Note trimestrielle d’information économique

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067
Derek Burleton, vice-président et économiste en chef adjoint | 416-982-2514
James Marple, directeur général | 416-982-2557
Sohaib Shahid, économiste principal | 416-982-2556
Leslie Preston, économiste principale | 416-983-7053
Sri Thanabalasingam, économiste principal | 416-413-3117
James Orlando, économiste principal | 416-413-3180
Rishi Sondhi, économiste | 416-983-8806
Omar Abdelrahman, économiste | 416-734-2873

date publiée:  3 juin 2021

télécharger

version imprimée

partagez ceci:

 

Chaque trimestre, les Services économiques TD publient une série de questions et réponses portant sur des sujets pertinents concernant les perspectives économiques. La séance d’information de ce trimestre commence par les progrès dans la lutte contre la pandémie à l’échelle mondiale et en Amérique du Nord. On examine ensuite l’évolution de la politique budgétaire, les marchés de l’habitation, les prix des produits de base et l’inflation, ainsi que les perspectives financières.

Graphique 1 : Le graphique montre les nouveaux cas de COVID-19 dans les économies avancées (à revenu élevé) et les marchés émergents (à faible revenu) de février 2020 à mai 2021. Il montre trois grandes vagues de la pandémie dans les économies avancées, la deuxième vague, la plus importante, ayant atteint un sommet autour de décembre 2020. La troisième vague survenue au printemps 2021 semble maintenant s’estomper. Dans les marchés émergents, la deuxième vague a été plus petite, mais n’a jamais vraiment diminué, et elle a été suivie d’une troisième vague beaucoup plus importante de la pandémie. Le nombre de cas dans les marchés émergents a seulement commencé à diminuer très récemment, après avoir atteint un sommet sans précédent.

Q1. Les cas de COVID-19 se stabilisent dans les économies avancées, mais sont en forte hausse dans les marchés émergents. Quelles en sont les conséquences pour l’économie mondiale? 

  • Étant donné que les nouveaux cas diminuent dans la plupart des économies avancées, la réouverture de l’activité économique est de plus en plus au centre des préoccupations. La plupart des économies avancées devraient connaître une croissance solide au deuxième semestre de cette année, grâce à la distribution généralisée des vaccins et aux politiques de soutien.
  • Par ailleurs, malgré le soutien des installations COVAX, les taux de vaccination des marchés émergents sont nettement inférieurs à ceux des économies avancées, ce qui a entraîné de fortes hausses des cas, qui n’ont plafonné que récemment (graphique 1). Au Brésil et en Inde, la vague actuelle du virus s’est révélée être la pire à ce jour, submergeant les systèmes de soins de santé et incitant les autorités à introduire de nouvelles restrictions et des mesures de confinement. Ces pays seront probablement les plus lents à se rétablir. Or, comme le Brésil et l’Inde sont des puissances régionales, leur ralentissement influera aussi sur le rétablissement d’autres pays de la région.
  • La Chine – la seule grande économie à avoir enregistré une croissance positive l’an dernier – a terminé sa reprise en V. La croissance chinoise est maintenant en baisse, les autorités ayant délibérément resserré la politique monétaire afin d’orchestrer un retour à une trajectoire plus équilibrée. Le ralentissement en Chine, qui n’est pas une surprise, faisait partie du plan d’action naturel. Les économies de l’Europe et de l’Amérique du Nord obtiendront sûrement les mêmes résultats, une fois qu’elles auront atteint le même stade de reprise qu’en Chine.
  • Les risques économiques sont plus équilibrés qu’il y a quelques mois. Le maintien des restrictions, les nouveaux variants du virus, la réticence à se faire vacciner et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement demeurent les principaux risques de baisse de la croissance à court terme. Toutefois, la production et la distribution de vaccins font de solides progrès. Cette situation, conjuguée aux politiques de soutien additionnelles dans certaines grandes économies et à l’épargne excédentaire, offre un contrepoids positif.

Q2. Comment progresse la distribution des vaccins en Amérique du Nord et à l’échelle mondiale?

