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Faits saillants
- Le Canada est le plus important marché d’exportation des États-Unis et constitue l’un des plus petits déficits commerciaux, en raison surtout de la demande américaine de produits liés à l’énergie.
- Le commerce dans le secteur de l’automobile est équilibré entre les deux pays. Même si le président Trump pense que les États-Unis pourraient remplacer les exportations canadiennes d’automobiles par leur propre approvisionnement intérieur, la forte intégration des chaînes d’approvisionnement nord-américaines complique grandement les choses.
- Pour renverser la vapeur, le secteur canadien de la fabrication automobile pourrait prendre de l’expansion. Le Canada ne produit que 14 modèles d’automobiles, mais le marché canadien en compte 325. Les États-Unis produisent 121 modèles sur les 328 modèles utilisés par les Américains.
- Pour ce qui est de l’affirmation de Trump selon laquelle les États-Unis versent au Canada des subventions de l’ordre de 200 milliards de dollars américains par année, il n’est pas clair d’où provient ce chiffre. De toute façon, il ne s’agit pas d’une subvention, car le déficit commercial des États-Unis est le résultat de leur rendement économique supérieur par rapport à d’autres pays.
À l’heure où les Canadiens se préparent à une longue période de négociation d’accords dans le cadre de la stratégie tarifaire du président Trump, voici un aperçu des enjeux et des faits qui sous-tendent la rhétorique.
En plus des préoccupations liées à la sécurité des frontières, Trump a soutenu que les États-Unis ne pouvaient plus subir les énormes déficits commerciaux dont le Canada a besoin pour rester à flot, alléguant que les États-Unis subventionnaient le Canada à hauteur de 200 milliards de dollars américains par année. Jusqu’à quel point le déficit est-il énorme et cet argument de subvention est-il bien fondé?
Le Canada est le deuxième partenaire commercial en importance des États-Unis, mais le premier marché d’exportation
Au cours des trois premiers trimestres de 2024, des marchandises d’une valeur approximative de 800 milliards de dollars canadiens (600 milliards de dollars américains) ont traversé la frontière entre le Canada et les États-Unis. Si l’on inclut le commerce des services, le total est porté à 910 milliards de dollars canadiens (683 milliards de dollars américains).
- Cela équivaut à des importations et des exportations totales de 3,6 milliards de dollars canadiens chaque jour.
- Seul le Mexique surpasse le Canada (graphique 1).
- Mais pour ce qui est du pays qui achète le plus de produits américains, le Canada est de loin le plus important marché; près de 350 milliards de dollars américains de produits et services ont traversé la frontière canadienne au cours des trois premiers trimestres de 2024. (Graphique 2) Trente-quatre États américains vendent plus de produits au Canada que toute autre économie étrangère.
- Les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada sont fortement intégrés. La plupart des exportations canadiennes sont des intrants utilisés par des entreprises américaines dans leur propre production, plus que dans le cas d’autres partenaires commerciaux1. Par conséquent, une part plus qu’importante des répercussions tarifaires négatives sur les importations en provenance du Canada serait attribuable aux chaînes d’approvisionnement et à la productivité des entreprises, ce qui entraînerait une hausse des coûts et des pressions inflationnistes au niveau du commerce de détail.
Dans une perspective américaine, les échanges commerciaux avec le Canada sont équilibrés
- D’après les données de Statistique Canada, l’excédent commercial du Canada avec les États-Unis était en voie d’atteindre 100 milliards de dollars canadiens en 2024, ce qui représente 3,2 % du PIB canadien.
- Toutefois, les États-Unis jouissent d’un avantage sur le marché des services, principalement parce que les Canadiens traversent la frontière américaine. Cet effet réduit l’excédent commercial à 85 milliards de dollars canadiens, soit 2,8 % du PIB canadien (graphique 3).
- Si l’on examine la situation commerciale du point de vue des États-Unis, on obtient des résultats plus modestes, en partie en raison de différentes mesures des données. Selon les données du Census Bureau, les États-Unis devraient enregistrer un déficit commercial d’environ 45 milliards de dollars américains avec le Canada en 2024 (soit à peine -0,2 % du PIB américain). En dollars canadiens, au taux au comptant, cela représenterait 65 milliards de dollars.
Depuis Trump 1.0, la position commerciale des États-Unis s’est érodée par rapport au Canada
- Le déficit commercial des États-Unis avec le Canada s’est détérioré depuis le premier mandat de Trump, un fait que le président, qui menace d’utiliser les droits de douane comme principal outil de politique internationale, prend probablement en compte.
- En effet, entre 2016 et 2020, les États-Unis ont enregistré un modeste excédent annuel moyen avec le Canada d’environ 20 milliards de dollars américains.
- Cet affaiblissement de la position des États-Unis à l’égard du Canada s’explique en partie par la performance supérieure de l’économie américaine depuis la pandémie et par l’augmentation importante des exportations d’énergie canadiennes vers le sud.
- Malgré cette perte de terrain, le déficit commercial des États-Unis avec le Canada demeure inférieur à son record de près de 75 milliards de dollars américains en 2005 (graphique 4).
