Énoncé économique fédéral de 2023

Derek Burleton, économiste en chef adjoint | 416-982-2514
James Orlando, CFA, directeur général et économiste principal | 416-413-3180 
Likeleli Seitlheko, économiste

date publiée : 21 novembre 2023

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Faits saillants

  • Une position favorable a donné au gouvernement une plus grande marge de manœuvre budgétaire à court terme, mais une révision à la baisse de ses perspectives de croissance pour 2024, de nouvelles promesses quant aux dépenses par rapport au budget de 2023 et les hausses de taux d’intérêt ont entraîné une détérioration nette de l’équilibre budgétaire, surtout au cours des prochaines années. 
  • Il n’y a eu presque aucune surprise en ce qui concerne les initiatives. De nouvelles mesures de dépenses totalisant 15,9 milliards de dollars (G$) ont été annoncées, dont 6,2 G$ pour l’amélioration de l’offre de logements et 8,5 G$ pour un appui industriel de la chaîne d’approvisionnement des batteries de véhicules électriques et d’autres investissements dans l’économie verte annoncés depuis le budget de 2023.
  • Malgré la hausse du profil de déficit prévu à moyen terme, le déficit accumulé du gouvernement devrait tout de même suivre une trajectoire baissière au cours des cinq prochaines années. En plus de cet objectif, le gouvernement s’est engagé à maintenir le déficit au plus à 1 % au-dessus du PIB au cours des prochaines années. 

Déficits en période de ralentissement de la croissance économique

Le graphique 1 compare le déficit du gouvernement dans l’énoncé de l’automne au budget de 2023, de 2022-2023 à 2028-2029. Il montre que le déficit s’accroît au fil du temps.

Dans ses perspectives budgétaires ajustées, le gouvernement bénéficie d’un meilleur point de départ, grâce à un déficit inférieur de 8 G$ aux prévisions budgétaires de l’an dernier pour l’exercice 2022-2023. Toutefois, cette amélioration permet une certaine détérioration de l’équilibre budgétaire dans les prévisions, surtout dans les prochaines années. Le manque à gagner prévu du gouvernement cette année et l’année prochaine reste presque identique à celui indiqué dans le budget du printemps, puis on note une érosion cumulative de 20 G$ entre l’exercice 2024-2025 et 2027-2028 (graphique 1). Le déficit du gouvernement en pourcentage du PIB diminue tout de même et devrait s’établir à environ 0,5 %, conformément au budget de 2023. 
La ministre a annoncé aujourd’hui l’ajout d’une nouvelle cible budgétaire à son engagement de longue date à réduire le fardeau de la dette, selon laquelle le ratio de la dette au PIB ne doit pas dépasser 1 %.
Les changements apportés aux projections économiques du gouvernement expliquent en partie la révision des perspectives budgétaires. Bien que les prévisions de croissance nominale du PIB aient été revues à la hausse pour 2023 en fonction des attentes du secteur privé (de 0,8 % à 2,0 %), les perspectives de croissance ont été réduites en 2024 (de 3,6 % à 2,4 %). Ce dernier ajustement devrait peser sur les gains de revenus au cours de la prochaine année. Ces chiffres s’alignent sur ceux des Services économiques TD. Toutefois, la croissance nominale moyenne prévue de 4,3 % est un peu plus optimiste que celle à laquelle nous nous attendons. 

Les nouvelles mesures politiques sont relativement modestes, principalement axées sur les dépenses, et on ne verra la plupart qu’après l’exercice 2024-2025. Les nouvelles dépenses visant à stimuler l’offre de logements et les détails des mesures de soutien d’une économie propre annoncées précédemment sont un élément central de l’énoncé économique fédéral d’aujourd’hui. Ces programmes représentent de nouvelles dépenses de 15,9 G$ entre 2023 et 2029 et s’ajoutent aux politiques déjà annoncées de subventions pour les véhicules électriques et les logements construits expressément pour la location. La plupart de ces dépenses ont été reportées à après l’exercice 2024-2025 dans le budget. 

