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Pile, nous gagnons; face, vous perdez

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067

date publiée: 2 septembre 2025

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Pile, nous gagnons; face, vous perdez

Les États-Unis ont été leur propre perturbateur. Que ce soit les structures de coûts de leurs propres activités et flux commerciaux soumis aux politiques tarifaires, ou la dynamique de la main-d’œuvre exposée à l’incertitude et aux politiques d’immigration. 

Pourtant, ils paient un coût économique inférieur par rapport aux pays comparables, ce qui a inspiré le titre : Pile, nous gagnons; face, vous perdez. 

J’aborderai les caractéristiques de la résilience de l’économie américaine, en veillant à faire la distinction entre les discours que nous entendons et les données que nous observons. Ainsi,

  • j’expliquerai pourquoi les médias et certains spécialistes du marché ont poussé un soupir de soulagement lorsqu’ils se sont rendu compte que les économistes s’étaient trompés… l’inflation n’a pas monté en flèche et il n’y a pas de récession. Une partie de ce sentiment est alimentée par la façon dont l’administration perçoit l’économie, mais pas sa totalité. 
  • Pour comprendre l’histoire américaine, il faut comprendre le protagoniste, c’est-à-dire le consommateur.  
  • Enfin, je montrerai comment les accords commerciaux se sont transformés en une stratégie plus vaste incluant des accords d’investissement, ce qui donne un nouveau point de vue pour les perspectives.  

Pourquoi dit-on que les économistes se sont trompés?

En commençant par ceux qui ont soutenu que la hausse abrupte et importante des tarifs douaniers entraînerait une récession, ces points de vue ont culminé lorsque le président Trump a annoncé, au début d’avril, l’imposition de tarifs douaniers réciproques à plus de 90 pays, avec des taux douaniers allant de 10 % à 50 %.

Depuis, les prévisions de récession se sont stabilisées à un niveau inférieur, mais elles restent élevées. Par conséquent, le soulagement exprimé dans les commentaires des médias tient en partie au fait que le pire scénario ne s’est pas concrétisé. Toutefois, cela ne signifie pas que l’économie américaine est solide ni qu’elle fait fi des rebondissements de la politique intérieure.

Aucun prévisionniste de grande banque n’a de prévisions solides pour cette année ou l’année prochaine, même dans un contexte de grande variété de points de vue.

Pourquoi dit-on que les économistes se sont trompés?

N’oubliez pas que les Américains n’ont pas l’habitude de devoir composer avec une économie dont la croissance est inférieure à 2 %. Au cours du premier mandat de M. Trump, le taux de croissance moyen sur trois ans était de 2,7 %, à l’exception du repli observé durant la pandémie. Le taux de croissance moyen enregistré au cours du mandat de Joe Biden était exactement le même, si l’on exclut le rebond exceptionnel qui a suivi la pandémie. 

Nous n’avons jamais été de ceux qui prédisaient une récession, même au paroxysme de l’incertitude du début d’avril, mais nous pensions que le marché de l’emploi allait connaître des difficultés. Nous considérions que cette partie du discours était erronée, jusqu’à ce que soient publiées, en juillet, des révisions de données qui ont réglé le problème en montrant des tendances modérées en matière de dépenses de consommation.

Pourquoi dit-on que les économistes se sont trompés?

Les révisions des données du marché de l’emploi détruisent le récit concernant la résilience

En ce qui concerne le marché de l’emploi, voici le tableau précédent qui plaidait en faveur de la résilience, et celui qui a suivi les révisions et qui a fait le tour du monde. Les révisions ont supprimé plus d’un quart de million d’emplois sur une période de deux mois, en remettant en question la capacité du marché de l’emploi à faire fi des répercussions tarifaires et de l’incertitude politique. 

D’un point de vue historique, il s’agissait de la révision à la baisse la plus importante sur deux mois en dehors de la pandémie.  Des corrections de cette ampleur se produisent habituellement lors des tournants du cycle, lorsque les taux de réponse aux sondages sont plus lents et que le Bureau of Labor Statistics (BLS) doit effectuer une estimation supérieure plutôt que de se fier aux données déclarées. Par exemple, au cours des deux derniers mois, le taux de réponse au sondage des sociétés était inférieur à 60 %, mais il a bondi à 90 % au moment de la deuxième itération des données. 