  • À l’échelle mondiale, la vaccination s’est intensifiée en Europe, mais reste nettement inférieure à celle de l’Amérique du Nord, car seulement 32 % de la population européenne ont été vaccinés jusqu’à maintenant. Ailleurs, la distribution de vaccins dans la plupart des pays émergents reste faible (les Émirats arabes unis et le Chili sont des exceptions notables) et continue d’accuser du retard par rapport aux économies avancées. Au rythme actuel, il faudra attendre au moins jusqu’au milieu de 2022 pour que la plupart des marchés émergents vaccinent 70 % de leur population. Certains marchés émergents à faible revenu pourraient même devoir attendre jusqu’au début de 2023 pour atteindre cette cible.
  • De plus, on craint maintenant que certains marchés émergents doivent recommencer la vaccination, selon les vaccins auxquels ils ont eu accès. Les Seychelles étaient considérées comme le pays le plus vacciné au monde, 72 % de sa population étant entièrement vaccinés. Pourtant, le nombre de nouveaux cas d’infection a bondi au début de mai, et on a dû réimposer un confinement. Le gouvernement des Seychelles et l’OMS ont déclaré que la majorité des personnes ayant obtenu un résultat positif n’avaient pas été vaccinées ou n’avaient reçu qu’une seule dose. Malgré tout, alors que des tests sont effectués, on soupçonne que les vaccins Sinopharm et AstraZeneca administrés aux Seychelles offrent moins de protection, en particulier contre certaines souches comme celle détectée pour la première fois en Afrique du Sud. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Afrique du Sud a cessé d’utiliser le vaccin AstraZeneca.
  • Aux États-Unis, l’opération s’est concentrée sur les vaccins à ARNm, dont la distribution rapide a atteint un sommet de plus de 3,2 millions de doses administrées quotidiennement au début d’avril (graphique 2).
  • Bien que le taux de vaccination ait diminué depuis à environ de 1,0 millions de personnes par jour, l’administration Biden maintient son objectif de donner au moins une dose à 70 % des adultes américains d’ici le 4 juillet. 
  • Jusqu’à présent, 41 % de la population américaine ont été entièrement vaccinés et près de la moitié a reçu au moins une dose. Maintenant que les populations plus âgées et plus impatientes de se faire vacciner l’ont été, le processus nécessitera de plus grands efforts. Les États sont déjà en train d’assouplir leurs restrictions, ce qui pourrait avoir pour effet involontaire de réduire l’urgence parmi la population non encore vaccinée, compte tenu, en particulier, des signes manifestes d’un ralentissement important de la propagation du virus.   
  • Le plan de vaccination du Canada a suivi une stratégie consistant à promettre moins et à obtenir plus de résultats. Après un début d’année d’une lenteur pénible, le taux de vaccination d’une première dose de 60 % au Canada est maintenant supérieur à celui de x,x % aux États-Unis (graphique 3).
  • Par rapport aux États-Unis, le Canada accuse un retard dans l’administration de la deuxième dose (6,0 % contre 41 %) en raison du délai plus grand entre les doses, qui peut aller jusqu’à quatre mois. Selon les lignes directrices officielles, tous les adultes disposés à se faire vacciner le seront entièrement d’ici au début de l’automne. Toutefois, comme le Canada s’attend à recevoir de 48 à 50 millions de doses cumulatives d’ici à la fin de juin, la progression pourrait être plus forte que prévu. 
  • De plus, la réticence à se faire vacciner semble être moins fréquente au Canada. Selon les données de l’Imperial College sur le comportement à l’égard de la COVID-19, 21,1 % de la population adulte non vaccinée du Canada refuseraient de recevoir un vaccin si on le leur offrait, comparativement à un taux de 28,2 % aux États-Unis. Par conséquent, le Canada pourrait acquérir plus facilement une immunité collective, à condition d’appliquer une stratégie plus tactique en ce qui concerne la réouverture des frontières avec les pays qui ne remplissent pas cette exigence. 

Q3. Comment les perspectives économiques des États-Unis ont-elles évolué depuis mars? 

