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Copropriétés de la RGT : l’offre excédentaire freine la croissance des prix  

Rishi Sondhi, économiste | 416-983-8806

date publiée: 5 septembre, 2024

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Faits saillants

  • Malgré la forte baisse des taux obligataires ces derniers mois, les ventes de propriétés dans la région du Grand Toronto (RGT) demeurent plutôt faibles. Toutefois, ce n’est sans doute plus qu’une question de temps avant que les ventes s’intensifient, notamment sur le marché de la revente de copropriétés.
  • Dans la RGT, comme l’offre sur le marché de la revente de copropriétés est très forte et que la reprise des ventes à laquelle on s’attend devrait être graduelle, il faudra du temps pour parvenir à un équilibre entre l’offre et la demande. Les prix des copropriétés, qui ont déjà diminué d’environ 5 % depuis le troisième trimestre de 2023, pourraient enregistrer une autre baisse de l’ordre de 5 % à 10 % d’ici au début de l’année prochaine.
  • Les perspectives à court terme entourant les prix des copropriétés comportent leur lot de risques, de part et d’autre. Du côté des risques baissiers, la vague de copropriétés qui devraient être achevées sous peu continuera d’alimenter l’offre. Du côté des risques haussiers, les ventes de copropriétés pourraient réagir plus fortement que prévu à la baisse des taux d’intérêt, ou les investisseurs pourraient retirer leurs propriétés du marché, ce qui entraînerait un resserrement des conditions plus rapide que prévu.

Pour la Banque du Canada, l’heure est officiellement à la réduction des taux d’intérêt. D’après nos prévisions, il devrait y avoir deux autres baisses cette année, et le taux du financement à un jour devrait se stabiliser à hauteur de 2,5 % à la fin de 2025. Parallèlement, la Réserve fédérale américaine est bien partie pour s’engager sur cette même voie ce mois-ci et devrait opérer trois réductions au total en 2024. Au Canada, le taux obligataire à cinq ans a chuté d’environ 90 points de base depuis début mai, et d’autres baisses sont à prévoir.

Dans la RGT, les ventes de propriétés demeurent modérées depuis que la Banque du Canada s’est mise à réduire les taux d’intérêt, en juin dernier. Elles devraient toutefois s’intensifier à mesure que la forte baisse des taux obligataires sera plus pleinement reflétée dans les taux hypothécaires. Malgré tout, même si la croissance des ventes s’accélère dans les mois qui viennent, celle du prix de revente moyen dans la RGT sera probablement largement à la traîne. Cette situation est en partie attribuable au manque d’abordabilité historiquement caractéristique du marché de Toronto, qui entrave sa capacité à absorber une envolée rapide et soutenue des prix.

Il existe néanmoins une autre raison majeure : l’offre excédentaire de copropriétés sur le marché de la revente de la RGT. Ce facteur devrait continuer d’exercer une pression à la baisse sur la valeur des copropriétés dans les mois qui viennent, même si les prix de référence ont déjà diminué de 5 % entre le troisième trimestre de 2023 et le deuxième trimestre de 2024 (graphique 1). Pour mettre les choses en contexte, au deuxième trimestre, le rapport ventes-inscriptions actives (qui mesure l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du logement) du marché des copropriétés de la RGT était 60 % en dessous de sa moyenne à long terme. Autrement dit, l’offre était trop grande pour la demande. Cette situation tient en partie au fait que les inscriptions de copropriétés ont augmenté en flèche pendant une année entière, pour atteindre des chiffres 30 % plus élevés que ce qui est généralement observé, en tenant compte de la croissance de la population et de l’emploi (graphique 2).