S’il s’agit d’un véritable tournant dans le cycle, il devient d’autant plus important pour nous de savoir flairer les données (ou d’être des « data-dogs » selon le terme anglais) et de dénicher l’information partout où elle se trouve. Le terme de « data-dog » est utilisé par Austan Goolsbee de la Fed de Chicago, et il décrit parfaitement ce que je vais faire.

 
Les révisions des données du marché de l’emploi détruisent le récit concernant la résilience Les révisions des données du marché de l’emploi détruisent le récit concernant la résilience

Les emplois dans les secteurs exposés au commerce frappent un mur 

Au cours des trois derniers mois, il n’y a eu que 35 000 embauches en moyenne. Peut-être qu’il s’agira d’un seul point de données faible à un moment donné dans le temps, mais une façon de le savoir consiste à examiner qui embauche ou non, et si c’est généralisé.

Depuis l’entrée en vigueur des politiques tarifaires intermittentes en mars et en avril, les secteurs exposés au commerce ont marqué une pause, comme le montre l’emplacement des barres sombres. Dans le monde d’avant les tarifs douaniers, les secteurs commerciaux créaient environ 40 000 à 45 000 emplois par mois. 

Cependant, le secteur manufacturier a depuis perdu 37 000 emplois en trois mois, tandis que d’autres secteurs ont simplement créé un nombre minimal d’emplois qui représentent à peu près un cinquième à un dixième de ceux créés en période de prospérité.

Si l’on se concentre plutôt sur les barres vertes plus clair, on a l’impression que le reste du secteur privé réussit bien à créer des emplois…

Les emplois dans les secteurs exposés au commerce frappent un mur

Et les secteurs qui ne sont pas liés au commerce manquent d’amplitude

… mais ce n’est qu’une impression.

La part des secteurs qui embauchent est nettement inférieure à la moyenne. Par rapport à l’année dernière, ce phénomène n’est pas nouveau, mais ce qui l’est, c’est que, parmi les emplois du secteur privé, 80 % d’entre eux sont concentrés dans un seul secteur : les soins de santé et l’aide sociale.

Ce secteur frappe fort par rapport à la proportion qu’il représente, soit seulement 17 % de tous les emplois du secteur privé. 

La combinaison de la diminution du nombre d’emplois et de la réduction de la distribution entre les secteurs signale qu’il se passe quelque chose sur le plan de la consommation, même si la création d’emplois se poursuit et que les demandes d’assurance-chômage sont faibles.

Et les secteurs qui ne sont pas liés au commerce manquent d’amplitude Et les secteurs qui ne sont pas liés au commerce manquent d’amplitude

Les trois cavaliers du marché du travail

Explorons maintenant un autre coin du marché du travail pour voir à quel point il soutient cette conclusion. 

Austan Goolsbee a fait référence aux quatre cavaliers du marché du travail pour évaluer sa santé sous-jacente. Ces graphiques représentent trois  de ces cavaliers, le quatrième étant le taux de chômage. 

Actuellement, le problème avec le taux de chômage, c’est que le changement important et soudain en matière d’immigration brouille les pistes pour les analystes qui essaient d’évaluer le rythme de créations d’emploi et l’évolution de la main-d’œuvre. Un taux de chômage se situant dans la fourchette de 4,1 % à 4,2 % reflète-t-il vraiment un marché de l’emploi solide et en bonne santé?

Pour répondre à cette question, nous pouvons examiner la confiance des employeurs à l’égard de la recherche de nouveaux travailleurs, ainsi que la confiance des travailleurs quant à la possibilité de quitter un emploi pour trouver un meilleur salaire ou une occasion de mieux mettre à profit leurs compétences.

Les graphiques sont décourageants à cet égard. Les taux de départ et d’embauche sont faibles, mais ils l’étaient déjà avant l’arrivée au pouvoir du président Trump, de sorte que la dynamique ne peut pas être uniquement attribuée aux bouleversements politiques. Mais cela n’a pas changé depuis le début de l’année. En fait, cette dynamique s’est maintenue dans le cas des postes à pourvoir, mais s’est détériorée dans celui des embauches et des taux de départ. 