Graphique 3 :  Le graphique montre le pourcentage de la population qui a reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19 aux États-Unis et au Canada de décembre 2020 à mai 2021. Après un lent départ, le Canada dépasse maintenant les États-Unis en ce qui a trait à la proportion de la population ayant reçu au moins une dose (58.3% au Canada et 50.4 % aux États-Unis, au 1 juin).
  • L’économie américaine a dépassé nos attentes durant le premier semestre. Grâce à deux séries de mesures de relance budgétaire et à l’accélération de la vaccination, le PIB réel a effectué un départ fulgurant au premier trimestre et a atteint un taux annualisé (6,4 %) supérieur à notre prévision pour mars (5 %). La progression de l’activité économique surpasse de plus de 1 % le chiffre que nous avions prévu antérieurement pour la première moitié de l’année. 
  • La consommation a été le principal facteur de cette croissance, les dépenses ayant grimpé de 11 % au premier trimestre, propulsées par un bond de 49 % dans la consommation de biens durables. Les généreuses mesures de soutien du revenu du gouvernement ont permis aux consommateurs de continuer à dépenser malgré le taux de chômage élevé. Et, compte tenu des restrictions imposées aux services, ils ont réorienté leur consommation vers les produits qui étaient accessibles, qu’il s’agisse de meubles, d’appareils électroniques ou même de maisons.
  • Les investissements des entreprises dans des produits d’équipement et de propriété intellectuelle ont également poursuivi leur croissance impressionnante (+15 %). Le matériel informatique et les logiciels pour entreprise ont été l’un des secteurs les plus florissants de la reprise. 
  • Nous nous attendons à ce que le sursaut de la demande, associé à une plus grande liberté de mouvement, se poursuive au deuxième trimestre, stimulé par la dernière série de paiements de 1 400 $. Les ménages ont accumulé des économies excédentaires de plus de 2 000 milliards de dollars en mars et seront en mesure de continuer à dépenser lorsque l’économie redémarrera. Toutefois, les achats de biens céderont probablement la place aux achats de services, à mesure que les restrictions seront assouplies (graphique 4). Nous prévoyons que les dépenses consacrées aux services enregistrent une croissance à deux chiffres au deuxième trimestre. Globalement, la croissance des dépenses de consommation devrait dépasser les 13 % et faire grimper le PIB réel de 11 % au deuxième trimestre civil.
  • Bien que cette croissance puisse anticiper en partie celle que nous avions projetée pour le deuxième semestre de l’année, nous prévoyons une croissance de 7,0 % en 2021 (contre 5,7 % en mars) et de 4,5 % en 2022. Cette révision à la hausse de la croissance est l’une des raisons expliquant notre décision d’avancer la date prévue du premier relèvement de taux par la Fed, en nous écartant considérablement de son cadrage prospectif actuel (voir la question 10).

Q4. Quelles sont les répercussions possibles des plans d’action jumelés de Biden? 

