.

L’examen des données par habitant permet de déceler les divergences. Il révèle une divergence importante entre les dépenses de consommation par habitant selon qu’on applique les données officielles du recensement et les estimations du CBO. Entre 2022 et 2023, le rythme de croissance des dépenses est inférieur de moitié à celui des dépenses totales et inférieur d’un point de pourcentage au taux de croissance par habitant selon le recensement.

Cela signifie que des taux d’intérêt plus élevés pourraient nuire davantage aux ménages que ce qu’indique uniquement le chiffre descendant.

Is Consumer Spending As Strong As It’s Portrayed?  

Potentiel à court terme plus élevé = taux neutre plus élevé  

Cela pourrait aussi aider à expliquer l’écart entre le taux directeur, qu’on a jugé serré, et la possibilité qu’il se situe à un niveau plus élevé que ce que l’on croyait au départ.

À plusieurs reprises, j’ai passé en revue la persistance de la croissance de la productivité aux États-Unis et sa divergence par rapport à celle des pairs qui peut se prêter à un taux neutre plus élevé. Il faut aussi tenir compte du fait que l’augmentation des heures de travail crée une autre couche d’incertitude concernant le taux neutre, qui est une variable non observable. 

Un taux neutre qui se rapproche de 3 % ou 4 % signifie qu’un taux directeur de 5,5 % est moins restrictif qu’on ne le pensait, ce qui aide à comprendre pourquoi les gouverneurs des banques centrales, comme le président Powell, insistent sur l’importance de faire preuve de patience pour laisser l’économie profiter des taux d’intérêt.

Is Consumer Spending As Strong As It’s Portrayed?  

La dynamique à court terme de l’inflation aux États-Unis devient défavorable

Cela nous amène à l’autre événement marquant survenu depuis le dernier trimestre. Après un fort ralentissement de l’inflation au deuxième semestre de l’année dernière, les progrès à ce chapitre ont stagné plus tôt cette année. La variation sur trois mois de l’inflation de base selon les dépenses personnelles de consommation est de 4,4 %, soit le taux le plus élevé en 12 mois. La Fed préfère discuter de la variation sur six mois, illustrée dans ce graphique, parce qu’elle élimine la volatilité. Mais cette tendance aussi a reculé. 

La question est maintenant de savoir pourquoi.

La baisse des prix des biens a été une importante source de pressions désinflationnistes au cours des deux dernières années, représentant 80 % de la baisse des dépenses personnelles de consommation de base par rapport à leur sommet. Toutefois, cette influence à la baisse s’essouffle, ce qui accroît l’importance d’une hausse des prix des services. 

Contrairement aux prix des biens qui ont une influence mondiale liée aux chaînes d’approvisionnement et à la capacité excédentaire dans d’autres pays, les prix des services sont principalement axés sur les forces de la demande intérieure. La réaccélération de l’inflation de base selon les dépenses personnelles de consommation (DPC) a entraîné un retraitement important de nos prévisions d’inflation. Et cette évolution a repoussé l’échéance de la première baisse de taux de la Fed de l’été à la fin de l’année. 

Les marchés ont été fortement encouragés par le rapport sur l’inflation mesurée par l’IPC pour avril, mais cela ne change rien au calcul relatif au long décalage pour revenir à la cible de 2 % de la Fed et à l’importance de faire preuve de patience.

Near-Term U.S. Inflation Dynamics Become Unfavorable 1 Near-Term U.S. Inflation Dynamics Become Unfavorable 2

Décalage = 14 mois entre le coût réel des loyers et la mesure de l’inflation des loyers

Voici pourquoi : Deux dynamiques clés entrent en jeu dans les coûts des services. Premièrement, les prix des services autres que ceux du logement ont grimpé pour atteindre un sommet de près de trois ans de 5,6 % sur une période de trois mois. Cela n’est pas attribuable à un seul segment de l’économie, puisque plusieurs segments absorbent la hausse des prix, comme les soins médicaux, les services financiers et les services personnels (notamment les soins personnels, les services de garde d’enfants et les services comptables).

Ce développement serait moins problématique si les coûts des logements, indiqués dans ce graphique, commençaient à refléter les fluctuations des loyers du marché, car ils ont la plus forte pondération dans l’indice d’inflation de base des DPC, soit 15 %.

