Skip to main content

Budget 2025 du Québec

Un déficit massif est au programme cette année

Rishi Sondhi, économiste | 416-983-8806 

date publiée: 26 mars 2025


 

télécharger

partagez ceci:

Faits saillants

  • Le déficit du Québec devrait augmenter, passant de 1,3 % du PIB pour l’exercice 2024-2025 à 1,8 % cette année. Le Québec présente le deuxième plus grand déficit prévu de toutes les provinces qui ont présenté leur budget cette année, et ce, malgré un ralentissement marqué de la croissance des dépenses anticipées.
  • Le ratio de la dette nette au PIB devrait augmenter au cours des prochaines années, en raison de l’augmentation des investissements en infrastructures visant à protéger l’économie en période de turbulence. Le gouvernement mettra également en œuvre des mesures d’allégement fiscal et de soutien financier pour les entreprises.
  • Un contexte économique plus fragile que prévu accroît la probabilité que le gouvernement ne soit pas en mesure d’équilibrer le budget d’ici l’exercice 2029-2030, actuellement une exigence en vertu de la Loi sur l’équilibre budgétaire

Prévisions économiques pour le Québec

[variation en %, sauf indication contraire] 

Sources : Budget 2025 du Québec et Services économiques TD.
Budget 2025
Année civile  2024 2025 2026
 PIB réel 1.4 1.1 1.4
 PIB nominal 5.3 3.4 3.4
 Taux de chômage (en %) 5.3 5.8 5.4
 Population (en milliers) 9,056 9,101 9,103
 Mises en chantier (en milliers) 48.7 50.5 49.3
 Bons du Trésor à 3 mois (en %) 4.3 2.6 2.5
 Obligations à 10 ans (en %) 3.4 3.0 3.0

Des résultats économiques supérieurs aux attentes ont permis au Québec d’afficher un déficit légèrement inférieur pour l’exercice 2024-2025 à celui prévu dans la mise à jour budgétaire de novembre dernier. Le déficit de l’exercice 2024-2025 (avant les dépôts dans le Fonds des générations) s’établit maintenant à 8,1 milliards de dollars, soit une amélioration de 700 millions de dollars par rapport à la mise à jour de l’automne. Toutefois, cette mesure du déficit devrait s’élever à 11,4 milliards de dollars pour l’exercice 2025-2026. Cela représenterait un taux substantiel de 1,8 % du PIB, ce qui est nettement supérieur à la moyenne à long terme du Québec et d’à peu près toutes les provinces qui ont publié leur budget jusqu’à présent (à l’exception de la Colombie-Britannique). La province promet toujours un léger excédent (encore une fois, avant les dépôts dans le Fonds des générations) d’ici l’exercice 2029-2030. Par ailleurs, le ratio de la dette nette au PIB semble augmenter d’environ 2 points de pourcentage à moyen terme.

La très faible croissance des revenus semble contribuer au déficit plus important cette année. De l’autre côté de l’équation comptable, on s’attend également à ce que la croissance des dépenses soit modeste cette année, plombée par le ralentissement de la croissance des dépenses dans les catégories de biens importants. Le budget réservera également des sommes importantes à son plan d’infrastructures de 10 ans.

Les prévisions économiques de base tiennent compte d’une guerre commerciale 

Le graphique 1 illustre l’évolution du ratio de la dette nette au PIB du Québec entre les exercices 2015-2016 et 2028-2029. Au cours de l’exercice 2028-2029, le ratio est fixé à 41 %, en baisse par rapport à 41,9 % au cours de l’exercice 2027-2028.  Au cours de l’exercice 2025-2026, le ratio est fixé à 40,4 % et devrait augmenter à 41,5 % d’ici l’exercice 2026-2027. De l’exercice 2015-2016 à l’exercice 2024-2025, le ratio s’est établi en moyenne à 42,6 %, avec un sommet de 51,1 % pour l’exercice 2015-2016 et un creux de 37,9 % pour l’exercice 2022-2023.