Graphique 4 : Le graphique montre la variation des dépenses de consommation d’avant la pandémie (février 2020) jusqu’à mars 2021. Les catégories qui ont enregistré les baisses les plus abruptes font toutes partie des services : loisirs, transport, « autres », restauration et hébergement. En revanche, les dépenses en biens divers ont grimpé en flèche : les dépenses consacrées aux biens et véhicules récréatifs, aux automobiles, aux meubles et au matériel ont toutes augmenté de plus de 20 % en chiffres réels par rapport à leurs niveaux d’avant la pandémie.
  • Le président Biden a présenté son programme d’action « Build Back Better » (reconstruire en mieux) en consacrant quelque 4 000 milliards de dollars sur 10 ans à toute une série de mesures touchant les infrastructures, la recherche et le développement, l’éducation et la garde d’enfants. L’administration estime que ce programme de dépenses ambitieux sera financé sur une période de plus de 15 ans par des hausses de l’impôt des sociétés et des contribuables à revenu élevé (voir le tableau 1 ci-dessus). Il est peu probable que les plans soient adoptés tels quels, même dans le cadre du processus de réconciliation, mais nous avons dans l’idée qu’un élément important sera intégré au cours des prochains mois. 
  • Contrairement au plan de sauvetage américain récemment promulgué, qui avait pour but de stimuler l’économie à court terme pour compenser les dommages causés par la pandémie, les politiques du dernier plan de M. Biden visent à accroître la capacité de production de l’économie américaine à long terme au moyen d’investissements dans le capital humain et physique.
  • Comme nous l’avons mentionné, et selon le moment choisi, ces plans pourraient bonifier légèrement la croissance du PIB à compter de 2022, mais, étant donné le peu de détails disponibles et les changements qui y seront probablement apportés, toute estimation ponctuelle serait hautement incertaine à ce stade. Selon une fourchette très approximative, les plans pourraient ajouter de 0,3 à 0,5 point de pourcentage à la croissance du PIB en 2022 et un peu plus en 2023 et en 2024. Par la suite, un certain freinage budgétaire se produirait lorsque les dépenses d’infrastructure, après avoir atteint un sommet, diminueraient progressivement.
    • Au sein des dépenses publiques, les dépenses d’infrastructure ont généralement un effet multiplicateur parmi les plus élevés, mais les projets de ce genre prennent du temps à planifier et à exécuter. Les infrastructures stimulent l’économie non seulement pendant la phase de construction, mais également, comme on l’espère, en augmentant la productivité à moyen terme.
  • À moyen terme, le plan destiné aux familles américaines (« American Family Plan ») pourrait relever le taux de participation des femmes au marché du travail, grâce à l’effet combiné des mesures de soutien du revenu sous la forme d’un congé parental rémunéré et du financement direct des services de garde. Les États-Unis ont été à la traîne des autres pays développés au cours des 20 dernières années, de sorte que le taux de participation des femmes au marché du travail était le plus faible parmi les pays du G7 avant la pandémie. Par exemple, si les États-Unis avaient le même taux de participation des mères que le Canada, ils compteraient 4,7 millions de mères de plus sur le marché du travail. Bien que le plan destiné aux familles américaines puisse faire avancer la participation des mères au marché du travail, il est peu probable qu’il comble à lui seul l’écart avec le Canada et d’autres pays. Selon ce plan, les congés de maternité ou parentaux aux États-Unis demeureraient de loin les moins généreux au sein du G7, se limitant à seulement 12 semaines (conformément à la Family and Medical Leave Act de 1993). Le Royaume-Uni, qui offre 39 semaines de congé payé, arrive au deuxième rang à ce chapitre.

Q5. Comment l’économie canadienne se comporte-t-elle devant une troisième vague difficile?

Graphique 5 : Le graphique montre le nombre total d’heures travaillées dans l’économie canadienne sous forme d’indice, février 2020 étant égal à 100. Il présente les données de janvier 2019 à avril 2021. À partir de février 2020, il illustre également le nombre d’heures qui auraient été travaillées si la tendance d’avant la pandémie s’était poursuivie, tendance calculée selon la croissance mensuelle moyenne de 2017 à 2019. Le nombre total réel d’heures travaillées est encore bien inférieur à cette tendance hypothétique. Bien que le nombre d’heures travaillées ait diminué légèrement après la deuxième vague à la fin de 2020, le recul a été plus prononcé durant la troisième vague de la pandémie, ce qui laisse entrevoir une inversion de la reprise économique à court terme.
  • Les problèmes entraînés à court terme par la troisième vague de la pandémie ont forcé les provinces à renouveler et à resserrer les restrictions imposées aux activités. À la fin de mars et au début d’avril, de grandes provinces comme l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec ont adopté des mesures pour limiter l’exploitation des entreprises non essentielles et la mobilité des résidents.
  • L’économie canadienne s’est adaptée aux restrictions, ce qui atténue globalement les répercussions économiques négatives. À la fin de 2020 et au début de 2021, le momentum a été plus fort que prévu, malgré les restrictions accrues à l’égard des entreprises dans les grandes provinces. Les derniers budgets du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux offrent également de solides mesures de soutien à l’échelle du pays.

Q7. Quelle est l’incidence des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales sur les États-Unis et le Canada? 