En mars, l’habitation continuait de contribuer à hauteur d’un point de pourcentage de l’inflation de base des DPC, soit le double de sa contribution avant la pandémie, lorsque l’inflation se rapprochait de 2 %. Si ce seul facteur d’inflation s’atténuait, le mouvement à la baisse de l’inflation de base serait suffisant pour donner à la Fed une certaine confiance quant au rétablissement d’un taux de 2 %.

Malheureusement, le délai de répercussion des prix au sein du marché de l’habitation est long et pourrait s’allonger en raison de la détérioration de l’abordabilité du logement, ce qui entraîne une diminution du taux de rotation. Voici une des hypothèses pour expliquer l’allongement de ce délai durant le cycle actuel : la diminution du taux de rotation des logements locatifs signifie qu’il faudra plus de temps aux prix du marché pour bâtir la masse critique nécessaire permettant d’exercer une influence baissière au sein de l’indice d’inflation; ceci est contraire à la période de montée fulgurante du taux de rotation en 2022, attribuable à un taux de rotation élevé combiné à une accélération des prix.

En fin de compte, l’inflation de base ne devrait pas revenir à 2 % avant la fin de 2025, ce qui permettra une plus grande normalisation du taux directeur cette année-là, à mesure que les membres de la Réserve fédérale américaine regagneront confiance en sa trajectoire.

Lag = 14 Months From Actual Rent Costs into Inflation Rent Metric

De nombreuses banques centrales réduisent déjà les taux

Entre-temps, un nombre croissant de pays ont commencé à réduire leurs taux d’intérêt ou sont sur le point de le faire en fonction des attentes du marché. Cela fait des États-Unis une exception notable et renforce la raison pour laquelle le billet vert a dominé cette année.

Many Central Banks Are Already Cutting Rates

Dans quelle mesure les banques centrales devancent-elles la Fed? 

Cela a donné lieu à beaucoup de spéculation quant à la distance que les banques centrales peuvent prendre par rapport à la Réserve fédérale pour éviter des pressions contre-productives sur leurs devises. Ce graphique illustre les écarts élevés et faibles entre les taux directeurs des banques centrales respectives et celui de la Réserve fédérale au cours des 14 années précédant la pandémie.

Les deux points montrent quels seraient ces écarts si la Fed reportait une baisse de taux à la fin de l’année, pendant que les autres banques centrales procédaient comme prévu. Les taux de toutes les régions s’étirent aux extrémités de ce qu’on a observé dans l’histoire récente. Et si les banques centrales respectent les attentes actuelles du marché, l’écart ne se résorbera que modestement en 2025. 

Selon nos prévisions, le Canada enregistrerait un écart de divergence maximal de -125 points de base pendant un mois seulement si la Fed reportait le début de la baisse des taux jusqu’en décembre, et évidemment moins s’il réduisait aussi ses taux en septembre, ce que les marchés ont intégré actuellement. Cet écart finirait par diminuer à 75 pdb en 2025, à condition que les deux pays maintiennent un cycle de réduction des taux cette année-là avec une cible de 3,5 % pour les États-Unis et de 2,75 % pour le Canada.

Historiquement, un écart négatif de 100 à 125 points de base est durable pendant plusieurs trimestres, mais un écart plus grand est normalement de courte durée et risquerait de faire baisser le huard sous le niveau psychologique de 70 cents américains.

How Far Can Central Banks Move Ahead of the Fed?
 

Bonne surprise au Canada concernant l’inflation

Pour ce qui est du Canada, voici un aperçu de l’évolution de l’inflation au pays, qui vient appuyer l’argument selon lequel la banque centrale peut certainement réduire les taux d’intérêt avant la Réserve fédérale, et faire des réductions plus importantes. De toute évidence, le profil du changement des prévisions est très différent de celui du graphique précédent montrant les prévisions d’inflation aux États-Unis, lesquelles ont été modifiées à la hausse. 

Dans le Rapport sur la politique monétaire d’avril, la Banque du Canada a révisé à la baisse de 20 points de base sa projection d’inflation globale à 2,2 % pour la fin de l’année, donnant à entendre qu’elle doit faire attention de ne pas pratiquer de baisses excessives étant donné que l’inflation devrait déjà se rapprocher de la cible.

Canada Gets Favourable Surprise on Inflation  

Baisse rapide des mesures d’inflation de base de la Banque du Canada

Il semble que la marge de capacités excédentaires au Canada ait soudainement atteint un point de bascule au niveau des pressions sur les prix. 