Le graphique 1 montre le nombre d’inscriptions actives de copropriétés sur le marché de la revente dans la région du Grand Toronto du premier trimestre de 2000 au deuxième trimestre de 2024, pour 1 000 travailleurs. Au deuxième trimestre de 2024, il y avait 2 100 unités (données désaisonnalisées) en vente pour 1 000 travailleurs, contre 1 800 au premier trimestre de 2024, et 1 600 au quatrième trimestre de 2023. Le nombre d’inscriptions par travailleur le plus élevé est observé au deuxième trimestre de 2024 (à égalité avec plusieurs autres trimestres), tandis que le nombre le plus bas (800 unités) est observé au quatrième trimestre de 2021. La moyenne de l’échantillon est de 1 600. Le graphique 2 montre la variation trimestrielle (en pourcentage) des prix de référence des copropriétés dans la région du Grand Toronto du premier trimestre de 2019 au deuxième trimestre de 2024. Les prix de référence ont diminué de 0,5 % au deuxième trimestre de 2024, tandis qu’ils avaient diminué de 2,5 % au premier trimestre de 2024, et de 2,4 % au premier trimestre de 2024.  Le maximum de l’échantillon est une hausse de 10,5 % observée au quatrième trimestre de 2021, et le minimum de l’échantillon, une baisse de 4,4 % observée au troisième trimestre de 2022. La moyenne de l’échantillon est de 1,5 %.

Pourquoi le marché de la revente de copropriétés a-t-il été autant alimenté en nouvelles inscriptions? En partie parce que les ventes ne parviennent pas à compenser l’offre suffisamment vite. En effet, en juillet, les reventes de copropriétés dans la RGT étaient environ 25 % inférieures aux chiffres d’avant la pandémie (graphique 3). En parallèle, une vague de nouvelles constructions vient d’affluer sur le marché (graphique 4), et les taux d’intérêt élevés empêchent certains acheteurs potentiels d’obtenir leur prêt hypothécaire. Les investisseurs, de toute évidence, cherchent eux aussi à vendre leurs propriétés, comme une partie d’entre eux ont un flux de trésorerie négatif et que les loyers sont en baisse dans la RGT1. Qui plus est, les politiques du gouvernement fédéral visant à freiner la croissance démographique (et donc la croissance des loyers) pourraient effrayer les investisseurs potentiels. Enfin, en raison des taux d’intérêt relativement élevés, l’écart entre le taux de rendement (ou « taux de capitalisation ») d’une copropriété dans la RGT et une obligation d’État « sans risque » s’est rétréci. Il est possible que ce facteur ait rendu moins attrayante la conservation d’une copropriété à titre d’investissement, même si la récente baisse des taux obligataires pourrait contribuer à recreuser l’écart. 

Le graphique 3 montre le nombre de copropriétés revendues dans la région du Grand Toronto de janvier 2019 à juillet 2024. En juillet 2024, 1 501 unités (données désaisonnalisées) ont été vendues dans la région, contre 1 400 en mai. Le maximum de l’échantillon est 3 500 en janvier 2021, et le minium de l’échantillon est 570 en avril 2020. La moyenne de l’échantillon est de 2 000 unités. Le graphique 4 montre le total cumulé de copropriétés construites dans la région du Grand Toronto chaque année de 2016 à 2024. En 2024, 19 100 unités ont été achevées, contre 12 100 en 2023 et 9 800 en 2022. Le maximum de l’échantillon est observé en 2024, et le minimum de l’échantillon (8 100 unités) est observé en 2019. La moyenne de l’échantillon est de 11 600 unités.

Perspectives

Le graphique 5 montre le nombre de copropriétés revendues dans la région du Grand Toronto du premier trimestre de 2019 au quatrième trimestre de 2025. Au deuxième trimestre de 2024, 4 800 unités ont été vendues, contre 4 500 au premier trimestre de 2024. Au troisième trimestre de 2024, nous prévoyons qu’environ 4 600 unités seront vendues, et au quatrième trimestre de 2024, environ 4 900. Au quatrième trimestre de 2025, nous prévoyons que 6 200 unités seront vendues.

Quelle pourrait être la situation future du marché des copropriétés? Nous estimons que les ventes de copropriétés augmenteront au cours de la prochaine année, puisque la chute des taux obligataires entraînera une baisse des taux hypothécaires, ce qui contribuera à libérer la demande accumulée, qui est vraisemblablement considérable. De nombreux premiers acheteurs reçoivent aussi une aide financière (de plus en plus grande) pour leur mise de fonds, ce qui compense en partie le manque d’abordabilité. Ainsi, les premiers acheteurs pourraient faire grimper la demande au cours des prochains trimestres, même si la baisse des coûts d’emprunt et le redressement général de l’activité pourraient aussi motiver les investisseurs.