Le déficit commercial des États-Unis avec le Canada se classe à l’avant-dernier rang parmi les partenaires commerciaux
- Le graphique 5 compare le Canada à d’autres grands pays.
- Le manque à gagner d’environ 45 milliards de dollars américains avec le Canada en 2024 le place à l’avant-dernier rang, avant la France seulement. Ce montant ne représente que 4 % du déficit commercial global des États-Unis. Par conséquent, une réduction des importations canadiennes ne changerait pas vraiment les choses.
- Le déficit commercial des États-Unis avec le Canada correspondait à 1/8 du déficit avec la Chine et à 1/5 du déficit avec le Mexique.
Les États-Unis enregistrent un excédent commercial avec le Canada dans le secteur de l’automobile
- Un fait qui n’est pas bien connu : les États-Unis sont un exportateur net de produits manufacturiers au Canada, en particulier de véhicules et de pièces automobiles.
- Le secteur de l’automobile est l’exemple parfait du commerce intégré entre les deux pays, ainsi que le Mexique. Les pièces d’automobiles nord-américaines traversent les trois frontières jusqu’à sept à huit fois avant l’assemblage final d’un véhicule2.
- Pour ce qui est de l’assemblage final, le Canada fournit environ 8 % à 9 % de ce que les Américains consomment chaque année, tandis que le Mexique en fournit près de 20 %, la production américaine satisfaisant à environ 50 % des besoins.
- Compte tenu de cette forte intégration, le secteur de l’automobile serait confronté à certains des effets négatifs les plus importants des tarifs douaniers.
- Selon certaines estimations, le prix moyen des voitures sur le marché du commerce de détail aux États-Unis pourrait augmenter d’environ 3 000 $, mais cela dépendrait des mesures de rétorsion prises par les deux partenaires commerciaux. En cas de mesures musclées, de graves perturbations commerciales et d’importantes conséquences économiques se produiraient, ce qui entraînerait un effondrement de la demande dans les trois pays.
Les États-Unis pourraient-ils remplacer l’offre d’automobiles au Canada en augmentant la production intérieure?
- Le président élu a récemment dit ceci : « Le Canada fabrique 20 % de nos voitures. Ce n’est pas ce qu’on veut. Je préfère les construire à Détroit. »
- La part des véhicules vendus aux États-Unis qui sont produits au Canada est gonflée d’environ 10 points de pourcentage. Les États-Unis pourraient envisager de transférer cette partie de la production du côté des États, mais cela poserait d’importants défis à court et à moyen terme pour remplacer des exportations annuelles canadiennes d’environ 1,5 million d’unités.
- Pour combler cet écart, les États-Unis devraient augmenter leur production de plus de 10 % par rapport au niveau actuel. Compte tenu de la capacité de production moyenne de 225 000 unités des usines de montage existantes, environ six nouvelles usines seraient nécessaires. La pleine délocalisation de toute la production hors États-Unis nécessiterait une hausse de 75 % de la production américaine et de nouveaux investissements de plus de 50 milliards de dollars.
Cela ne tient pas compte de la délocalisation ou l’accroissement de la production de pièces pour l’assemblage de ces véhicules. Sinon, les États-Unis augmenteraient leur dépendance à l’égard des importations de pièces.
- Cela se traduirait par des prix très élevés du côté des producteurs américains, surtout dans le cas d’une délocalisation complète.
- L’autre défi concerne le choix de véhicules pour les consommateurs américains. Stimuler les volumes de production est une chose. Offrir la diversité du choix de véhicules en est une autre. Aux États-Unis, 328 modèles de véhicules différents ont été vendus l’an dernier, mais seulement 121 d’entre eux y ont été produits.
- Et si nous remaniions l’argument du président élu? La production délocalisée au Canada pourrait-elle répondre à leurs besoins intérieurs et stimuler le secteur manufacturier?
- Elle favoriserait encore plus la réorientation des usines, les chaînes d’approvisionnement et les choix des utilisateurs. À l’heure actuelle, le Canada ne produit que 14 modèles d’automobiles, et le marché canadien en compte 325 (graphique 6). En l’absence d’un changement radical dans les méthodes de production en vue d’instaurer des processus efficaces, diversifiés et à faible volume, le Canada devrait probablement consommer beaucoup moins de sortes de véhicules et produire tous ses véhicules.
L’énergie est à l’origine de tout le déficit commercial des États-Unis avec le Canada
- Le portrait du commerce change radicalement lorsque les flux commerciaux sont décomposés en composantes énergétiques et non énergétiques.
- L’an dernier, les exportations canadiennes de produits d’énergie (pétrole, gaz naturel et électricité) vers les États-Unis ont totalisé près de 170 milliards de dollars ou près du tiers des expéditions totales. Par contre, l’énergie ne représentait que 6 % de toutes les importations américaines. En d’autres termes, les sources canadiennes sont essentielles à la sécurité énergétique des États-Unis.