Malgré le coût des nouveaux engagements moins élevé que bon nombre d’observateurs ne l’avaient probablement prévu, les dépenses de programmes en pourcentage du PIB devraient tout de même dépasser 15 % sur l’horizon prévisionnel, comparativement à environ 14 % avant la pandémie.

Les frais d’intérêt devraient constituer un autre important obstacle au plan budgétaire à moyen terme du gouvernement. Le gouvernement a révisé à la hausse son hypothèse à l’égard du taux directeur de la Banque du Canada (de 100 points de base [pdb] cette année, et en supposant que le taux demeurera en moyenne 25 pdb plus élevé au cours des quatre prochaines années). Par conséquent, les frais du service de la dette devraient augmenter à un peu moins de 60 G$ d’ici l’exercice 2027-2028, comparativement aux prévisions budgétaires du printemps de 50 G$. En pourcentage des revenus, les frais d’intérêt devraient passer d’environ 1 %, soit le creux touché lors de la pandémie, à 1,8 %. 

Ces projections comportent beaucoup de risques. Les prévisions économiques du gouvernement reflètent celles d’un atterrissage en douceur où l’économie éviterait une récession. Bien que ce scénario de base soit logique compte tenu de la résilience de l’économie ces deux dernières années, si l’économie devait se contracter conformément au scénario de baisse du gouvernement, les besoins d’emprunt augmenteraient considérablement. Les déficits en pourcentage du PIB atteindraient alors un sommet de 1,8 % en 2024-2025, avant de tomber à 0,7 % en 2028-2029.

Résumé de nouvelles mesures importantes

Plan d’action canadien pour le logement : Des mesures ont été prises pour accélérer le développement si nécessaire de l’offre de logements au Canada, notamment afin de suivre le rythme de l’augmentation de la population. La principale mesure est l’offre par le gouvernement de 15 G$ en nouveaux prêts pour soutenir directement la construction de plus de 30 000 nouveaux logements. Le Fonds pour le logement abordable versera un montant supplémentaire de 1 G$ sur trois ans (à compter de 2025-2026) pour soutenir la construction de 7 000 nouveaux logements par des organismes sans but lucratif, des coopératives et des fournisseurs de logements publics d’ici 2028. L’énoncé indique également que le gouvernement lie l’accès aux fonds d’infrastructures aux efforts des provinces pour accroître l’offre de logements, l’élimination de la TPS sur les nouveaux logements locatifs de coopératives, l’aide de la Banque de l’infrastructure du Canada pour les logements et les mesures pour sévir contre les locations à court terme, qui limitent l’offre sur le marché. Les dépenses totales s’élèveront à 6,2 G$.

Soutenir une classe moyenne forte : Ces mesures comprennent des efforts visant à stabiliser les prix au Canada en s’attaquant aux prix abusifs des sociétés et aux prix élevés en épicerie, en réduisant les impôts relativement aux services de santé mentale et en suspendant temporairement la tarification fédérale de la pollution sur le mazout de chauffage. Bien que ces mesures ne représentent que 168 M$ de dépenses, elles pourraient grandement contribuer à la qualité de vie des Canadiens, surtout si elles arrivent à réduire les pressions inflationnistes. 

Bâtir une économie qui fonctionne pour tous les Canadiens : Cette orientation comprend des mesures pour soutenir la croissance du segment de l’économie propre. Un volet important concerne les répercussions budgétaires nettes des mesures de soutien industriel aux investissements dans les technologies propres annoncés depuis le budget de 2023. Ces ententes comprennent celles visant les usines de fabrication de batteries pour les véhicules électriques de Stellantis-LGES et Volkswagen, qui recevront des subventions de production allant jusqu’à 15 G$ et 13 G$, respectivement, du gouvernement fédéral et de l’Ontario. Selon l’énoncé, les mesures de soutien industriel devraient coûter au gouvernement fédéral 8,5 G$ de l’exercice 2023-2024 à l’exercice 2028-2029. De plus, le gouvernement s’est engagé à verser 853 M$ de 2023-2024 à 2028-2029 pour élargir l’admissibilité au crédit d’impôt de 30 % pour l’investissement dans les technologies propres et au crédit d’impôt de 15 % pour l’électricité propre afin d’inclure les systèmes qui génèrent de l’électricité et de la chaleur à partir de la biomasse résiduelle. Les dépenses totales liées à ces mesures s’élèveront à 9,4 G$ de l’exercice 2023-2024 à l’exercice 2028-2029.