Graphique 7 :  Le graphique présente sous une forme linéaire les versements hypothécaires annuels en pourcentage du revenu par habitant au Canada. Selon cette mesure, l’accessibilité au logement s’est détériorée pendant plusieurs années à cause de la forte hausse des prix des logements, de sorte qu’au premier trimestre, la situation était la pire depuis de nombreuses années.
  • Les coûts d’expédition élevés et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales entraînent des retards de production chez les fabricants américains, freinent la production et exercent une pression à la hausse sur les prix à la consommation, juste au moment où la demande pour ces produits a bondi. Étant donné le caractère mondial des chaînes d’approvisionnement, jusqu’à ce que la pandémie se résorbe partout dans le monde, ce genre de pénuries et de perturbations risque de persister.
  • Les prix des véhicules neufs ont augmenté plus tôt au cours de la pandémie, mais leur progression n’est que de 1,6 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie (février 2020). Par contre, les prix des véhicules d’occasion ont grimpé de plus de 20 % depuis le début de la pandémie, tendance probablement attribuable à la nouvelle offre limitée chez les concessionnaires ainsi qu’au refus des consommateurs de modifier leurs marques et leurs modèles préférés.
  • Par ailleurs, les entreprises sont déjà en train de réduire leur dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondiales. Cela les rendra moins vulnérables, mais pourrait aussi avoir pour effet de faire augmenter les prix à moyen et à long terme pour elles-mêmes et pour les consommateurs. Cela pourrait aussi rendre les exportateurs moins concurrentiels.
  • Il en va de même pour le Canada. La pénurie mondiale de semi-conducteurs a entraîné un ralentissement de la production dans le secteur de l’automobile. Depuis décembre 2020, les ventes des fabricants de véhicules automobiles et de pièces de rechange ont chuté de 14 % et de 7 % respectivement. 
  • Les fabricants puisent dans leurs stocks existants pour faire face à ces pénuries d’intrants. Les stocks du secteur de la fabrication de matériel de transport sont à leur plus bas niveau depuis le milieu de 2019, en raison d’une baisse des stocks restants de matières premières et d’autres fournitures. Il faudra probablement encore plusieurs mois pour résoudre ces problèmes d’approvisionnement. Entre-temps, la réouverture de l’économie risque de continuer à alimenter la pression sur les prix dans ces secteurs. 

Q8. Se dirige-t-on vers un supercycle des produits de base?

  • Les marchés des produits de base ont encore le vent dans les voiles (graphique 9). Le cuivre, considéré comme un indicateur de la croissance économique mondiale, a récemment atteint des sommets records à l’instar du bois d’œuvre, du canola, du minerai de fer et du palladium. Cette hausse persistante des prix incite à penser qu’un nouveau supercycle des produits de base est en cours.
  • Toutefois, les supercycles des produits de base sont peu nombreux et très espacés. Ils peuvent durer une décennie ou plus et découlent d’une transformation structurelle de la demande à laquelle l’offre tarde à répondre. La demande massive générée par l’industrialisation chinoise est l’élément qui caractérise le supercycle le plus récent, qui a duré du milieu des années 1990 à la fin des années 2000. Cette fois-ci, les mesures de relance budgétaire, le processus de transition vers les énergies propres et le récent sous-investissement dans le secteur des produits de base sont les principaux facteurs qui conduisent à invoquer un supercycle. 
  • Nous avons le sentiment que, pour la plupart des produits de base, les fluctuations récentes sont attribuables à un décalage temporaire entre l’offre et la demande. Stimulée par l’annonce de mesures de relance budgétaire ambitieuses, la reprise économique mondiale a été beaucoup plus forte que prévu. D’autre part, les contraintes de production et les perturbations des chaînes d’approvisionnement causées par la pandémie continuent de faire grimper les prix. Enfin, des forces financières se sont conjuguées pour amplifier ces déséquilibres. Notamment, la faiblesse du billet vert et la hausse des attentes d’inflation ont stimulé l’appétit spéculatif pour le complexe des produits de base.
  • Dans ce contexte, les forces qui influent sur les prix pourraient effectivement persister jusqu’à la fin de l’année, mais sans que cela remette en question leur nature temporaire. Par exemple, l’OPEP+ réduit progressivement ses quotas de production alors que la demande augmente. Par ailleurs, l’ensemencement et la superficie exploitée devraient réagir à la flambée des prix des cultures. Les marchés de l’habitation aux États-Unis manifestent les signes précurseurs d’un ralentissement, qui atténuera la pression sur les marchés du bois d’œuvre au cours des prochains trimestres, ce qui coïncidera également avec une lente remontée de la production dans les scieries. Tranchant avec ce comportement, la Chine, qui a joué un rôle clé dans le marché haussier des produits de base, a été l’une des premières économies à resserrer ses leviers d’intervention. Une diminution de la demande de produits de base en Chine devrait s’ensuivre.
  • Il s’agit là d’une perspective globale, mais certains segments du secteur des produits de base ont souffert d’un sous-investissement qui aura des effets plus persistants. Les marchés du cuivre en sont un bon exemple. Non seulement le métal devrait-il être l’un des principaux bénéficiaires d’une augmentation des dépenses dans les infrastructures vertes, mais l’absence de développement minier ces dernières années entraînera probablement une pénurie à moyen terme. Cela pourrait jeter les bases d’un supercycle du cuivre et de certains métaux de base comparables, surtout si ces plans de relance budgétaire vont de l’avant. Même s’il est encore tôt, on ne peut en dire autant d’autres parties du complexe, comme l’énergie et l’agriculture, où les délais d’exécution des projets d’investissement sont plus courts et où la productivité a augmenté au cours de la dernière décennie.  