- Si l’on élimine les exportations d’énergie canadiennes de l’équation, le portrait commercial s’inverse. Abstraction faite de l’énergie, les États-Unis affichent un excédent commercial d’environ 60 milliards de dollars canadiens (45 milliards de dollars américains) avec le Canada. (Graphique 7)
- L’avantage commercial du Canada dans le secteur de l’énergie a augmenté de façon constante au cours des dernières années, plus récemment grâce au prolongement de l’oléoduc Transmountain (TMX), qui a fortement stimulé les exportations de pétrole canadien vers la côte ouest des États-Unis, en plus des marchés asiatiques.
- Le pétrole brut canadien est un important fournisseur des usines de raffinage aux États-Unis, principalement dans le centre-ouest, et sa part sur la côte du golfe du Mexique ne cesse de croître. Comme de nombreuses raffineries ont été construites pour traiter le pétrole brut lourd canadien, il est difficile de délaisser cette matière première pour d’autres sources. Cela est vrai même pour la réserve stratégique de pétrole des États-Unis, qui est principalement composée de pétrole brut ordinaire. Les pays qui pourraient combler le manque sont le Mexique et le Venezuela, mais il faudrait que les sanctions visant ce dernier pays soient levées. Étant donné que le Mexique a le deuxième excédent commercial le plus important avec les États-Unis, ce changement dans la demande élargirait davantage ce gouffre, ce qui pourrait lui permettre de prendre le premier rang devant la Chine.
- Si les droits de douane étaient étendus au pétrole brut canadien, les prix de l’essence aux États-Unis pourraient immédiatement grimper de 0,30 $ à 0,70 $ le gallon. La fluctuation des prix de l’essence est l’un des facteurs les plus transparents et les plus sensibles à l’inflation pour les consommateurs.
- Ailleurs, l’Ontario a aussi fourni directement de l’électricité à 1,5 million de foyers américains en 2023 et est un important exportateur d’électricité au Michigan, au Minnesota et dans l’État de New York.
Le Canada est un important fournisseur de minéraux critiques
- Outre l’énergie, le Canada est aussi un important fournisseur d’autres matières premières essentielles, dont les métaux et les minéraux critiques. Notamment, les États-Unis sont un importateur net de 43 des minéraux qui figurent sur la liste des 50 minéraux critiques du gouvernement américain.
- Même si la Chine domine la production mondiale de plus de la moitié des minéraux critiques inscrits sur la liste du gouvernement américain, le Canada comble de 50 % à 80 % de leurs besoins en zinc, en tellure, en nickel et en vanadium (graphique 8).
- Mis à part cela, le Canada dispose d’abondantes réserves de cobalt, de graphite, de lithium et de matériaux des terres rares, qui sont essentielles à l’atteinte des objectifs pour les technologies d’énergie propre.
Qu’en est-il de l’affirmation de Trump selon laquelle les États-Unis versent 200 milliards de dollars américains en subventions au Canada?
- On ne sait pas trop où le président Trump et son équipe ont pris ce chiffre. Lors d’une récente conférence de presse, il y a fait allusion en discutant du déficit commercial des États-Unis avec le Canada, qu’il a qualifié d’énorme. Or, il correspond à environ quatre à cinq fois la statistique officiellement publiée.
- De toute façon, un déficit commercial n’est pas une subvention. Ce serait le cas si, par exemple, le gouvernement américain transférait 45 milliards de dollars américains par année à des sociétés canadiennes par bienveillance, mais les Américains reçoivent de la valeur pour les dollars qu’ils dépensent en produits et services. Le déficit commercial avec le Canada reflète le rendement économique supérieur des États-Unis et les dépenses supérieures à la moyenne des Américains, qui alimentent la demande pour les produits énergétiques.
- De plus, le statut de monnaie de réserve du billet vert crée également une demande massive pour les actifs financiers américains, ce qui permet aux États-Unis de financer leur consommation mondiale à un coût moindre.
- Le président Trump pourrait très bien tenir compte d’autres coûts engagés par les États-Unis.
- Par exemple, les dépenses nécessaires pour que les dépenses du Canada en matière de défense atteignent 3 % du PIB, selon l’objectif de Trump, s’élèvent à environ 45 milliards de dollars américains.
- Toutefois, si l’on tient compte du déficit commercial et de l’insuffisance des dépenses militaires du Canada, l’estimation de 200 milliards de dollars est encore loin d’être atteinte.
- Par ailleurs, les avantages nets que les États-Unis retirent de la position du Canada en tant que fournisseur fiable d’énergie et d’autres produits utilisés à des fins de consommation intérieure et d’investissement rentable sont souvent négligés1.
Conclusion
Certains points de données du présent rapport pourraient surprendre les lecteurs. La plus grande partie du déficit commercial des États-Unis avec le Canada est attribuable à l’énergie. Mis à part cela, la balance penche en faveur des États-Unis. Même ces données ne seront pas suffisantes pour résister aux attaques commerciales qui déborderont le cadre du présent épisode. Au milieu de 2026, l’ACEUM fera l’objet d’un examen. Indépendamment des ententes qui seront conclues entre les pays, la leçon à tirer au Canada est qu’il n’y a aucune garantie contre de futures attaques tarifaires.
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