Le taux d’embauche n’a pas été aussi bas depuis la crise financière qui a suivi la crise mondiale, et le taux de départ se situe au niveau de 2014-2015. Ces graphiques ne montrent pas que la répartition des personnes sans emploi pendant 27 semaines ou plus est supérieure à celle pendant la période d’expansion et de contraction du secteur des technologies en 2001. 

Par conséquent, si les membres du Federal Open Market Committee (FOMC) cherchent un moyen détourné de réduire les taux d’intérêt en septembre tandis qu’ils sous-pèsent les risques liés à l’inflation par rapport à l’emploi, ils ont là une occasion en or de le faire.

Les trois cavaliers du marché du travail Les trois cavaliers du marché du travail
Les trois cavaliers du marché du travail

La baisse de la consommation a maintenant plus de sens

L’analyse du marché de l’emploi nous aide maintenant à mieux comprendre les résultats en matière de consommation. 

Les dépenses ont fortement diminué au premier semestre de l’année. La consommation s’est péniblement établie à 1,5 % à un rythme annualisé, contre près de 4 % au deuxième semestre de l’an dernier. Pour le reste de 2025, nous nous attendons à ce que la tendance se maintienne. 

Cette perte de momentum est attribuable à plusieurs facteurs. Les secteurs qui ont affiché une forte croissance des prix ont découragé les consommateurs, tandis que les dépenses dans les secteurs discrétionnaires, comme les loisirs, ont chuté. En revanche, les secteurs liés au logement, ceux des soins de santé et de l’assurance, ont tous progressé, mais il s’agit de secteurs de dépenses non discrétionnaires qu’il est plus difficile de réduire. Et même si les secteurs des services de restauration et des vêtements ont progressé, l’amplitude sur une période de six mois n’a rien d’exceptionnel.

La baisse de la consommation a maintenant plus de sens  La baisse de la consommation a maintenant plus de sens

Des conditions peu favorables aux consommateurs 

Des conditions peu favorables aux consommateurs

Le contexte n’a pas été facile pour les consommateurs. Voici une courte liste des frictions dans le système, qui vont des emplois à la normalisation des taux de défaillance, en passant par les prix. Dans le cas des cartes de crédit, les défaillances se sont stabilisées, mais à un niveau plus élevé qu’avant la pandémie. Les prêts étudiants reviennent également à la normale après la suppression des programmes prolongés de soutien dus à la pandémie. 

En octobre de l’an dernier, les paiements en retard ont commencé à être déclarés aux agences d’évaluation du crédit. Puis, en mai de cette année, le département de l’Éducation a repris la perception obligatoire des prêts en défaut. Et un dernier rajustement a eu lieu lorsque la loi OBBBA a mis en œuvre l’une des réformes les plus importantes depuis des décennies. Des millions d’emprunteurs actuels devront passer à de nouveaux plans de remboursement, probablement avec des versements mensuels plus élevés. 

En quelques mois seulement, les défauts de paiement des étudiants ont fait un bond de presque zéro à 8 %. Ce taux est toujours en deçà des niveaux d’avant la pandémie, mais TransUnion estime que trois millions d’emprunteurs devraient être en défaut de paiement d’ici septembre, ce qui placerait le nombre de défauts de paiement d’ici la fin de l’année au-dessus du sommet observé avant la pandémie. 

Si un seul de ces domaines de défaut de paiement changeait, cela aurait un impact limité sur un contexte de consommation très large. Mais lorsque ces changements se font en lot et en même temps, il s’agit d’un obstacle plus important pour que les ménages augmentent leurs dépenses. 

En outre, le secteur du logement est véritablement en récession, les ventes étant près des creux de la crise financière mondiale, ce qui étouffe le multiplicateur de dépenses associé à l’ameublement, aux rénovations et à d’autres facteurs. 

Enfin, et peut-être surtout, les politiques d’immigration restrictives ont des répercussions sur les dépenses à l’échelle nationale. Ces répercussions se font sentir dans plusieurs canaux, dont la diminution des revenus d’emploi. Mais je pense que les effets les plus importants découlent de deux autres canaux.