Cela étant dit, les taux d’intérêt resteront sans doute relativement élevés jusqu’en 2025, et l’abordabilité sera limitée. En outre, le marché de l’emploi traverse un passage à vide, et la croissance du revenu des ménages va probablement ralentir. Ces facteurs devraient limiter le redressement de l’activité, et donc se traduire par une reprise graduelle des ventes. Il se peut même qu’il faille attendre jusqu’à l’année prochaine pour que les ventes retrouvent leur niveau d’avant la pandémie (graphique 5).

Parallèlement, l’offre de copropriétés est très élevée. Et comme les ventes peinent à décoller, il faudra sans doute plusieurs mois avant que l’offre accumulée soit absorbée, moyennant possiblement des concessions supplémentaires sur les prix. À vrai dire, les prix de référence des copropriétés pourraient connaître une baisse de l’ordre de 5 % à 10 % entre le deuxième trimestre de 2024 et le début de l’année prochaine, après quoi ils seront limités à une augmentation inférieure à la moyenne en raison du contexte d’abordabilité difficile.

Cette projection suppose une contraction des prix pendant cinq trimestres consécutifs, soit la plus longue depuis 2000. Il s’agirait aussi de l’une des baisses de prix les plus marquées depuis plus de 20 ans, qui pourrait aller jusqu’à dépasser la chute observée du milieu de 2022 au début de 2023 (quand la Banque du Canada augmentait fortement les taux d’intérêt) et le recul qui s’est produit pendant la crise financière mondiale. Le contexte est toutefois important ici, car même avec une baisse de cette ampleur, les prix des copropriétés resteraient environ 20 % au-dessus des chiffres d’avant la pandémie.

Ces perspectives comportent leur lot de risques, de part et d’autre. Du côté des risques baissiers, le marché de l’emploi pourrait être moins vigoureux que prévu. Par ailleurs, le nombre presque inédit de copropriétés en chantier dans la RGT exercera une pression à la hausse sur l’offre au terme de leur construction, ce qui pourrait entraîner un recul des prix plus fort que prévu au cours des prochains mois.

Du côté des risques haussiers, il est possible que les vendeurs se lassent du contexte en berne et désinscrivent leurs propriétés, ce qui se traduirait par un resserrement des marchés plus rapide que prévu. Notons que nous n’observons pas encore cette dynamique sur le marché, qui est plutôt maussade. Dans nos précédents rapports, nous avons parlé du phénomène de « ressort enroulé » qui touche les marchés du logement au Canada. Même si les effets des dernières baisses ne se font pas encore sentir, les marchés sont généralement très réactifs aux fluctuations des taux d’intérêt. Par exemple, les ventes de propriétés canadiennes ont bondi au printemps 2023 – lorsque la Banque du Canada a interrompu temporairement ses hausses des taux d’intérêt de la part de la Banque du Canada –, ainsi qu’en début d’année dans la foulée de la chute abrupte des taux obligataires. Les marchés pourraient donc réagir à la baisse des taux d’intérêt plus fortement que ce que nous avons prévu.

Il est aussi possible qu’il y ait une baisse des prix non linéaire au cours des prochains mois, c’est-à-dire une baisse générale entrecoupée de hausses. Cette situation semble s’être produite entre le deuxième trimestre de 2022 et le deuxième trimestre de 2024, où deux trimestres de hausses se sont intercalés entre plusieurs baisses.
En résumé, la valeur des copropriétés continuera vraisemblablement à diminuer, si bien que la croissance des prix sera inférieure à la normale à Toronto et (par extension) en Ontario au cours de la prochaine année. Résultat : le prix moyen des propriétés enregistrera une hausse inférieure à la moyenne en 2024 et en 2025. Ces précisions comportent toutefois leur lot de risques, de part et d’autre.

Notes

  1. Condo Market Report – 2024 Q2, Toronto Regional Real Estate Board, 26 juillet 2024, https://trreb.ca/wp-content/files/market-stats/condo-reports/condo_report_Q2-2024.pdf
     

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