Q9. Les pressions inflationnistes seront-elles soutenues? 

Graphique 9 : Les taux réels demeurent négatifs
Ce graphique montre les taux réels quotidiens (indexés sur l’inflation, en pourcentage) des obligations du Trésor à 5 ans et à 10 ans de janvier 2020 à mars 2021. Les taux réels ont glissé en territoire négatif depuis le début de la pandémie. Le taux des obligations à 10 ans a affiché une certaine progression au cours des dernières semaines, passant d’un creux d’environ -1,0 % au début de février à 0,6 % en mars. Le taux des obligations à 5 ans a moins fluctué, passant d’un creux de -1,8 % en février à -1,7 % en mars.
  • C’est la question la plus souvent posée, mais celle à laquelle il est le plus difficile de répondre. Après dix ans d’inflation inférieure à la cible de 2 % de la Fed, la combinaison des mesures de relance budgétaire et monétaire sans précédent et des contraintes d’approvisionnement liées à la pandémie aura presque certainement pour effet de maintenir l’inflation américaine au-dessus de cette cible jusqu’à la fin de l’année et vraisemblablement au-delà. Toutefois, les goulets d’étranglement de l’offre ne dureront pas éternellement et les contraintes du marché du travail devraient diminuer à mesure que la pandémie s’estompera et que les politiques de soutien extraordinaires diminueront. Par-dessus tout, après la montée en flèche de la demande qui accompagnera la réouverture de l’économie, la croissance devrait revenir à la normale et exercer moins de pression à la hausse sur les prix. Il est difficile de déterminer le moment exact où cela se produira, mais aussi longtemps que les attentes d’inflation demeurent bien ancrées – ce qui semble être le cas –, l’inflation devrait revenir à 2 % à moyen terme.
  • En avril, l’inflation selon l’IPC aux États-Unis a augmenté à 4,2 % sur 12 mois, tandis que l’inflation de base (alimentation et énergie exclues) s’est accélérée pour atteindre 3 %, son taux le plus élevé depuis 1996. Toutefois, une partie de la hausse s’explique par le bas niveau des prix d’il y a un an qui servent de point de comparaison (c.-à-d. les effets de l’année de base). Par rapport au niveau des prix d’avant la récession en février 2020, les prix à la consommation de base ont fait un gain modéré de 2,2 %. 
  • Nous prévoyons que les pressions inflationnistes continueront de refléter les disparités entre l’offre et la demande au cours des prochains mois. Alors que les Américains vaccinés commençaient à se déplacer dans le pays et à dépenser dans les services, la capacité de plusieurs secteurs ne leur a pas donné la chance d’y répondre. Il faut bien admettre que ces secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration avaient subi un contrecoup lorsque, après s’être préparés à relancer leurs activités, ils s’étaient heurtés à une nouvelle propagation du virus. Pour que l’offre puisse s’ajuster, il faut donc que les entreprises aient confiance dans la durabilité de cette demande et disposent de suffisamment de temps pour régler la dotation en personnel, l’équipement et les processus.
  • Malheureusement, on n’a jamais observé dans le passé, particulièrement depuis que les banques centrales ont commencé à cibler un taux d’inflation, une période où la demande s’est déplacée aussi rapidement entre les biens et les services, en raison des contraintes imposées par une pandémie persistante (fermetures d’écoles et d’entreprises qui, ayant réduit leur personnel, doivent maintenant procéder rapidement à des embauches). 
  • Pour cerner les pressions inflationnistes, en particulier dans le secteur des services, les économistes se tournent habituellement vers l’excédent de main-d’œuvre et les tensions salariales. Comme de nombreuses tendances en temps de pandémie, les signaux sont contrastés.
  • Au Canada, les pressions inflationnistes ont été modérées jusqu’à maintenant, bien qu’elles se soient accélérées en avril. L’inflation globale des prix à la consommation a augmenté pour s’établir à 3,4 % sur 12 mois en avril, contre 2,2 % en mars, cette hausse étant principalement attribuable aux prix de l’énergie.
  • Les prix de base ont aussi augmenté en avril; deux des trois mesures privilégiées par la Banque du Canada, IPC-tronq et IPC-méd, ont atteint 2,3 % en avril, contre 2,1 % en mars. La mesure IPC-comm a également progressé, passant de 1,5 % en mars à 1,7 %.