Conclusion

Le gouvernement fédéral a profité de l’amélioration de sa situation dans l’exercice actuel pour mettre à profit une part de sa marge de manœuvre et suivre des priorités ciblées dans cet énoncé économique. Pourtant, en raison du ralentissement imminent et du fardeau croissant que représentent les taux d’intérêt plus élevés, il a abandonné tout espoir d’accumuler un excédent à tout moment au cours de la période prévisionnelle. Heureusement, le gouvernement est en position de force, puisqu’il a maintenu le meilleur ratio de la dette nette au PIB de tous les pays du G7. Même s’il y avait un certain espoir que le gouvernement tire parti de cet avantage, les nouvelles dépenses, qui sont modestes en regard de celles annoncées dans les récents budgets et les énoncés budgétaires publiés après la pandémie, se traduiraient par une perte de munitions pour lutter contre un éventuel ralentissement économique. 

Beaucoup de questions seront posées sur la façon dont l’inflation augmentera en conséquence, comme en témoignent les récentes observations du gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, sur l’exacerbation par les gouvernements fédéral et provinciaux du problème que pose l’inflation. De toute évidence, l’augmentation des dépenses prévue dans le plan du gouvernement ne change pas grand-chose dans ce scénario. Néanmoins, sa décision de ne pas se soucier des nouvelles dépenses pour l’année en cours ou de reporter les initiatives dans l’horizon budgétaire indique que le gouvernement comprend sa situation. 

L’économie canadienne a fortement ralenti depuis la publication du budget de 2023, et cette tendance devrait se poursuivre, car l’endettement élevé des ménages limite les dépenses de consommation. Nous prévoyons des pertes d’emplois au début de 2024, l’économie frôlant la récession. On entrevoit un risque que les finances du gouvernement soient mises à rude épreuve. Même si le gouvernement s’attend à ce que le ratio de la dette au PIB diminue au cours de l’horizon prévisionnel, si l’économie devait fléchir plus que prévu, sa situation budgétaire pourrait être malmenée.

 

Tableaux


Tableau 1 : Énoncé économique de l’automne 2023 – Résumé
Milliards de dollars, sauf indication contraire

 
Remarque : Les chiffres ayant été arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué.
Source : Ministère des Finances, gouvernement du Canada et Services économiques TD.
Fiscal Year 22-23 23-24 24-25 25-26 26-27 27-28 28-29
Budgetary Revenues 447.8 456.2 483.4 502.4 527.4 551.0 573.8
  Program Expenses 438.6 442.2 466.8 484.8 499.4 515.5 534.1
  Public Debt Charges 35.0 46.5 52.4 53.3 55.1 58.4 60.7
Total Expenditures 473.5 488.7 519.2 538.1 554.5 573.9 594.8
Budgetary Balance Before Net Actuarial Losses -25.7 -32.5 -35.8 -35.7 -27.1 -22.8 -20.9
Budget Balance  -35.3 -40.0 -38.4 -38.3 -27.1 -23.8 -18.4
Per Cent of GDP              
Budgetary Revenues 15.9 15.9 16.5 16.4 16.5 16.5 16.5
Program Expenses 15.6 15.4 15.9 15.8 15.6 15.4 15.3
Public Debt Charges 1.2 1.6 1.8 1.7 1.7 1.7 1.7
Budget Balance -1.3 -1.4 -1.3 -1.2 -0.8 -0.7 -0.5
Federal Debt 41.7 42.4 42.7 42.2 41.2 40.2 39.1
Budget Balance - Downside Scenario  -35.3 -45.1 -51.2 -50.6 -36.4 -29.7 -24.2
Per Cent of GDP - Downside Scenario              
Budget Balance -1.3 -1.6 -1.8 -1.7 -1.1 -0.9 -0.7
Federal Debt   41.7 42.7 44.2 44.0 42.9 41.8 40.8

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