Les prévisions économiques du gouvernement reposent sur l’hypothèse que les États-Unis imposeraient des droits de douane à plusieurs partenaires commerciaux, dont le Canada. Ces droits de douane seraient en vigueur pendant deux ans et équivaudraient à 10 %. Ce raisonnement se fonde sur l’hypothèse d’une mise en place de tarifs douaniers plus élevés pour une période plus longue que ce qui est prévu dans nos propres prévisions de base (voir les Perspectives économiques trimestrielles), mais le gouvernement entrevoit toujours que le PIB réel augmentera de 1,1 % en 2025 et de 1,4 % en 2026. Selon le gouvernement, les droits de douane devraient réduire la croissance de 0,7 point de pourcentage au cours des deux années. En particulier, les projections du gouvernement dépassent nettement nos propres prévisions selon lesquelles le PIB réel augmentera en moyenne de 0,85 % au cours des deux années. Cela dit, comme nous sommes plus optimistes à l’égard de la croissance des prix, nos prévisions à l’égard du PIB nominal sont conformes aux projections du gouvernement, en moyenne, pour 2025 et 2026.

Dans un scénario alternatif où les États-Unis imposeraient des droits de douane de 25 % (et de 10 % sur l’énergie) aux partenaires commerciaux, le gouvernement du Québec estime que le déséquilibre budgétaire serait de 9,4 milliards de dollars sur six ans, après les dépôts dans le Fonds des générations. Par ailleurs, le ratio de la dette nette au PIB augmenterait de deux points de pourcentage par rapport à l’hypothèse de base à la fin de l’exercice 2029-2030.

La croissance des revenus devrait nettement ralentir cette année

La croissance des revenus devrait ralentir pour atteindre 1,0 % à l’exercice 2025-2026, comparativement à un gain de près de 9 % l’exercice précédent. Tout cela en dépit des efforts déployés par le gouvernement en vue d’améliorer le régime fiscal, notamment en éliminant les dépenses fiscales inefficaces et en recentrant le crédit d’impôt relatif aux ressources sur les minéraux critiques et stratégiques. Ces efforts devraient permettre d’accroître les revenus de trois milliards de dollars sur cinq ans. En ce qui concerne le principal frein aux revenus bruts, les recettes fiscales provenant de l’impôt sur le revenu des sociétés devraient diminuer cette année, car la guerre commerciale pèse sur les bénéfices des sociétés. Les revenus divers (droits de scolarité, revenus d’intérêts, vente de biens et de services, amendes, confiscations et recouvrements) devraient également chuter cette année, ce qui effacera en partie un gain énorme réalisé durant l’exercice 2024-2025. Parallèlement, les transferts fédéraux sont considérés comme stables. En revanche, les recettes provenant de l’impôt sur le revenu des particuliers et sur la consommation semblent progresser avec résilience à un rythme de 3 % cette année, en raison de la hausse des dépenses des ménages et des salaires.

Sur le plan des dépenses, les dépenses de programmes semblent progresser à un taux inférieur à la moyenne de 1,8 % au cours de l’exercice 2025-2026, limitées par le ralentissement des dépenses en santé et en éducation, et la baisse des dépenses au sein du ministère des Transports et de la Mobilité durable. Ce constat est dû à un repli partiel après le gain important de l’année précédente.

Pour soutenir la province pendant cette période de turbulences économiques, le gouvernement mettra à disposition des aides financières sous forme de prêts aux entreprises touchées, ce qui représente une liquidité de 1,6 milliard de dollars. Le gouvernement prolongera également les mesures d’amortissement accéléré qui devaient être éliminées progressivement. Elles s’appliqueront maintenant jusqu’en 2029 pour des biens comme la machinerie et le matériel de fabrication et de transformation, l’équipement de production d’énergie propre et les véhicules à zéro émission. On estime que ces mesures procureront aux entreprises un allégement fiscal de 2,4 milliards de dollars sur cinq ans. Elles s’inscrivent dans le cadre d’un plan plus large visant à soutenir et à dynamiser l’économie québécoise, en offrant un soutien transitoire aux entreprises touchées par les droits de douane, en favorisant la diversification des marchés, en soutenant les projets d’investissement des entreprises et en facilitant le repérage des produits du Québec. Le gouvernement offrira également un nouveau crédit d’impôt entièrement remboursable pour la recherche, l’innovation et la commercialisation (CRIC), qui remplacera huit mesures fiscales actuellement en vigueur. La province inclut également une provision pour éventualités de deux milliards de dollars pour l’exercice 2025-2026 pour gérer les risques de baisse. 