Q10. Comment les banques centrales réagissent-elles à la perspective d’une hausse de l’inflation?

Graphique 10 :  Le graphique montre l’indice de croissance des salaires de la Banque fédérale de réserve d’Atlanta, qui suit les salaires médians de groupes comparables (en apportant des corrections pour tenir compte des changements de composition qui peuvent fausser les mesures comme les gains horaires moyens). La croissance des salaires sur 12 mois est demeurée assez stable, à environ 3,5 % pour les travailleurs hautement et moyennement spécialisés, mais parmi les travailleurs à bas salaires, elle a récemment grimpé à 3,5 %, après avoir fléchi à 3 % plus tôt durant la pandémie.
  • Comme les données économiques aux États-Unis et au Canada dépassent les attentes, ces économies auront besoin de moins de temps pour se remettre complètement de la pandémie. La Réserve fédérale et la Banque du Canada (BdC) ont répondu à l’afflux de données positives en révisant à la hausse leurs prévisions économiques pour cette année et au-delà.
  • Du côté de la Réserve fédérale, le résumé des projections économiques montre que l’électeur médian de la Fed estime que le taux de chômage sera inférieur au niveau de plein emploi en 2022 et que l’inflation de base selon les dépenses personnelles de consommation est en voie de s’accélérer pour dépasser les 2 % cette année. Compte tenu de ces perspectives, la Fed aura rempli son mandat général d’ici la fin de 2022, soit un an plus tôt qu’elle l’avait prédit. 
  • Ces perspectives économiques impliqueraient normalement que la Fed commence à relever son taux directeur à la fin de 2022. Même si la Fed hésite à l’admettre, nous prévoyons provisoirement une première hausse à ce moment-là. Plus important encore, les cours du marché reflètent cette probabilité, ce qui influe directement sur les taux des obligations d’État. Par extension, le taux des obligations à 10 ans devrait augmenter à 2 % d’ici la fin de l’année, pour atteindre environ 2,40 % l’an prochain (graphique 11). 
  • Nos prévisions pour la Banque du Canada sont semblables à celles de la Fed. Dans son récent Rapport sur la politique monétaire (RPM), la Banque a révisé à la hausse ses perspectives, en indiquant que l’économie était en bonne voie pour se rétablir complètement de la pandémie au deuxième semestre de 2022. Dans le RPM précédent, elle s’attendait à ce que cet objectif soit atteint seulement en 2023. Cela ouvre la possibilité que la BdC hausse les taux en même temps que la Fed à la fin de l’année prochaine. C’est le facteur qui explique la progression des taux au Canada. Comme le taux des obligations du gouvernement du Canada à 10 ans s’établit à 1,5 %, cette avenue est conforme à notre point de vue quant au début de la phase cyclique de remontée des taux. Au cours des prochains mois, nous nous attendons à ce que cette fixation des prix se raffermisse et pousse le taux des obligations à 10 ans à près de 2 % d’ici à la fin de l’année et à 2,25 % d’ici à la fin de l’année prochaine. 
  • Autre élément qui étaye nos prévisions relatives aux taux : on s’attend à ce que les banques centrales apportent des ajustements importants à leurs programmes d’assouplissement quantitatif. Déjà, la Banque du Canada a réduit le montant de ses achats hebdomadaires d’obligations d’État (à 3 milliards de dollars canadiens par semaine). De son côté, la Fed n’a pas signalé de changement de politique et a augmenté son bilan de 120 milliards de dollars américains par mois. Elle maintient son engagement en matière d’assouplissement quantitatif jusqu’à ce que « des progrès importants aient été réalisés à l’égard des objectifs d’emploi maximal et de stabilité des prix du Comité ». Bien que l’économie soit toujours en transition, nous croyons que, d’ici à la fin de l’année, les « progrès importants » souhaités par la Fed auront été réalisés. Par conséquent, nous prévoyons un changement dans les déclarations qui pourrait alimenter la volatilité des taux.   

