Budget 2024 du Québec
La situation budgétaire est appelée à se détériorer dans un proche avenir
Rishi Sondhi, économiste | 416-983-8806
date publiée: 13 mars 2024
Faits saillants
- Dans son budget 2024, le gouvernement du Québec prévoit un déficit de 8,8 milliards de dollars (avant les versements au Fonds des générations) pour l’exercice 2024-2025, ce qui représente 1,5 % du PIB, soit un taux relativement élevé.
- Même si l’on prévoit une faible croissance du PIB réel, le PIB nominal devrait progresser à un rythme plutôt soutenu au cours des prochaines années, ce qui favorisera les gains de revenus. Nous sommes d’avis que les projections de croissance du gouvernement comportent un certain risque baissier, en particulier pour l’année prochaine. Heureusement, les décideurs prévoient une provision pour éventualités amplement suffisante qui leur permettra de composer avec toute faiblesse économique inattendue.
- En outre, les accords salariaux récemment négociés dans le secteur public ont stimulé la croissance des dépenses de programmes, qui devrait s’établir à près de 5 % cette année. Cette solide projection de dépenses survient à l’heure où le Québec connaît une période de difficultés économiques.
Perspectives économiques pour le Québec – scénario de référence
[variation en %, sauf indication contraire]
Budget 2024 | |||
Année civile | 2023 | 2024 | 2025 |
PIB réel | 0.2 | 0.6 | 1.6 |
PIB nominal | 3.9 | 4.0 | 3.8 |
Taux d’emploi (%) | 95.5 | 94.8 | 95.1 |
Taux de chômage (%) | 4.5 | 5.2 | 4.9 |
Population (en milliers) | 8,875 | 9,124 | 9,185 |
Mises en chantier (en milliers) | 38.9 | 42.7 | 43.7 |
Bons du Trésor – 3 mois (en %) | 4.8 | 4.6 | 3.5 |
Obligations – 10 ans (en %) | 3.3 | 3.3 | 3.1 |
Dans le budget 2024, le gouvernement du Québec prévoit un déficit de 4 milliards de dollars (avant les versements au Fonds des générations) pour l’exercice 2023-2024. Ce montant, représentant environ 2,5 milliards de dollars de plus que le déficit prévu dans la mise à jour budgétaire de novembre 2023, est attribuable à la fois à une diminution des revenus et à une hausse des dépenses plus importante que prévu. Pour le présent exercice, le déficit de la province devrait atteindre 8,8 milliards de dollars (soit 1,5 % du PIB, ce qui est assez élevé), en raison d’une baisse des revenus, d’une croissance des dépenses de programmes comparable à la tendance et d’une augmentation de la provision pour éventualités prévue. Si l’on exclut la provision pour éventualités, le Québec s’attend maintenant à atteindre l’équilibre budgétaire d’ici l’exercice 2027-2028 – deux ans de plus que ce qui était attendu dans la mise à jour de l’automne dernier. Par ailleurs, ce budget ne contient aucune nouvelle initiative fiscale majeure.
Vers une année de faible croissance en 2024
Le gouvernement estime que l’économie québécoise a connu une faible croissance de 0,2 % l’an dernier, même s’il attribue une partie de cette faiblesse à des facteurs temporaires, tels que les feux de forêt. Pour l’année en cours, la croissance du PIB réel devrait s’élever à 0,6 %, marquant ainsi une autre année de croissance inférieure à la tendance. Toutefois, le PIB nominal devrait progresser de 4 %, ce qui n’est pas très éloigné de la tendance à long terme. De manière générale, nous sommes d’accord avec les perspectives du gouvernement pour 2024. Cependant, nos projections de croissance pour la prochaine année au Québec sont considérablement plus modérées que celles du gouvernement, tout comme elles le sont pour l’ensemble du Canada.
Les prévisions satisfaisantes en matière de croissance des revenus autonomes pour l’exercice en cours dépendent de la projection de croissance relativement bonne du PIB nominal que prévoit le gouvernement du Québec. Toutefois, on prévoit une croissance timide des revenus globaux, en raison de la réduction des transferts fédéraux à la suite d’une importante hausse de ces derniers au cours de l’exercice 2023-2024. Le gouvernement attribue cette réduction à la diminution des paiements de péréquation qui découle des modifications que le gouvernement fédéral a apportées à son programme dans son budget 2023. Le gouvernement demandera également aux ministères de chercher à réaliser des économies, en réduisant certaines mesures d’aide fiscale accordées aux entreprises (notamment la suppression d’un crédit d’impôt favorisant le maintien en emploi des travailleurs d’expérience, qui n’a pas donné les résultats escomptés) et en augmentant les taxes sur les produits du tabac. Ces dernières mesures devraient permettre de générer des revenus cumulatifs de 2,9 milliards de dollars d’ici 2028-2029.
Dans le poste opposé du bilan, on évalue à près de 5 % la croissance des dépenses de programmes pour l’exercice 2024-2025. Les augmentations salariales récemment négociées dans le secteur public (de l’ordre de 3 milliards de dollars par an) devraient faire gonfler les dépenses du gouvernement.
Les autres dépenses se concentrent sur les domaines prioritaires que sont l’éducation et les soins de santé, le premier enregistrant un bond approchant les 10 %. En éducation, les fonds serviront à améliorer la réussite et la rétention des étudiants universitaires et à soutenir l’offre de formation dans des domaines prioritaires. En santé, une partie des dépenses permettra d’améliorer l’accès aux soins et aux services et d’assurer la qualité des soins aux aînés. Les dépenses consacrées au soutien de la population vulnérable du Québec et à l’appui des secteurs stratégiques et de la croissance de l’économie font également partie des domaines prioritaires. Une provision pour éventualités de 7,5 milliards de dollars sur cinq ans s’ajoute également aux projections de dépenses du gouvernement, ce qui contribuera à offrir une protection pour faire face aux incertitudes économiques.