Alourdissement du fardeau de la dette du Québec

Le ratio de la dette nette au PIB devrait augmenter, passant de 38,7 % à l’exercice 2024-2025 à 41,0 % à l’exercice 2028-2029, avant de fléchir légèrement d’ici l’exercice 2029-2030. Ce taux est nettement supérieur à la moyenne (simple) de 25 % des provinces qui ont publié leur budget jusqu’à présent. Les déficits permanents contribueront à l’alourdissement du fardeau de la dette et au renforcement de l’engagement envers les investissements en infrastructures. En effet, le gouvernement a annoncé une augmentation de 11 milliards de dollars des investissements en infrastructures entre l’exercice 2025-2026 et l’exercice 2027-2028 pour aider à protéger l’économie à court terme. Cela fait écho au sondage sur les dépenses en immobilisations prévues de février, qui indiquait un gain de 3,2 % des investissements en capital du secteur public cette année, après les gains massifs enregistrés de 2022 à 2024. Heureusement, la « part des intérêts » sur cette dette devrait être gérable. Les frais d’intérêt devraient représenter environ 6 % des revenus pour l’exercice 2025-2026, ce qui ne diffère pas beaucoup de l’exercice précédent, mais est nettement inférieur à la moyenne à long terme d’environ 12 %. 

Les besoins d’emprunt devraient totaliser 29,7 milliards de dollars pour l’exercice 2025-2026, en baisse par rapport à 36,7 milliards de dollars pour l’exercice 2024-2025, alors qu’un préfinancement de 9,3 milliards de dollars a déjà été réalisé.

Conclusion

La Loi sur l’équilibre budgétaire adoptée par le gouvernement provincial exige un retour à l’équilibre budgétaire d’ici l’exercice 2029-2030. Toutefois, selon les modèles établis par le gouvernement, des droits de douane plus élevés pourraient entraver l’atteinte de cet objectif. En particulier, le point de départ pour atteindre l’équilibre budgétaire est difficile, le gouvernement prévoyant un déficit massif pour l’exercice 2025-2026. Cela s’accompagne même d’un engagement à ralentir considérablement la croissance des dépenses de programmes au cours du présent exercice et d’une grande incertitude face à l’évolution de la conjoncture.
Compte tenu de la taille démesurée du secteur public du Québec, cette baisse des dépenses de programmes freinera probablement le rythme de la croissance économique cette année. Cela dit, l’augmentation des investissements en infrastructures pourrait compenser en partie la conjoncture économique difficile (selon la rapidité avec laquelle il sera possible d’amorcer les projets). De plus, le gouvernement mettra en œuvre plusieurs mesures de soutien pour les entreprises en vue d’aider à amortir le choc.

Situation budgétaire du gouvernement du Québec

[En millions de dollars canadiens, sauf indication contraire]

* Solde budgétaire au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire, après la prise en compte des versements au Fonds des générations.
Sources : Budget 2025 du Québec et Services économiques TD.
Exercice financier 2024-2025 2025-2026 2026-2027 2027-2028 2028-2029 2029-2030
Revenus 155,181 156,342 165,187 171,205 176,249 181,289
 Variation (en %) 6.6 0.7 5.7 3.6 2.9 2.9
 Revenus autonomes 124,545 125,732 132,825 138,134 143,139 148,186
 Transferts fédéraux 30,636 30,610 32,362 33,071 33,110 33,103
Dépenses 163,259 165,772 170,313 173,878 176,099 179,392
 Variation (en %) 7.7 1.5 2.7 2.1 1.3 1.9
 Dépenses de programmes 153,406 156,102 159,911 162,322 164,092 167,150
 Service de la dette 9,853 9,670 10,402 11,556 12,007 12,242
Total des entités consolidées -8,078.0 -9,430.0 -5,126.0 -2,673.0 150.0 1,897.0
 Provisions pour éventualités 0 2,000 2,000 1,500 1,500 1,500
Excédent (+) / Déficit (-)  -8,078 -11,430 -7,126 -4,173 -1,350 397
 % du PIB -1.3 -1.8 -1.1 -0.6 -0.2 0.1
 Versements dédiés au Fonds des gé 2,354 2,177 2,402 2,522 2,648 2,796
 Écart à résorber 0 0 0 1,000 2,500 2,500
Équilibre budgétaire* -10,432 -13,607 -9,528 -5,695 -1,498 101
 % du PIB -1.7 -2.2 -1.5 -0.8 -0.2 0.0
Dette nette 235,826 255,003 270,435 282,588 286,431 288,149
 % du PIB 38.7 40.4 41.5 41.9 41.0 39.8
Dette brute 258,369 279,634 298,326 313,341 320,409 325,339
 % du PIB 42.4 44.4 45.8 46.5 45.9 45.0
Déficits cumulés 126,087 137,221 144,051 146,928 145,482 142,289
 % du PIB 20.7 21.8 22.1 21.8 20.8 19.7

Avis de non-responsabilité