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Les marchés se préparent à une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt sous l’administration Trump

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Thomas Feltmate, directeur et économiste principal | 416-944-5730
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date publiée: 6 novembre, 2024

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Résumé des résultats de l’élection et de la réaction des marchés des capitaux

  • À 11 h (HE), Donald Trump avait obtenu 277 des 538 votes du collège électoral, devenant ainsi le 47e président. Même si le dépouillement des bulletins de vote est toujours en cours, il semble que le président Trump a aussi remporté le vote populaire, un fait qui ne s’est pas produit pour un président républicain depuis l’élection de George W. Bush en 2004. 
  • Les républicains ont aussi pris le contrôle du Sénat, obtenant 52 des 100 sièges. Il reste toujours 6 sièges en jeu, ce qui laisse de la marge de manœuvre aux républicains pour gagner un peu plus de terrain au Sénat une fois que les derniers votes auront été comptabilisés. Peu importe le dénouement, une Chambre haute contrôlée par les républicains facilitera grandement la tâche du président Trump lorsque l’approbation du Sénat sera nécessaire dans la nomination de personnes clés.  
  • En revanche, le contrôle de la Chambre des représentants demeure incertain, 57 sièges n’étant toujours pas attribués. Au moment d’écrire ces lignes, l’Associated Press indiquait que les républicains avaient obtenu 198 des 218 votes requis. Toutefois, il est possible que le résultat concernant la Chambre des représentants ne soit pas connu avant quelques jours, ce qui crée une certaine ambiguïté quant à la mesure dans laquelle le programme de M. Trump sera mis en œuvre, car l’approbation du Congrès est requise pour la modification des impôts et des dépenses. 
  • Les marchés des capitaux ont réagi rapidement, poursuivant leurs mouvements amorcés juste avant l’élection. L’indice S&P 500 a inscrit un gain de près de 2 % aujourd’hui. Les taux obligataires sont également en hausse, les obligations à 10 ans du Trésor américain ayant progressé de 17 points de base (pdb) ce matin. Les contrats à terme standardisés sur fonds fédéraux sont relativement inchangés pour le reste de 2024, laissant toujours entrevoir une réduction du taux cible de 25 pdb demain, suivie d’une autre baisse de 25 pdb en décembre (selon une probabilité de près de 70 %). De plus, les cours ont augmenté de près de 20 pdb, ce qui signifie que les marchés s’attendent à ce que la baisse des impôts et la hausse des droits de douane relèvent en quelque sorte le taux neutre de la Réserve fédérale américaine (Fed). Par ailleurs, il est fort probable que la prime de risque liée à la dette américaine augmente, chose que l’on craignait en raison d’un déficit budgétaire potentiellement plus important. Le dollar américain a poursuivi sa progression par rapport à la plupart des devises, la mesure pondérée en fonction des échanges ayant augmenté de près de 2 % ce matin (graphique 1). La plupart des gains du billet vert sont réalisés par rapport au peso mexicain et à l’euro (en baisse d’environ 2 % chacun).   
  • Nous modifions nos prévisions à l’égard de la Fed puisqu’une hausse de l’inflation ralentira les réductions de taux en 2025. Nous nous attendons maintenant à ce que la Fed réduise son taux cible de 25 pdb demain, en décembre et en janvier, puis à ce qu’elle marque une pause en mars. Elle poursuivra ce schéma de réductions-pause-réductions tout au long de 2025, ce qui se traduira par un taux des fonds fédéraux de 3,5 % à la fin de 2025, en hausse par rapport à 3,0 %. Au premier semestre de 2026, nous prévoyons que la Fed ramènera son taux cible à 3,0 %; ainsi, nous n’entrevoyons aucun changement de taux neutre, seulement qu’il lui faudra plus de temps pour l’atteindre.
Taux obligataires: flèche pointant vers le haut, Marché boursier: flèche pointant vers le haut, Dollar américain: flèche pointant vers le haut.

