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Le « jour de la libération » pour les États-Unis, synonyme d’instauration de droits de douane élevés à l’échelle mondiale 

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067
James Orlando, CFA, directeur et économiste principal | 416-413-3180
Thomas Feltmate, directeur et économiste principal | 416-944-5730
Andrew Hencic, économiste principal | 416-944-5307

date publiée: 2 avril, 2025

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Le « jour de la libération » pour les États-Unis, synonyme d’instauration de droits de douane élevés à l’échelle mondiale

  • Le gouvernement américain a annoncé aujourd’hui des droits de douane réciproques généraux ciblant tous ses partenaires commerciaux, et pas seulement les pays qui affichent d’importants excédents commerciaux avec les États-Unis. Les droits de douane seront mis en œuvre en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) de 1977.
  • En vertu de l’IEEPA, les États-Unis imposeront des droits de douane de 10 % à tous les pays à compter du 5 avril 2025. Le gouvernement a également imposé des taux tarifaires plus élevés aux pays avec lesquels les États-Unis enregistrent les déficits commerciaux les plus importants, qui entreront en vigueur le 9 avril. 
  • D’après l’annonce d’aujourd’hui, nous estimons que le taux effectif de droits de douane aux États-Unis passera à plus de 20 %, soit le niveau le plus élevé enregistré depuis les années 1940, et une augmentation plus importante que ce qui s’est produit lors de la promulgation de la loi Smoot-Hawley au début des années 1930. 
  • Le Canada est exempté des droits de douane réciproques et du taux tarifaire de base de 10 %, car les annonces précédentes concernant les tarifs douaniers demeurent en vigueur. Le taux effectif de droits de douane s’appliquant au Canada se situe donc autour de 10 %, près de ce que nous avons supposé dans nos prévisions trimestrielles de mars. Ce taux devrait diminuer, car de plus en plus d’entreprises s’adaptent pour rendre leurs produits conformes à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Compte tenu des répercussions sur les consommateurs et les entreprises, nos prévisions d’un recul de la croissance économique parallèlement à un niveau d’inflation plus élevé demeurent intactes.  
  • Les taux tarifaires visant les pays hors ACEUM sont un peu plus élevés par rapport à nos hypothèses de base. Pour l’Union européenne, le taux de 20 % annoncé aujourd’hui est conforme à nos hypothèses. Cependant, ce n’est pas le cas pour tous les autres pays. La Chine sera plus durement touchée que ce que nous avions prévu dans notre hypothèse de base de 30 %.  De même, en ce qui concerne les autres partenaires commerciaux, le taux général de 5 % que nous avions supposé s’élève maintenant à au moins 10 % et est supérieur pour de nombreux pays comme Taïwan, la Corée du Sud et le Vietnam, qui sont frappés par des taux de 32 %, de 25 % et de 46 %, respectivement.

Répercussions pour les États-Unis 

  • L’annonce d’aujourd’hui porte à plus de 20 % le taux effectif de droits de douane aux États-Unis, soit le niveau le plus élevé enregistré depuis le début des années 1940, et nettement supérieur au taux de 14 % prévu dans nos Prévisions économiques trimestrielles. À ce stade, la durée est la grande inconnue. Selon nos prévisions, le taux tarifaire maximal demeurera en vigueur pendant seulement six mois, après quoi la plupart des pays et des régions (à l’exception de la Chine) bénéficieront d’un certain répit. Si les droits de douane demeurent élevés sur une période prolongée, la probabilité d’une stagnation de l’économie américaine augmente. De même, l’inflation risque de s’approcher de 4 % ou plus. 
  • Les tensions commerciales accrues ont déjà incité les consommateurs à appuyer sur la pédale de frein, les ménages étant de plus en plus préoccupés par les perspectives concernant l’inflation, l’emploi et le revenu. Les dépenses de consommation ont atteint seulement 0,5 % au premier trimestre, après avoir vigoureusement progressé de 3,6 % sur une base annualisée au deuxième semestre de 2024. Les menaces tarifaires qui planaient sans cesse ont également entraîné des distorsions dans les flux commerciaux, les importations ayant bondi au cours des derniers mois, car les entreprises tentent de prendre le pas sur les droits de douane. Les échanges commerciaux nets pourraient réduire de plusieurs points de pourcentage la croissance du PIB au premier trimestre. Compte tenu de la faiblesse du contexte de dépenses, l’économie risque de se contracter.
  • Des droits de douane qui demeurent en place indéfiniment obligeraient à rapatrier une partie de la production, mais ce processus s’étalerait sur plusieurs années et aurait des conséquences économiques. En supposant un taux tarifaire permanent proche du niveau proposé aujourd’hui, notre modèle indique que le niveau d’emploi pourrait augmenter de près de 500 000 emplois à long terme, la plupart dans le secteur manufacturier. Toutefois, ces droits de douane entraîneraient également une hausse du coût de la vie moyen des ménages de plus de 4 850 $ par année, ce qui équivaut à une hausse d’impôt de 2 % du PIB, ce qui entraînerait un coût connexe de 1 250 000 $ pour chaque emploi rapatrié.  
    • Le rapatriement des emplois n’est que la première difficulté. Le secteur manufacturier fait face à d’importants obstacles en raison de la pénurie persistante de compétences et de main-d’œuvre. Il y a déjà plus de 450 000 postes à pourvoir dans ce secteur. Il sera difficile d’ajouter 500 000 nouveaux postes au cours des prochaines années en l’absence d’investissements importants en formation axée sur des compétences et en recrutement, en particulier pour les compétences liées aux logiciels et les compétences techniques. Les emplois manufacturiers d’hier ne sont pas ceux de l’avenir.
  • Les droits de douane sont susceptibles d’être perçus comme une aide pour payer les réductions d’impôt proposées. Il s’agit notamment d’exonération fiscale sur les versements de la sécurité sociale, les pourboires et le paiement des heures supplémentaires. Pris ensemble, ces changements de politique devraient coûter plus de 3 500 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie en plus des 4 000 milliards de dollars requis pour prolonger les mesures de la Tax Cuts & Jobs Act (TCJA) de 2017. Si les droits de douane d’aujourd’hui deviennent permanents, ceux-ci pourraient générer des revenus estimés à 6 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, ce qui compenserait largement le coût de la prolongation des mesures de la TCJA. Le fait de prolonger ces mesures permet d’éviter un resserrement budgétaire, mais pas de donner une impulsion supplémentaire. Le multiplicateur économique est égal à zéro (voir nos prévisions).

