Faits saillants
- Les dépenses de consommation au Canada ont été remarquablement robustes, malgré un piètre premier trimestre de 2025. Cette robustesse est principalement attribuable à la baisse des taux d’intérêt qui a incité les ménages à dépenser plutôt qu’à épargner, même si la vigueur du marché de l’emploi et du secteur de l’habitation demeure modérée.
- La croissance des dépenses des ménages devrait être inférieure à la tendance compte tenu de l’affaiblissement de la croissance du revenu et du marché de l’emploi, principalement en raison des baisses soutenues du taux d’épargne.
- Une reprise plus vigoureuse du marché du logement ou une croissance de la dette plus élevée que prévu présentent des facteurs de risque à la hausse pour les prévisions.
La résurgence de la consommation au Canada a fait la une des journaux. La forte croissance des dépenses malgré les défis importants a soulevé des questions quant aux causes de cette hausse surprise et à sa durabilité. Notre réponse est simple : la politique monétaire. La baisse des taux d’intérêt a incité les ménages à dépenser plutôt qu’à économiser, ce qui a aidé à protéger l’économie face au ralentissement du marché de l’emploi et à l’affaiblissement du marché du logement. Concrètement, la baisse des taux devrait entraîner une légère diminution du taux d’épargne, ce qui fait baisser les dépenses de consommation à mesure que le taux de chômage augmente.
En contexte, les dépenses ont atteint une belle augmentation de 4,8 % (taux annualisé) pour les six derniers mois de 2024, alors que l’effet cumulatif des réductions de taux de la Banque du Canada totalisant 125 points de base depuis juin 2024 a laissé sa marque sur l’économie. Cette tendance positive a sans surprise été freinée par les menaces de droits de douane des États-Unis au début de l’année, qui ont démoli la confiance des consommateurs. Toutefois, cette situation s’est avérée relativement éphémère, puisque les dépenses ont bondi de 4,5 % au deuxième trimestre. Alors, que s’est-il passé en coulisse?
Eh bien, le taux d’épargne par ménage a diminué de 2,2 points de pourcentage depuis le troisième trimestre de 2024. Ce n’est pas un hasard si cette baisse a coïncidé avec la chute des taux d’intérêt (graphique 1). En 2022, lorsque la Banque du Canada a commencé à augmenter les taux d’intérêt, parallèlement à d’autres banques centrales à l’échelle mondiale, le coût de remboursement des obligations a bondi, portant le ratio d’amortissement de la dette des ménages canadiens à son sommet précédent de 15 % (graphique 2). Dans ce qui est devenu une tendance, les ménages ont modifié leur stratégie et ont suspendu leurs emprunts supplémentaires (graphique 3). En raison des coûts d’emprunt atteignant des sommets inégalés depuis plusieurs décennies, les emprunts des ménages ont considérablement ralenti, ce qui a fait diminuer le ratio de la dette au revenu de 13,5 points de pourcentage à la fin de 2024, qui passe ainsi à des niveaux jamais observés depuis une dizaine d’années.
Aujourd’hui, c’est l’inverse. La baisse des coûts d’emprunt signifie que les ménages endettés ont disposé de plus de revenus après le remboursement de leur dette, et les Canadiens ont réagi en dépensant cet argent. Cependant, cette fois, l’argent n’a pas été principalement investi dans le logement, mais plutôt dans une grande variété de biens et de services (graphique 4). Les dépenses liées au logement, et en particulier les loyers et les loyers imputés (la valeur trimestrielle du logement attribuée aux propriétaires), ont augmenté plus lentement qu’au cours des cycles précédents. Compte tenu de la faible croissance démographique, cela n’a rien de surprenant. Ce qui l’est par contre, c’est la vigueur d’à peu près toutes les autres catégories de consommation. On a enregistré des dépenses au Canada dans quasiment toutes les catégories de consommation, bien au-delà de ce à quoi on s’attendrait dans un contexte de faiblesse du marché de l’emploi et de pessimisme.