Le graphique de gauche montre une tendance à la baisse rapide des variations sur 3 et 6 mois. La Banque du Canada préférerait se concentrer sur les périodes de six mois en raison d’une volatilité moindre, mais les deux vont dans la même direction. Comme la banque centrale a une fourchette cible officielle de 1 % à 3 %, le graphique de droite montre la part d’éléments qui sont toujours au-dessus de cette limite supérieure. Cette part aussi est en train de s’effondrer.

La seule chose qui ressemble à ce qui se passe aux États-Unis, c’est que la plupart des éléments au-dessus de ce seuil ont trait au logement, qui sera lent à changer. 

La seule ombre au tableau susceptible de retarder une baisse de taux est une donnée du rapport d’avril sur l’emploi qui a ébranlé le marché. Ce rapport très positif a fait état de la création de 90 000 emplois. Toutefois, cela a permis de faire passer les attentes du marché d’une baisse de taux prévue en juin à juillet, ce que le marché continue de bien intégrer. Comme cela correspondait déjà à nos prévisions, la convergence des points de vue sur le moment a été utile.

Bank of Canada Core Inflation Measures Falling Fast 1 Bank of Canada Core Inflation Measures Falling Fast 2

Capacités excédentaires évidentes sur le marché canadien de l’emploi 

Evidence of Canadian Job Market Slack: Unemployment Rate

Pour ce qui est de la dynamique du marché de l’emploi, le rapport d’avril doit être mis en contexte. Par exemple, la demande des employeurs n’était toujours pas assez forte pour faire baisser le taux de chômage, qui a augmenté d’un point de pourcentage en une année. Cela ne s’est jamais produit sans récession. Cela s’explique par le fait que plus de 100 000 personnes sont entrées sur le marché du travail en avril seulement, car l’offre de main-d’œuvre continue d’augmenter en raison des flux d’immigration élevés.

Si la tendance actuelle se poursuit, les flux d’immigration au Canada seront plus importants cette année que l’année dernière, malgré la récente politique fédérale visant à limiter l’admission des étudiants. Comme ce plafond entrera en vigueur seulement en septembre, le système pourrait faire l’objet d’une poussée due au devancement, suivie d’une baisse plus marquée au quatrième trimestre. Cela pourrait aussi expliquer en partie pourquoi, parmi ces 90 000 emplois créés en avril, un nombre important de 40 000 étaient des jeunes âgés de 15 à 24 ans, période habituelle d’embauche d’étudiants. C’est la plus forte hausse d’emplois depuis décembre 2022. Étrangement, la quasi-totalité des embauches concernait des hommes, ce qui soulève des questions sur la qualité des données sur les marchés, car il est peu probable que les données soient fortement axées sur un seul sexe. 

En fin de compte, il est peu probable que les données d’avril indiquent une reprise de la demande d’emplois.

Le deuxième graphique montre les données des deux enquêtes sur le marché du travail au Canada afin de déterminer avec précision si un biais d’enquête est possible. La tendance à la baisse du sondage auprès des employeurs, indiquée par la ligne verte pleine, est plus marquée que le sondage mené auprès des ménages (ligne pointillée). Toutefois, ni l’un ni l’autre ne modifierait sensiblement la trajectoire de la Banque du Canada. Quoi qu’il en soit, avant cette réunion sur la politique monétaire de juillet, la banque centrale disposera de deux autres rapports sur l’emploi, en plus d’autres données sur l’inflation, pour l’aider à prendre cette décision. 

Dans cette matrice de données, elle ne pourra pas ignorer ce que ce troisième graphique nous dit.

Au Canada, il y a autant de personnes sans emploi actuellement que ce qui se produit habituellement au sommet du cycle d’une récession.

Il ne fait aucun doute que la capacité excédentaire sur le marché du travail s’accroît.  Mais en même temps, aucun désastre ne se produit et la banque centrale peut agir de façon mesurée, ce qui explique que nous prévoyons seulement 75 points de base de réductions de taux cette année… à condition que l’inflation maintienne sa tendance actuelle!

Evidence of Canadian Job Market Slack: Employment - Year over year change Evidence of Canadian Job Market Slack: Unemployment - Year over year change

L’année 2024 commence en force, mais cette vigueur semble être une poussée étonnante, mais ponctuelle

Contrairement au portrait des perspectives de croissance du Canada dépeint jusqu’à maintenant, le PIB réel au premier trimestre devrait surpasser celui des États-Unis, qui s’est replié sous les 2 %. Toutefois, ne vous méprenez pas en interprétant ces manchettes. La consommation s’est révélée solide durant le trimestre, mais de nombreux signes indiquent déjà que l’élan des consommateurs s’est essoufflé à l’approche du deuxième trimestre.

