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Donald Trump impose des droits de douane de 25 % sur tous les produits en provenance du Canada et du Mexique, et de 10 % sur les produits de la Chine 

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067

James Orlando, CFA, directeur et économiste principal | 416-413-3180

date publiée: 1 février 2025

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Que se passera-t-il?

  • Mardi, les États-Unis lanceront officiellement une guerre commerciale qui aura des répercussions considérables sur l’économie, la géopolitique et les marchés financiers.
  • La fiche de renseignements de la Maison-Blanche expliquant la décision mentionne que la « menace extraordinaire que représentent les étrangers clandestins et les drogues illicites, y compris le fentanyl mortel, constitue une urgence nationale en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) ».
  • Le président Trump affirme que la position commerciale des États-Unis peut servir de levier contre les autres pays pour assurer la sécurité de ses frontières. Autrement dit, ces droits de douane ne semblent pas liés à l’enquête américaine sur le déficit commercial qui est en cours et qui devrait se terminer le 1er avril. Cela signifie que même si l’un des trois pays ciblés résout ce grief, la deuxième phase pourrait rapidement suivre.
    • Paradoxalement, la Chine sera largement épargnée par cette mesure punitive, et ses produits feront l’objet de droits de douane additionnels de 10 % par rapport à leur niveau actuel.
    • Tous les produits du Mexique et du Canada seront soumis à des droits de douane de 25 %, à l’exception des ressources énergétiques canadiennes, qui feront l’objet de tarifs douaniers de 10 %.
    • Si vous vous intéressez aux flux commerciaux entre régions, nous vous invitons à consulter ce lien.
  • Les droits de douane plus bas sur les ressources énergétiques canadiennes sont probablement attribuables à la sensibilité du gouvernement américain aux risques liés à la hausse des prix à la pompe, qui est très observable et a des répercussions immédiates sur les budgets des ménages.
    • À 10 %, on fait probablement le pari que les raffineurs américains absorberont une partie (ou la totalité) de l’impact au moyen de leurs marges bénéficiaires.
  • Fait important : M. Trump a indiqué que si le Canada prenait des mesures de rétorsion, les États-Unis pourraient accroître la portée des droits de douane.
  • Officiellement, l’ordre entre en vigueur après minuit le 4 février. 

Le Canada tient tête et ne se laissera pas faire

  • Les premiers ministres des provinces se sont montrés unis et résolus durant la soirée en élaborant chacun des mesures de rétorsion individuelles qui continueront d’être présentées dans les prochains jours. Au nombre de ces mesures figure déjà le fait de limiter l’approvisionnement des provinces auprès de sociétés américaines et le retrait des produits alcoolisés américains dans les commerces, certaines provinces ciblant davantage les États républicains.
  • Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé des droits de douane de 25 % sur 155 milliards de dollars de produits américains. De ce montant, 30 milliards de dollars de biens seront touchés par les mesures qui entreront en vigueur mardi. Au bout de 21 jours, les produits restants seront soumis aux droits de douane accrus, ce qui donnera aux entreprises et aux chaînes d’approvisionnement canadiennes le temps de trouver des solutions de rechange.
  • Des mesures non tarifaires sont également en cours d’examen avec les provinces et les territoires. 

Tit-for-tat going off the rails? 

  • Given the U.S. "retaliation" clause to respond to Canada's retaliation… brace for a further escalation.
  • Mexico has also responded with an intent to retaliate against the United States.
  • Common sense, game theory dictates the only "reasonable" off-ramp to this tit-for-tat spiral is diplomatic negotiations or be prepared for all parties to end up on a permanently lower economic trajectory. 

Évaluation du risque économique.