Immigration = moins de franchissements de la frontière + gel des travailleurs sans papier

L’un de ces canaux correspond à l’effondrement du flux d’immigrants qui traversent la frontière, et l’autre est ce que j’appelle un effet cumulatif. Que se passe-t-il lorsque près de 11 millions de travailleurs sans papier craignent de poursuivre leur routine quotidienne en raison de la hausse des arrestations de l’agence ICE? 

Commençons par l’effondrement du flux d’immigrants.

Pendant le premier semestre de l’année, il y a eu plus d’un million de passages à la frontière de moins que l’an dernier. Si l’on extrapole pour le reste de l’année, cela signifie qu’il manque plus de deux millions de personnes ayant la capacité de dépenser dans la nourriture, les vêtements, les appareils électroniques, le logement, etc. 

Toutefois, le principal frein aux dépenses est probablement l’effet cumulatif.  Aux États-Unis, les 11 millions de travailleurs sans papier représentent plus de 6 % de la population active, ce qui est considérable. 

Une partie de ces personnes ont probablement réduit leurs vacances, leurs voyages pour rendre visite à leur famille, leurs sorties dans des restaurants ou des parcs d’attractions, etc. Pour faire une estimation de ce que cette paralysie des dépenses pourrait signifier pour l’ensemble des États-Unis, nous avons examiné le salaire moyen des travailleurs sans- papiers, en soustrayant le montant envoyé à leur famille dans leur pays, qui représente environ 15 % des revenus, et en supposant également que les dépenses dans des secteurs non discrétionnaires, comme l’épicerie, les services publics résidentiels, etc. continuent d’avoir lieu.

Immigration = moins de franchissements de la frontière + gel des travailleurs sans papier Immigration = moins de franchissements de la frontière + gel des travailleurs sans papier

Mesure de l’impact des mesures de répression de l’immigration sur la consommation

Nous estimons qu’il y aurait normalement eu environ 148 milliards de dollars de disponibles pour les achats discrétionnaires; mais, une partie de ce montant est probablement paralysée.

Dans le haut de la fourchette de nos hypothèses, cela pourrait représenter un frein de 1 % sur les dépenses de consommation, mais nous n’avons supposé que la moitié de l’effet sur ce graphique. 

Donc, si l’on combine l’effet du flux des immigrants qui n’entrent pas aux États-Unis à l’effet cumulatif plus important d’un gel des dépenses, on obtient une réduction d’environ 70 points de base de la croissance des dépenses de consommation.

On pourrait croire à une mauvaise nouvelle, mais ce point de vue a aussi un bon côté. En effet, cela signifie que la récente baisse des dépenses de consommation pourrait ne pas refléter la prudence ou le manque de confiance de l’ensemble des États-Unis, mais plutôt un effet temporaire qui ira en s’atténuant.

En effet, si la politique d’immigration reste constante, le niveau des dépenses restera en permanence inférieur aux données hypothétiques, mais la croissance reprendra à partir de cette nouvelle clientèle. 

Comme pour de nombreux aspects de ces prévisions, il y a beaucoup de suppositions, ce qui nécessite une surveillance et une vérification approfondies de diverses données au fil du temps.

Mesure de l’impact des mesures de répression de l’immigration sur la consommation

Où est l’inflation? La répercussion des tarifs douaniers sur les clients semble faible

Concernant la dynamique de l’inflation, la certitude en matière de baisse des dépenses de consommation contribue à limiter le pouvoir d’établissement des prix des sociétés. Ce graphique donne l’impression que l’inflation ne pose pas problème. Elle est en baisse par rapport à l’an dernier.

Alors attarderons-nous à cela. 

Les prix des services ralentissent par rapport aux niveaux élevés indiqués par les deux barres vertes. Toutefois, les deux étant proches des niveaux historiques, des pressions à la baisse supplémentaires auront du mal à s’exercer. C’est d’ailleurs ce qu’indiquent les données de l’IPC de juillet, puisque les prix des services autres que l’habitation ont considérablement augmenté. Nous espérons que ce n’est qu’une donnée passagère, mais le scénario idéal serait que les tendances de croissance actuelles se maintiennent. 

La barre grise est plus pertinente pour les perspectives, car les tarifs douaniers influent sur les prix des biens d’une manière particulière. La contribution des tarifs douaniers à l’inflation est passée de négative à positive cette année. L’impact reste faible, car il est encore trop tôt pour se prononcer et de nombreuses sociétés ont accumulé des stocks pour atténuer les conséquences immédiates sur leurs marges bénéficiaires et leurs clients.