Répercussions pour le Canada  

  • Pour l’instant, il n’y a pas de changement pour le Canada par rapport aux annonces précédentes. Le Canada est exempté des droits de douane réciproques et du taux tarifaire de base de 10 %. 
  • En revanche, le Canada continuera d’être soumis à des droits de douane de 25 % liés « au fentanyl et à l’immigration illégale », avec 10 % sur l’énergie et des exemptions pour les marchandises conformes à l’ACEUM. On estime qu’environ 40 % de la valeur monétaire des marchandises traversant la frontière sont déclarés comme étant conformes à l’ACEUM, bien que davantage d’entreprises pourraient faire des efforts pour s’y conformer. On estime que de 80 % à 90 % de la valeur des exportations pourrait devenir conforme à l’ACEUM.  Si les États-Unis décident que des progrès ont été réalisés en ce qui concerne le fentanyl et l’immigration illégale, les droits de douane de 25 % pour les produits non conformes seront réduits à 12 % (et l’énergie et la potasse seront entièrement exemptées).
  • Les annonces précédentes concernant l’imposition de droits de douane ont déjà commencé à déferler sur les chaînes d’approvisionnement, comme ceux de 25 % sur l’acier et l’aluminium. Ensuite, il y a les droits de douane de 25 % sur les importations de véhicules finis qui entrent en vigueur demain.  À l’heure actuelle, les droits de douane en vigueur imposés au Canada sont d’environ 10 %, contre moins de 2 % avant l’entrée en fonction du président Trump. Ce taux se situe près des 12,5 % que nous avons supposés dans nos prévisions de base le mois dernier. N’oublions pas que les pièces automobiles et le bois d’œuvre conformes à l’ACEUM sont toujours pris entre deux feux sans calendrier précis.
  • Le Canada a déjà riposté en imposant des droits de douane sur environ 60 milliards de dollars de biens américains, la tranche suivante étant fixée à 125 milliards de dollars selon l’orientation du gouvernement libéral en février. Avec les élections qui auront lieu le 28 avril, il reste à voir comment le nouveau gouvernement réagira.  
  • Selon notre scénario de base, tous les paliers du gouvernement canadien dépenseraient 1 % de plus du PIB en 2025 pour soutenir la croissance. Ce taux de dépenses semble maintenant se situer au bas de l’échelle. D’après les budgets provinciaux publiés à ce jour, les mesures de relance se situent déjà à 0,3 % du PIB. L’Ontario devrait déposer son budget à la mi-avril, ce qui pourrait porter les dépenses budgétaires cumulatives à 1 % du PIB. Avec l’ajout de mesures budgétaires fédérales, ce chiffre pourrait doubler. Même si ces mesures adouciront les répercussions qu’auront les tarifs douaniers, elles n’empêcheront pas la stagnation économique à court terme, alors que les entreprises et les marchés de l’emploi absorbent le choc politique. Le Canada devra être préparé pour une longue période de restructuration économique. Même si les droits de douane sont éliminés ou réduits dans un délai relativement bref, les Canadiens ne peuvent pas laisser les trois derniers mois « tomber dans l’oubli ». Il serait irréaliste de penser rétablir le même niveau d’engagement et de confiance.
  • L’inflation devrait atteindre plus de 3 % d’ici l’été, et tout assouplissement sera possible grâce à des droits de douane moins élevés. La Banque du Canada surveillera de près deux aspects : les attentes d’inflation et la réaction des gouvernements. Comme l’a fait remarquer la Banque du Canada, elle a une capacité limitée à contrer un choc politique de cette nature.  Ne vous attendez pas à une baisse substantielle des taux d’intérêt, mais il y a de la place pour une réduction d’au moins 50 points de base afin d’alléger les coûts de financement.

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