  • Nous disons depuis longtemps que les répercussions économiques dépendront de quatre facteurs :
  1. L’ampleur – la taille des droits de douane;
  2. L’étendue – la quantité de biens qui seront assujettis à des droits de douane;
  3. Les mesures de rétorsion – les représailles des partenaires commerciaux, lesquelles seront aussi déterminées par les deux premiers facteurs;
  4. La durée – la durée pendant laquelle les droits de douane demeureront en place.
  • Pour le Canada et les États-Unis, nous avons maintenant une idée claire des trois premiers facteurs.
  • Malheureusement, la durée est la variable la plus difficile à prévoir et est la plus importante des quatre mesures pour déterminer la trajectoire économique et financière des deux côtés de la frontière.
  • Dans l’état actuel des choses, il n’y a pas de délai défini pour que les droits de douane soient levés, et diverses déclarations du président Trump laissent croire que ce dernier est peu ouvert à des pourparlers en vue de désamorcer la situation, bien qu’il s’agisse d’une tactique de négociation en soi.
  • Nous prévoyons une forte réaction négative du huard et des marchés boursiers nord-américains lundi. Nous ne serions pas surpris que le dollar canadien avoisine au moins les 65 cents américains dans un laps de temps relativement court, et sa valeur risque de baisser davantage si la « durée » des droits de douane augmente.
  • De même, l’inflation devrait augmenter dans les deux pays. Les coûts des véhicules sont particulièrement sensibles à ce contexte en raison des interconnexions au sein de la chaîne d’approvisionnement. Pour en savoir davantage, consultez ce lien.
  • Il est encore trop tôt pour prévoir la réponse de la banque centrale. La Banque du Canada a fait couler beaucoup d’encre dans son Rapport sur la politique monétaire pour évaluer l’impact des droits de douane américains et n’a pas fourni d’opinion concluante quant à savoir si les taux d’intérêt diminueraient (ou augmenteraient ou resteraient à leur niveau actuel). Elle surveillera de près la vitesse à laquelle l’inflation sera touchée, ainsi que les attentes d’inflation et la détérioration relative de l’économie. Les facteurs qui se démarqueront le plus influeront sur la politique monétaire.
  • Pour ce qui est de l’économie américaine, les droits de douane feront grimper les coûts des produits importés d’environ 40 % dans trois grandes régions économiques, ce qui représente environ 5 % du produit intérieur brut (PIB). Six mois de tarifs douaniers à ce niveau pourraient paralyser l’économie. Pour mettre les choses en perspective, les droits de douane plus élevés qu’a imposés M. Trump à la Chine lors de son premier mandat ont touché des importations totalisant environ 360 milliards de dollars. Aujourd’hui, les importations visées par les tarifs douaniers accrus dépassent les 1 300 milliards de dollars.
  • Pour l’économie canadienne, la situation est pire. Nos calculs montrent que si ces droits de douane sont maintenus pendant cinq à six mois, ils plongeront officiellement l’économie nationale dans une récession, laquelle sera toutefois relativement modeste à ce moment-là. Une durée plus longue accentuerait naturellement la contraction de l’économie. De même, le taux de chômage dépasserait le seuil de 7 % au cours de cette période de six mois, alors qu’on l’estimait plutôt à 6,4 % dans notre scénario de base de la mi-décembre.
  • Toutefois, ces estimations ne tiennent pas compte de la probabilité élevée que les gouvernements atténuent les répercussions économiques au moyen de mesures de soutien financier destinées aux ménages et aux entreprises. Nous croyons que le bilan des ménages sera beaucoup plus sain qu’au cours d’une période de récession typique.
  • Les gouvernements de toutes les allégeances politiques au Canada discutent d’importantes mesures de soutien financier pour les ménages et les entreprises. Nous ne serions pas surpris que les gouvernements provinciaux et fédéral revoient les programmes mis en place lors de la pandémie, comme les subventions salariales, l’assurance-emploi élargie ou les programmes de travail partagé.
  • Dans la situation actuelle au niveau fédéral, il faudrait que le premier ministre Trudeau demande l’approbation de la gouverneure générale pour convoquer la Chambre des communes afin de déposer un projet de loi aux fins de vote. De même, le gouvernement libéral aura besoin de l’appui d’un autre parti politique, et cela semble faisable compte tenu du récent discours du Nouveau Parti démocratique (NPD).
  • En même temps, plus les mesures de soutien au revenu protégeront les Canadiens, plus grande sera la possibilité que les pressions inflationnistes liées aux droits de douane persistent. C’est parce que cela pourrait limiter un rajustement de la demande intérieure, un scénario qui n’est pas sans rappeler celui observé durant la pandémie. Toutefois, les similitudes avec la pandémie sont limitées. La pandémie était une situation extrême exacerbée par les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale de tous les produits et tous les pays. Cette fois-ci, les Canadiens ont la possibilité de remplacer les produits américains par des produits non américains. Il est important que les gouvernements en tiennent compte lorsqu’ils décident de l’ampleur des mesures de soutien budgétaire, car des conséquences imprévues peuvent survenir. De même, il faudrait tenir compte d’autres politiques qui sont directement favorables aux entreprises dans leur ensemble au Canada, comme le financement et les incitatifs à l’investissement, tels que les crédits d’impôt à l’investissement pour toutes les entreprises, la baisse des taux d’imposition des sociétés, etc.
  • Peu importe le ou les programmes choisis, les revenus perçus par le gouvernement canadien au moyen des droits de douane de rétorsion constitueraient un moyen financier permettant de compenser partiellement l’obligation financière que représenteraient ces programmes.  Or, ce ce moyen financier n’existait pas non plus au cours des périodes précédentes.
  • L’intention qui se cache derrière les droits de douane de M. Trump est importante. S’il s’agit d’une tactique de négociation pour inciter le Canada et le Mexique à prendre des mesures accrues en matière de sécurité à la frontière, il est plus probable que le gouvernement canadien raccourcisse la durée des tarifs douaniers. L’impasse avec la Colombie la semaine dernière en est un exemple. Les droits de douane et les sanctions ont été évités lorsque le pays a convenu d’accepter des personnes expulsées des États-Unis. Cette querelle n’a duré qu’une journée.
  • Bien sûr, la situation du Canada est plus complexe, le président Trump invoquant de nombreux facteurs liés aux problèmes frontaliers, à la production de drogues illicites et aux déficits commerciaux.
  • La complexité des négociations donne à penser que les tarifs douaniers pourraient être en place pendant un certain temps, même si la conclusion d’un accord permettrait de réduire l’ampleur des droits de douane ou le nombre de produits visés.
  • Un exemple d’une durée plus prolongée s’est produit en 2018, lorsque M. Trump a imposé des droits de 25 % sur l’acier canadien et de 10 % sur l’aluminium. Ces droits de douane sont demeurés en vigueur pendant un an, ce qui a entraîné une baisse de près de 40 % des exportations canadiennes d’acier et de près de 20 % des exportations d’aluminium.
  • Il ne faut pas oublier de considérer la situation dans son ensemble, alors que l’administration américaine occupe le devant de la scène. En fin de compte, le Canada doit prévenir les futures attaques économiques, car il y a eu un changement d’orientation généralisé davantage axé sur le protectionnisme dans la politique américaine, quelle que soit l’affiliation politique. 