Si nous décortiquons cette barre grise dans ses composantes , nous voyons que les prix des véhicules neufs et d’occasion sont l’exemple parfait de ce discours sur la constitution d’un stock, puisqu’ils ont reculé depuis l’annonce des tarifs douaniers sur les véhicules automobiles en mars. Cependant, le secteur automobile est l’exception. D’autres produits tarifés ont connu de fortes fluctuations des prix au cours des trois derniers mois. 

N’oubliez pas que cela s’est produit parallèlement aux nombreuses tergiversations entourant les tarifs douaniers. À l’exception de la Chine, la plupart des pays ne se sont vu imposer qu’un tarif douanier de 10 % entre avril et le début du mois d’août, bien que des tarifs plus élevés aient été appliqués dans tout le système des produits visés par l’article 232, comme l’acier, l’aluminium et les pièces automobiles.

Même avec la dernière annonce faite au début d’août concernant les tarifs douaniers réciproques, selon laquelle les exportations par pays sont assujetties à des tarifs se situant dans une fourchette de 10 % à 50 %, il faudra plusieurs mois avant que leurs effets se fassent pleinement sentir sur les prix à la consommation. Le décret accordait un délai de grâce jusqu’au début d’octobre pour tout ce qui avait été chargé aux fins de transport à la mi-août.

Où est l’inflation? La répercussion des tarifs douaniers sur les clients semble faible Où est l’inflation? La répercussion des tarifs douaniers sur les clients semble faible

Les services dominent les statistiques, mais peut-être pas l’expérience

Il s’agit d’un graphique plus intuitif des forces de poussée et de traction entre les services et les biens. 

Les services de base sont habituellement l’influence principale, puisqu’ils représentent 60 % de la mesure totale. Mais cette influence s’est toutefois normalisée au niveau de la croissance de 2018-2019, soit de 3,3 % à 3,5 %, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour une autre baisse importante. 

Par conséquent, l’inflation globale est plus vulnérable à l’évolution et à l’ampleur à venir des prix des biens. Comme le montre le graphique, la tendance n’est pas notre amie sur une période de trois ou six mois. 

À mesure que les tarifs douaniers américains se stabiliseront, espérons-le d’ici la fin de l’année, il n’est pas réaliste de penser que l’imposition de tarifs à 100 % sur des importations extérieures à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) n’aura aucune conséquence pour les consommateurs. Et nous ne savons même pas ce qu’il adviendra des produits actuellement protégés par l’ACEUM si cette protection est réduite ou supprimée. 

En fin de compte, même si les sociétés veulent faire grimper les prix, tout repose sur la capacité des consommateurs à absorber cette hausse des prix. 

Les services dominent les statistiques, mais peut-être pas l’expérience Les services dominent les statistiques, mais peut-être pas l’expérience

Que doit faire la Fed?

Que doit faire la Fed pour trouver l’équilibre entre son mandat visant à maintenir une inflation stable et un marché de l’emploi en équilibre? La décision de réduire les taux n’est qu’une question de savoir « quand », et pas « si ». 

Nous pensons depuis avril que la Fed allait procéder à trois baisses de taux cette année, à compter du 17 septembre. Il s’agissait alors d’une opinion très loin du consensus, mais qui correspond dorénavant tout à fait au consensus depuis les dernières semaines. 

Nous avons maintenu le cap parce que, que l’on considère que les États-Unis se dirigeaient vers une récession ou simplement que leur croissance allait devenir de plus en plus faible, un taux directeur de 4,5 % est trop restrictif et incompatible avec ces deux scénarios. 

Le retour à un taux neutre de 3,25 % d’ici le milieu de 2026 ne fait pas abstraction du risque de répercussion supplémentaire des tarifs douaniers sur l’inflation, mais il équilibre la nature des risques bilatéraux. C’est particulièrement vrai si l’on croit, comme nous, que l’impact des tarifs douaniers mènera en grande partie à une hausse ponctuelle des prix. 

Les gouverneurs Bowman et Waller sont arrivés à la même conclusion lors de la dernière réunion du FOMC, lorsqu’ils se sont prononcés en faveur d’une baisse de taux. 