Et cette tendance semble suivre celle de l’année dernière, marquée par une poussée de croissance qui s’est rapidement évaporée. Cela donne à penser que les données pourraient refléter des influences saisonnières temporaires.

Une mise en garde s’impose au sujet de ce scénario de ralentissement : l’afflux massif d’immigrants mentionné plus tôt pourrait quelque peu pérenniser les dépenses de consommation (et l’inflation) à mesure qu’ils s’installeront dans un nouvel environnement, même si d’autres segments de la population continuent de diminuer leurs dépenses.

Entre décembre et avril, 411 000 personnes sont entrées au Canada. À pareille date l’an dernier, ce nombre s’établissait à 276 000. Cela pourrait signifier un compromis entre les tendances de croissance à court terme anticipées au premier semestre de cette année, avant que le plafonnement des étudiants n’entre en vigueur par la suite, et un essoufflement de l’élan de croissance.

2024 Starts Strong But Looks Like A One-Hit Wonder 1 2024 Starts Strong But Looks Like A One-Hit Wonder 2

Les gouvernements continuent de soutenir l’économie, mais beaucoup moins

Avant la période des budgets, de nombreux économistes frémissaient en attendant de voir si les gouvernements compliqueraient à nouveau le travail de la Banque du Canada au moyen de politiques très expansionnistes. Les gouvernements ont fait preuve d’une certaine retenue cette fois-ci, mais pas complètement.

On estime la contribution au PIB à un niveau beaucoup plus faible cette année, soit 20 points de base, par rapport aux budgets fédéral et provinciaux combinés de l’année dernière, soit 90 points de base. Mais en fin de compte, les dépenses nettes des gouvernements continuent d’augmenter plus rapidement que la croissance économique, ce qui peut nuire aux efforts de la Banque du Canada pour contrer l’inflation, car d’autres facteurs agissent en parallèle, comme la forte croissance démographique.

Comme le montre le graphique, les pressions budgétaires à court terme proviennent en grande partie des gouvernements provinciaux, qui sont confrontés à une certaine nécessité en raison de la croissance rapide de la population. Parmi les provinces, la Colombie-Britannique et le Québec ont enregistré la plus forte détérioration de leur situation financière, l’Alberta se situant à l’autre bout du spectre.

Les provinces ont mis l’accent sur l’augmentation des dépenses de programme et sur des plans d’investissement à grande échelle, comme le transport en commun, les soins de santé et les écoles. Du côté fédéral, 53 milliards de dollars en nouvelles dépenses ont été largement destinées au logement et aux soins de santé. Toutefois, alors que les dépenses des provinces sont effectuées plus rapidement, le gouvernement fédéral s’est engagé à le faire dans un futur plus tardif.

Is Consumer Spending As Strong As It’s Portrayed?

Ils sont toutefois les employeurs les plus actifs en ville

Mais ce n’est pas tout. Les dépenses annoncées dans les budgets ont de nombreux effets directs, mais aussi plusieurs effets indirects, comme les pratiques d’embauche des gouvernements. À cet égard, la croissance de l’emploi a non seulement surpassé continuellement celle du secteur privé, mais le nombre d’emplois a augmenté d’environ 7 % par rapport à la tendance observée durant la décennie prépandémique. En revanche, le secteur privé hésite davantage à embaucher des travailleurs que par le passé.
Le secteur public a une définition large. Il englobe les employés de tous les paliers de gouvernement, y compris ceux d’une société d’État ou d’un établissement financé par le gouvernement, comme une école (y compris les universités) ou un hôpital.

Mais de façon plus générale, les dépenses budgétaires sous-estiment le plein effet des gouvernements sur l’économie, sans parler des multiplicateurs qui existent dans le secteur privé en ce qui concerne les dépenses en infrastructures et d’autres éléments.
Governments Are The Most Active Employer In Town

Risque lié aux prévisions – Fluctuations du marché de l’habitation

Et bien sûr, la Banque doit être un peu nerveuse à l’idée d’accroître la demande de logements. De nombreuses mesures en matière d’habitation ont été annoncées dans les budgets fédéral et provinciaux, principalement dans le secteur des logements construits expressément pour la location, mais elles ne devraient accroître que légèrement l’offre de logements à court terme. Transformer une politique en immeuble d’habitation véritable prend du temps.