Reprendre le contrôle grâce à une vision, une crédibilité et une résilience économique

  • Les gouvernements doivent mettre en œuvre des politiques qui : 1) sont fondées sur une vision à long terme; 2) sont crédibles; et 3) créent une résilience sur le plan économique. Il s’agit du seul facteur sur lequel le Canada a le contrôle. Chaque dollar sacrifié dans un budget doit entraîner des retombées selon un coefficient de multiplication élevé ainsi que contribuer à l’atteinte de ces trois objectifs.
  • Les Canadiens connaissent trop bien le retard qu’accuse le pays sur le plan économique à l’échelle mondiale ainsi que sa faible productivité et le dynamisme réduit des entreprises.
  • Pour reprendre le contrôle, le Canada doit tenir compte de ce qui suit :
    • une concurrence importante sur le plan fiscal;
    • une déstratification verticale et horizontale immédiate de la réglementation (c.-à-d. entre les provinces et au sein des secteurs où la réglementation freine l’innovation et l’adoption des technologies tout en augmentant les coûts des entreprises). Il ne devrait pas y avoir de vaches sacrées;
    • une exploitation responsable de l’énergie et des minéraux essentiels dans des délais raisonnables sur le plan économique pour attirer des investissements et favoriser le développement;
    • en même temps, il faut maintenir la chaîne d’approvisionnement à valeur ajoutée complète de ces ressources (de l’exploitation minière à la transformation en passant par l’expédition) plutôt que d’exporter cette valeur, ce savoir et cette technologie dans d’autres pays.
  • La question existentielle pour le Canada : Qu’est-ce qui constitue une véritable une destination de choix pour les entreprises, pour la main-d’œuvre à valeur élevée et pour le financement étranger? La solution ne réside pas dans la prise de mesures temporaires pour remédier à une guerre commerciale avec les États-Unis.

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