Le discours de M. Powell lors de la conférence de Jackson Hole a également ouvert plus grand la porte, lorsqu’il a reconnu que le ralentissement était beaucoup plus important que ce qui a été évalué il y a un mois.

Et maintenant, la nomination de Stephen Miran par Donald Trump au conseil du FOMC, si elle est confirmée par le Sénat, ferait pencher la balance en faveur d’une baisse plus rapide vers un taux neutre.

Que doit faire la Fed?

Les progrès des États-Unis quant aux « accords » commerciaux révèlent une stratégie plus large 

Les progrès des États-Unis quant aux « accords » commerciaux révèlent une stratégie plus large

Jetons maintenant un coup d’œil aux accords en matière de tarifs douaniers qui fixeront le cap de l’économie et de l’inflation.  Jusqu’à présent, l’administration a conclu des accords avec des pays qui représentent environ 30 % des importations américaines.
Une stratégie définie est apparue, et elle déterminera probablement les grands joueurs du Canada, du Mexique et de la Chine. 
L’encadré présente trois composantes de cette stratégie.

  1. En ce qui concerne la première composante sur un taux de base, cela comprend parfois aussi des quotas d’exportation.
    • Le Royaume-Uni est un exemple de pays qui a négocié un tarif douanier de 10 % sur les voitures jusqu’à concurrence d’une limite annuelle de 100 000 voitures, après quoi les voitures supplémentaires sont assujetties à un tarif de 25 %.
    • En revanche, le Japon, la Corée du Sud et l’Union européenne ont négocié un tarif douanier de 15 % sur les nouvelles voitures et pièces, mais sans quota.
  2. La deuxième composante comprend les engagements en matière d’investissement ou d’achat.
    • Jusqu’à présent, les cadres comprennent des projets américains dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, de l’aérospatiale et de la construction navale pour une valeur combinée de 1 500 milliards de dollars.

Caractéristiques communes des « accords » 

  1. Un « taux de base » sur les droits de douane de 10 à 15 %, sans représailles.
  2. Accords d’achat et ouverture des marchés aux exportations américaines.
  3. (Certains) allègements tarifaires au titre de l’article 232.

Les accords commerciaux comprennent des accords d’investissement

Les accords commerciaux comprennent des accords d’investissement

La plupart de ces investissements proviendront de l’Union européenne, du Japon et de la Corée du Sud, les détails étant encore en cours d’élaboration. Ces engagements s’étendent généralement jusqu’à 2028, ce qui coïncide à la fin du mandat de M. Trump. Même si seule une fraction de ces investissements est mise en œuvre, elle peut avoir un effet positif sur les perspectives économiques américaines.

La troisième composante caractéristique de l’accord est la façon dont l’administration gère les tarifs douaniers en vertu de l’article 232, comme le taux de 50 % sur le cuivre, l’acier et l’aluminium, ainsi que d’autres tarifs à venir sur les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques. 

Les négociations se font au cas par cas, selon le pays. Dans le cas de l’acier et de l’aluminium, le Royaume-Uni a bénéficié d’une modification prévoyant le maintien du tarif douanier initial de 25 %, plutôt que 50 %. L’UE est toujours en négociations, mais elle vise un quota sur l’acier et l’aluminium pour obtenir un taux tarifaire inférieur.

Pour montrer à quel point la situation est changeante, des tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et l’aluminium étaient en place en février; ils ont été relevés à 50 % en juin, puis le 18 août, la Maison-Blanche a ajouté 407 produits supplémentaires à la liste de produits assujettis à des tarifs douaniers, les sociétés devant s’assurer de la proportion dans le volume total de marchandises expédiées. Vous pouvez imaginer à quel point il est difficile de mettre en œuvre cette politique à la frontière, sans parler de la difficulté pour les entreprises d’établir clairement leur structure de coûts.

Alors, à quoi la situation ressemble-t-elle du point de vue du gouvernement des États-Unis?

Les tarifs douaniers rapportent de l’argent au gouvernement 

Nous avons mentionné à plusieurs reprises dans des notes précédentes que l’administration mettait délibérément en place des tarifs douaniers pour générer une nouvelle source permanente de revenus pour financer les déficits gouvernementaux. Ce postulat tient la route, mais nous avons sous-estimé le taux de base, qui, selon nous, serait plus proche de 10 % que de 15 %.