Le service de la dette devrait progresser à un modeste taux de 1,2 % cette année. Le Fonds d’amortissement des régimes de retraite (conçu pour aider à payer les prestations des employés des secteurs public et parapublic) devrait enregistrer une croissance de ses revenus de placement cette année, qui sont soustraits des frais de service de la dette dans les calculs du gouvernement. En pourcentage des revenus, le service de la dette devrait s’élever à 6,5 % au cours de l’exercice 2024-2025. Cette « part des intérêts » devrait augmenter de façon modeste pour atteindre 6,7 % à l’exercice 2028-2029, ce qui demeure inférieur à la moyenne sur 10 ans de 8,3 %.
Le fardeau de la dette nette devrait augmenter au cours des prochaines années
Le fardeau de la dette du Québec devrait s’élever à 39 % au cours de l’exercice 2023-2024, ce qui est plus élevé que ce qui avait été annoncé dans la mise à jour de l’automne. Il devrait augmenter jusqu’à l’exercice 2025-2026, sous l’effet des investissements et des déficits du secteur public, avant de redescendre à environ 39,5 % du PIB d’ici l’exercice 2028-2029. Il convient de noter que l’enquête sur les dépenses en immobilisations récemment publiée indique une bonne augmentation de ces dépenses dans le secteur public, c’est-à-dire d’environ 7 % en 2024. Le gouvernement compte également maintenir le cap sur son objectif de réduction du ratio de la dette au PIB à 30 % d’ici l’exercice 2037-2038.
Les besoins d’emprunt devraient représenter un total de 36,5 milliards de dollars pour le présent exercice, comparativement à 21,5 milliards de dollars pour l’exercice précédent. Ce bond s’explique par les besoins de dépenses en immobilisations, le déficit et les dépenses liées au renouvellement des conventions collectives enregistrées au cours de l’exercice 2023-2024.
Conclusion
La situation budgétaire du Québec paraît sensiblement plus grave que ce qui a été présenté il y a seulement quelques mois, et ce, même avec des projections acceptables du PIB nominal. On prévoit cette année une hausse considérable des dépenses de programmes, qui est soutenue par les contrats salariaux du secteur public; celle-ci pourrait contribuer à favoriser une certaine croissance à un moment où l’économie québécoise est en proie à des difficultés. Nos propres prévisions de croissance suggèrent un certain risque baissier pesant sur les projections de revenus du gouvernement, en particulier en 2025. Toutefois, le gouvernement prévoit une provision pour éventualités amplement suffisante pour couvrir tout déficit imprévu.
Situation budgétaire du gouvernement du Québec
[en G$ CA, sauf indication contraire]
Exercice | Budget 2024 | |||||
2023-2024 | 2024-2025 | 2025-2026 | 2026-2027 | 2027-2028 | 2028-2029 | |
Revenus | 146.8 | 150.3 | 156.6 | 163.8 | 168.5 | 172.8 |
Variation en % | 1.7 | 2.4 | 4.2 | 4.6 | 2.9 | 2.6 |
Revenus autonomes | 115.5 | 120.9 | 126.1 | 131.9 | 136.4 | 140.8 |
Transferts fédéraux | 31.3 | 29.4 | 30.4 | 31.9 | 32.1 | 32.0 |
Dépenses | 151.0 | 157.6 | 162.1 | 165.6 | 170.1 | 174.6 |
Variation en % | 2.5 | 4.4 | 2.9 | 2.2 | 2.7 | 2.6 |
Dépenses de programmes | 141.3 | 147.8 | 152.5 | 155.5 | 159.1 | 163.0 |
Service de la dette | 9.7 | 9.8 | 9.6 | 10.1 | 11.0 | 11.6 |
Total des entités consolidées | -4.2 | -7.3 | -5.5 | -1.8 | -1.6 | -1.8 |
Provisions pour éventualités | - | 1.5 | 1.5 | 1.5 | 1.5 | 1.5 |
Surplus (déficit) | -4.2 | -8.8 | -6.3 | -1.8 | -1.4 | -1.3 |
En % du PIB | -0.7 | -1.5 | -1.0 | -0.3 | -0.2 | -0.2 |
Versements au Fonds des générations | -2.1 | -2.2 | -2.2 | -2.4 | -2.6 | -2.7 |
Solde budgétaire* | -6.3 | -11.0 | -8.5 | -4.2 | -3.9 | -3.9 |
En % du PIB | -1.1 | -1.9 | -1.4 | -0.7 | -0.6 | -0.6 |
Dette nette | 221.1 | 237.8 | 250.9 | 257.5 | 263.5 | 269.4 |
En % du PIB | 39.0 | 40.3 | 41.0 | 40.6 | 40.0 | 39.5 |
Dette brute | 226.1 | 235.5 | 257.8 | 273.8 | 284.2 | 294.4 |
En % du PIB | 41.4 | 41.5 | 43.7 | 44.7 | 44.8 | 44.7 |
Déficits cumulés | 118.8 | 127.2 | 133.1 | 134.6 | 135.6 | 136.5 |
En % du PIB | 20.9 | 21.6 | 21.7 | 21.2 | 20.6 | 20.0 |
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