En fait, nous nous attendons pour plusieurs raisons à ce que la consommation continue de surpasser la faiblesse du marché de l’emploi. Tout d’abord, les dépenses des Canadiens à l’étranger ont chuté à un niveau sans précédent depuis 2010. En fait, les 2,3 millions de voyages aller-retour aux États-Unis (désaisonnalisés) enregistrés en juillet correspondent au total le plus faible (sauf pendant les confinements liés à la pandémie) depuis au moins le début des années 1970 (graphique 5). De plus, le nombre de voyages aller-retour aux États-Unis a diminué de 1,2 million en glissement annuel en juillet (-32,4 %); la hausse de 80 000 du nombre de voyages aller-retour dans d’autres pays ne compense que partiellement cette diminution. Cela laisse entrevoir un changement structurel vers les dépenses liées au tourisme et aux services intérieurs. Le secteur du tourisme pourrait encore éprouver certaines difficultés étant donné que le nombre d’entrées au Canada en provenance des États-Unis a également diminué de 102 000 en juillet (-3,0 %). Cependant, cette diminution a quasiment été compensée en entier par l’augmentation du nombre d’entrées au Canada en provenance de l’étranger (hors États-Unis) de 93 000 (augmentation de 10,2 % en glissement annuel). Compte tenu du potentiel de hausse limité du dollar canadien par rapport à la plupart des devises étrangères, on s’attend à ce que la préférence des Canadiens pour les voyages au pays se poursuive, au bénéfice des entreprises canadiennes.
Ensuite, le marché du logement canadien a commencé à montrer un léger regain dernièrement. Les ventes ont augmenté au cours des cinq derniers mois. Dans l’ensemble, l’activité reste faible par rapport aux normes historiques, mais nous nous attendons à une reprise continue. À mesure que les achats augmentent, les dépenses de consommation suivront, non seulement en matière de logement, mais aussi de meubles, d’appareils électroménagers et d’autres articles ménagers liés à l’acquisition d’une propriété.
La politique monétaire a ses limites
Les effets positifs des réductions de taux tendent à compenser les difficultés économiques, mais celles-ci sont importantes. On s’attend à ce que le taux de chômage augmente, son seul frein étant le ralentissement de la croissance de la population. La brève remontée des ventes de véhicules au deuxième trimestre devrait se normaliser au troisième trimestre, entraînant ainsi une diminution des dépenses de biens. De plus, les taux d’emprunt à moyen et à long terme ne semblent pas près d’offrir davantage de répit. La bonne nouvelle est que d’autres baisses de taux de la Réserve fédérale américaine devraient également contribuer à diminuer le risque de hausse des taux en limitant les taux obligataires des États-Unis et internationaux au cours des prochains mois.
Le marché du logement, malgré ses récents sursauts, est toujours embourbé dans la surabondance de l’offre, et les prix de référence continuent de baisser. Une petite reprise au cours des prochains mois aiderait, mais nous ne prévoyons pas le retour d’une période d’expansion. D’autres rajustements de taux hypothécaires sont en cours, drainant ainsi certaines dépenses possibles, tandis que le taux des prêts en souffrance continue d’augmenter (graphique 6). La bonne nouvelle est que les simulations de crise semblent avoir fonctionné comme prévu pour prévenir une importante vague de défauts de paiement, et que les récents gains de revenus et de richesse ont donné aux emprunteurs une certaine latitude pour composer avec ces rajustements.
Au bout du compte, on s’attend à ce que la croissance des dépenses des ménages canadiens soit inférieure à la tendance de 1,3 % à 1,4 % pour la fin de 2025 et le début de 2026. La croissance du revenu devrait être modeste, du fait de l’affaiblissement du marché de l’emploi. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la croissance des dépenses de consommation se modère au cours des prochains trimestres, en raison du pessimisme économique et du ralentissement de la croissance du revenu. Ces données peignent donc un tableau annonçant une autre baisse du taux d’épargne. Bien sûr, le marché du logement et l’accumulation de la dette sont des facteurs de risque de hausse potentiels. Une reprise plus marquée du marché du logement ou une plus forte accélération de la croissance de la dette se profilent à l’horizon comme des risques de hausse.
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