Les recettes tarifaires pourraient atteindre 350 milliards de dollars cette année, et, selon certaines estimations, elles pourraient s’élever à 500 milliards de dollars l’an prochain. Cependant, cela sous-entend que les entreprises ne rajusteraient pas leurs importations, ce qui n’est pas réaliste. 

Le Congressional Budget Office (CBO) suppose raisonnablement que, même en cas de détournement des échanges commerciaux, les tarifs douaniers permettront tout de même au gouvernement de percevoir 3 300 milliards de dollars de sur une période de 10 ans. Leur application directe sur la dette réduirait encore les intérêts à payer de 700 milliards de dollars au cours de la décennie.

Les tarifs douaniers rapportent de l’argent au gouvernement

Ce graphique illustre l’effet net . L’administration aura réussi à compenser le déficit supplémentaire créé par la loi OBBBA, et même un peu plus. 

Cependant, il y a toujours un déficit, indiqué par les points sur le graphique, car d’importantes dépenses liées à Medicare et à la sécurité sociale engloutiront encore environ 36 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. C’est probablement la raison pour laquelle l’administration est à la recherche de nouvelles sources de revenus qui sont non conventionnelles pour les États-Unis.

Les tarifs douaniers rapportent de l’argent au gouvernement

Par exemple, l’accord conclu avec Nvidia et Advanced Micro Devices (AMD) donne au gouvernement 15 % de leurs revenus tirés des livraisons de puces de pointe vers la Chine. Il s’agit en effet d’une taxe à l’exportation, et le secrétaire du Trésor, M. Bessent, a souligné que cette disposition pourrait constituer un test bêta pour d’autres secteurs.

Cependant, cette source de revenus peut s’avérer limitée ou contre-productive pour deux raisons.

Premièrement, les autorités chinoises ont déjà conseillé aux entreprises du pays de ne pas utiliser les puces Nvidia H20. Elles tentent de tripler la production des processeurs pour intelligence artificielle l’année prochaine; or la Chine est un pays qui a déjà prouvé sa capacité de résoudre rapidement des lacunes en matière d’innovation, de sorte que ce n’est probablement qu’une question de temps avant qu’elle ne rattrape son retard sur la technologie des puces et ne la fasse progresser. 

Deuxièmement, si cette taxe à l’exportation devait devenir une politique largement appliquée aux entreprises, elle pourrait encourager davantage le détournement du commerce et de la production. 

Dans un autre registre, mais distinct, le secrétaire Bessent a parlé de la monétisation de l’important bilan du gouvernement pour saisir d’autres occasions, ce qui se produit aussi en temps réel, puisque le gouvernement est devenu partie prenante dans des sociétés comme Intel. 

Si l’on prend du recul pour examiner la situation dans son ensemble, on assiste à un bouleversement du rôle traditionnel du gouvernement américain. Il trouve de nouveaux revenus par l’intermédiaire des entreprises plutôt que des ménages. À l’heure actuelle, le processus est spécifique et sélectif, en fonction des sociétés. Et l’on a déjà vu des gouvernements adopter des positions de partie prenante stratégique, comme le Canada, qui a fait l’acquisition de TMX en 2018 pour procéder au doublement des pipelines. 

Toutefois, si le gouvernement a l’intention d’appliquer ce modèle à plus de secteurs et d’entreprises internationales, cela ajouterait de la complexité au coût d’exploitation aux États-Unis, en réduisant l’un des principaux avantages qui attirent les capitaux mondiaux. Et cela pourrait se révéler contre-productif à long terme. 

Qui paie le prix des changements de politiques aux États-Unis?

Qui paie le prix des changements de politiques aux États-Unis?

Les marchés acceptent ce changement de paradigme économique sans broncher.

Les disparités structurelles dans les finances publiques américaines, combinées aux politiques qui ont bouleversé l’ordre commercial mondial, ont entraîné une accentuation de la courbe des taux des obligations du Trésor à 10 ans et à 2 ans, mais moins que dans d’autres régions.  