Q11. Le dollar canadien peut-il encore s’apprécier? 

Graphique 11 :  Le graphique montre les taux historiques des obligations d’État à 10 ans aux États-Unis et au Canada de 2017 à 2021 ainsi que les taux prévus de 2021 à 2022. Les taux américains et canadiens ont tous deux atteint de nouveaux creux au début de la pandémie, avant de remonter au milieu de 2020. Les lignes pointillées indiquent des taux prévus en légère hausse pendant le reste de 2021 et en 2022, le taux américain augmentant à 2,4 % et le taux canadien, à 2,3 %, comparativement à leurs valeurs historiques les plus récentes de 1,6 % et de 1,5 % respectivement.
  • Oui, mais pas beaucoup. Le dollar canadien a été la monnaie la plus performante du G10 par rapport au dollar américain cette année. Cette situation est attribuable à deux facteurs qui jouent fermement en sa faveur. Le premier concerne la Banque du Canada. Comme nous l’avons vu, elle a dévoilé l’abandon anticipé des objectifs de la politique monétaire, et la clarté de ses intentions contraste avec celle de la Fed. Pour cette raison, les participants au marché font beaucoup plus confiance à la BdC qu’à la Fed pour ce qui est d’intégrer dans leurs prix la perspective d’une hausse des taux. Par conséquent, les taux des obligations canadiennes dont l’échéance va jusqu’à 5 ans sont plus élevés que les taux américains équivalents, ce qui favorise la demande de dollars canadiens. La dernière fois que les écarts de taux ont favorisé le Canada à ce point, le huard a culminé à 84 cents américains, comparativement à 83 cents américains aujourd’hui.
  • Le deuxième phénomène qui influe sur le dollar canadien est la montée en flèche des prix des produits de base, qui, comme mentionné plus tôt, repose sur un facteur un peu plus imprévisible (graphique 12). Depuis le début de l’année, les indices des produits de base de la Banque du Canada (énergie et hors énergie) ont progressé de 37 % et de 21 % respectivement. Le dollar canadien a toujours été une monnaie associée aux produits de base pour les investisseurs internationaux, et rien n’a changé à cet égard. Les ressources abondantes du Canada en produits de base sont associées à une hausse des volumes d’exportation et des prix parmi les fabricants canadiens. 
  • Comme les différentiels de taux d’intérêt indiquent déjà que la BdC précédera la Fed et que les prix des produits de base ont beaucoup augmenté, le huard a un potentiel d’appréciation limité par rapport au billet vert. Toutefois, entre ces deux facteurs, le cycle des produits de base est le plus grand impondérable, et il pourrait entraîner une hausse de la devise sans rapport avec les paramètres fondamentaux. Nous sommes dans l’idée qu’une telle appréciation rendrait la Banque du Canada mal à l’aise, surtout si elle pénalise les exportations canadiennes à l’extérieur du secteur des produits de base. Même si la Banque n’a pas de pouvoir direct sur la devise, elle pourrait utiliser ses communications pour tenter de réduire les attentes du marché.

Avis de non-responsabilité