En revanche, la demande accumulée va réagir plus rapidement et nous ne connaîtrons pas réellement son ampleur exacte tant que la banque centrale n’aura pas commencé à réduire les taux d’intérêt dans un marché qui a été étouffé depuis plus d’un an, malgré une croissance démographique exceptionnelle.

Le sondage mené par la Banque du Canada auprès des consommateurs a révélé que les intentions d’achat d’une maison au cours des 12 prochains mois ont augmenté depuis 2023, ce qui, selon elle, est attribuable aux nouveaux arrivants dont les intentions d’achat sont plus fortes que celles des autres Canadiens. Cela s’est produit malgré les attentes de forte croissance des prix des maisons et leur disponibilité limitée.

Ce graphique montre nos prévisions de prix à l’aide de la barre verte, qui reflète les résultats modélisés en fonction des mesures d’abordabilité et de notre profil de taux d’intérêt. Toutefois, il est difficile de ne pas se sentir un peu inquiet en observant que les risques sont répartis de façon disproportionnée vers hausse.

La zone grisée indique une hausse inattendue de 4 points de pourcentage, ce qui correspond à peu près à l’erreur de prévision lorsque nous nous sommes lourdement trompés dans le passé. Cela s’est produit seulement trois fois, dont une fois durant la pandémie. En fin de compte, cela donne un aperçu d’une erreur possible une fois que la Banque du Canada s’engage dans un cycle de réduction des taux. Tout ce qui commence à se rapprocher de notre scénario de hausse leur donnerait une pause.

Forecast Risk – Housing Pops  

Plan du gouvernement fédéral sur le logement : l’ambition face à la réalité

Et il est difficile de ne pas penser que le risque est élevé. La volonté du gouvernement de stimuler l’offre de logements est un défi ambitieux. 

À partir du budget, le Plan du gouvernement fédéral sur le logement contient les mesures que les intervenants du secteur réclament depuis des années, comme le complément de fonds pour le Programme de prêts pour la construction d’appartements (PPCA), le Fonds pour accélérer la construction de logements, qui augmente la déduction pour amortissement accéléré de 4 % à 10 % pour les logements locatifs, ainsi que de nombreuses autres mesures.

Mais le secteur demeurera confronté à des contraintes de main-d’œuvre, en raison du vieillissement de la main-d’œuvre et de la concurrence pour les travailleurs des projets non résidentiels. Il y a déjà une forte proportion de travailleurs dans ce domaine. Malgré cela, il éprouve des difficultés au niveau de la productivité.

L’atteinte de la cible de nouveaux logements prévue dans le Plan du gouvernement fédéral sur le logement signifie également que 550 000 nouveaux logements seront construits par année, soit plus du double du plafond historique. Le secteur s’active déjà en construisant 242 000 unités, ce qui n’est pas loin du sommet record de 270 000 unités.

Cela met en évidence le risque auquel la Banque du Canada est confrontée, car l’offre s’ajuste avec un retard important, tandis que les réductions de taux stimulent la demande immédiate.

Federal Housing Plan: Ambition Versus Reality 1 Federal Housing Plan: Ambition Versus Reality 2

Ralentissement du rythme des réductions de taux

Compte tenu de tous les facteurs favorables et défavorables à l’économie, le rythme des réductions de taux devrait être lent et mesuré, et une réduction pourrait même ne pas être au rendez-vous à chaque réunion. La Banque du Canada pourrait relever son taux à une réunion sur deux (par tranches de 12 semaines) afin d’avoir plus de temps pour observer les principaux points de données sur l’inflation, l’emploi et le logement, tout en jetant un coup d’œil vers le sud, à sa contrepartie américaine.

La véritable normalisation des taux d’intérêt devrait se concrétiser en 2025, quand la banque centrale devrait être plus en mesure de ramener le taux directeur à 3 % vers la fin de l’année, à condition que certaines conditions se maintiennent :

  1. L’inflation n’augmente pas en raison de la hausse de la demande de logements.
  2. Les États-Unis sont également en train de réduire leurs taux d’intérêt.
  3. Les événements géopolitiques ne font pas obstacle à la pression exercée sur les chaînes d’approvisionnement, qu’il s’agisse de guerres ou d’escalade tarifaire, et beaucoup d’inconnues subsistent quant à l’issue des élections américaines.
Tempered Pace Of Rate Cuts  

Avis de non-responsabilité