Le plus grand élargissement des écarts s’est produit plus tôt cette année avec l’Allemagne, lorsque le gouvernement a annoncé un programme budgétaire de 900 milliards d’euros destiné à la défense et aux infrastructures. En revanche, l’important déficit des États-Unis ne présentait pas le même risque inhérent dans la prime à l’échéance.

Les États-Unis présentent de nombreux autres avantages par rapport à leurs pairs, comme les attentes du marché à l’égard d’une croissance relativement plus forte et le statut de valeur refuge du marché des titres du Trésor. Et puis il y a certains effets orchestrés qui permettent de contrôler la prime à l’échéance. Il s’agit notamment de la stratégie du Trésor visant à orienter les émissions vers le segment à court terme de la courbe, tout en maintenant stable le bassin de titres à plus long terme. Le Trésor élargit également le programme de rachat pour retirer de la circulation les obligations à long terme plus anciennes et moins liquides.

L’effet net est une réduction du bassin d’obligations à long terme, ce qui aide à plafonner ces taux. 

Il y a toujours un risque que la prime de risque augmente de nouveau, mais pour l’instant, c’est encore un autre exemple des raisons pour lesquelles j’ai intitulé la présentation : Pile, nous gagnons; face, vous perdez. 

En fin de compte, les États-Unis sont toujours perçus comme ayant l’avantage. 

Les entreprises considèrent la technologie comme une impulsion de croissance américaine

Voici un exemple de ce point. 

Les investissements des entreprises sont un point fort de l’économie américaine, et les dépenses en équipement ont bondi de 10 % au premier semestre de cette année aux États-Unis. Il est possible que certains de ces investissements aient anticipé les tarifs douaniers et que d’autres soient dus à l’enthousiasme stimulé par le soutien que l’administration accorde à l’IA et à d’autres technologies. 

Cependant, certains d’entre eux découlent aussi probablement des politiques passées. Sous l’administration Biden, le nombre de centres de données et d’installations de semi-conducteurs a bondi grâce aux incitatifs accordés en 2022 en vertu de la CHIPS Act. Nous savions que cela finirait par entraîner une forte hausse des dépenses en équipement à mesure que ces projets approcheraient de leur achèvement – et ce jour est arrivé. 

Si on assemble toutes les pièces, les dépenses liées aux projets technologiques ont ajouté 70 points de base au PIB au premier semestre de cette année, et elles demeureront probablement un facteur favorable constant au cours des prochaines années. 

Cependant, le revers de la médaille n’est pas favorable aux États-Unis. Sans la contribution des investissements dans les technologies, la croissance pour l’ensemble des acheteurs américains aurait été nulle, comme le montre la ligne en pointillé du graphique.

Les entreprises considèrent la technologie comme une impulsion de croissance américaine Les entreprises considèrent la technologie comme une impulsion de croissance américaine

Toute cette angoisse au sujet des prévisions… pour une aussi mince différence!

Et voici donc la chute de cette présentation.

À la fin de l’année dernière, nous prévoyions une expansion économique de 2 % cette année pour les États-Unis, et presque la même chose en 2026. 

Nous avons passé huit mois à nous tourmenter sur chaque rebondissement en matière de politiques commerciales, budgétaires et d’immigration, sans que cela change grand-chose aux perspectives!

Nos prévisions pour 2025 n’ont reculé que de 30 points de base, une baisse principalement attribuable au ralentissement de la consommation. Cependant, nous croyons qu’une bonne partie de ce recul découle des politiques d’immigration, dont les effets négatifs sur la croissance s’atténueront au fil du temps. 

Par ailleurs, pour 2026, nous avons pris en compte des tarifs douaniers plus élevés pour les consommateurs, qui sont équivalents à une hausse d’impôt de 1 % du PIB si les entreprises en répercutent la moitié sur les clients. Pour en tenir compte, nous avons ajouté dans les prévisions une hausse budgétaire de 30 à 50 points de base découlant de la loi OBBBA pour chacune des prochaines années. 

En fin de compte, nous sommes pratiquement revenus au point de départ pour 2026, avec un écart de seulement 10 points de base, même si la composition des facteurs de croissance est différente. 

Cette révélation marque un moment existentiel dans notre carrière. 

Toute cette angoisse au sujet des prévisions… pour une aussi mince différence!

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