Et si les républicains remportaient aussi la Chambre… 

  • Nous nous attendons à ce qu’un Congrès républicain impose un certain contrôle budgétaire au président Trump, limitant l’adoption de l’ensemble des réductions d’impôt de 10 000 milliards de dollars qu’il a proposées durant sa campagne.
      La mise en œuvre complète des mesures de M. Trump creuserait davantage le déficit.
    • Il est probable que l’administration Trump puisse prolonger une grande partie – sinon la totalité – des mesures de la Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) de 2017 qui doivent expirer à la fin de 2025. Il en coûterait environ 4 500 milliards de dollars. Si les républicains n’obtiennent qu’une faible majorité au Sénat, ils devront vraisemblablement recourir à la conciliation et fixer une autre échéance à une date ultérieure. Enfin, le fait de prolonger les mesures de la TCJA permet d’éviter un resserrement budgétaire plutôt que d’élargir les mesures d’assouplissement budgétaire. Comme nos prévisions supposent le statu quo à l’égard de la politique actuelle, même la prolongation des mesures de la TCJA dans son intégralité a peu de chances d’améliorer davantage les perspectives.
    • Il est peu probable que les promesses coûteuses – comme éliminer le plafond de la déduction au titre de l’impôt des États et des municipalités, éliminer l’impôt sur les prestations de sécurité sociale et les heures supplémentaires, réduire le taux d’imposition des fabricants américains – soient acceptées, mais elles ne peuvent être complètement écartées.
  • M. Trump a également déclaré qu’il éliminerait bon nombre des crédits d’impôt pour l’énergie propre prévus au titre de l’Inflation Reduction Act (IRA) de 2022. Concrétiser ces promesses sera plus difficile, étant donné que 75 % des investissements découlant de l’IRA ont été versés à des États républicains et que la modification de la Loi nécessiterait l’approbation du Congrès.
  • Toutefois, le président a toute la latitude nécessaire en ce qui a trait aux droits de douane. Une version de cette promesse sera tenue. Afin d’aider à financer les réductions d’impôt proposées ci-dessus, M. Trump a suggéré d’imposer des droits de douane universels de 10 % à tous les pays exportateurs vers les États-Unis et des droits de douane de 60 % à la Chine. Or, malgré le potentiel de revenus supplémentaires, le déficit fédéral augmenterait toujours de 7 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie (en supposant la mise en œuvre de toutes les promesses fiscales énoncées par M. Trump). Si seules les mesures de la TCJA sont prolongées parallèlement à l’imposition de tous les droits de douane, le déficit se creuserait davantage par rapport à la base de référence actuelle du Congressional Budget Office, mais beaucoup moins que ce que prévoit le scénario de rechange (graphique 2). 
  • La mise en œuvre complète des mesures de M. Trump creuserait davantage le déficit.
  • D’un point de vue juridique, il semble que le président Trump ait le pouvoir de mettre en œuvre les droits de douane comme il le juge approprié. En 2018, M. Trump s’est prévalu de l’article 232 de la Trade Expansion Act de 1962 pour imposer d’importants droits de douane sur l’acier et l’aluminium, puis les a réduits ou éliminés à la suite de négociations avec certains pays. Il a également invoqué l’article 301 de la Trade Act de 1974 pour imposer des droits de douane à la Chine et à l’Union européenne.
    • Pendant son second mandat, M. Trump invoquera probablement l’Internationale Emergency Economic Powers Act, qui lui donnera le pouvoir d’imposer des droits de douane plus rapidement et plus largement. Nous nous attendons à ce que M. Trump agisse rapidement pour mettre en œuvre les droits de douane.
    • La grande question est de savoir si certains pays profiteront d’exemptions particulières. Un exemple évident serait le Canada et le Mexique, qui sont techniquement tous deux visés par un accord commercial en vigueur (Accord Canada–États-Unis–Mexique) qui a été adopté par l’administration Trump lors de son précédent mandat. Il est possible que le Canada et le Mexique demeurent à l’abri des droits de douane, dans la mesure où ils emboîtent le pas aux États-Unis et imposent des droits de douane similaires contre la Chine.
    • Quant à la Chine, M. Trump rompra vraisemblablement les relations commerciales normales et permanentes avec celle-ci, qui avaient été adoptées après l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001 et qui avaient entraîné une importante réduction des droits de douane. L’annulation de ces relations ferait passer les droits de douane de la Chine de 19 % à 61 %. Une telle décision nécessite l’approbation du Congrès. 
    • Si l’ensemble des droits de douane de M. Trump est mis en œuvre au début de 2025, nos estimations pointent vers une variation sur 12 mois de l’inflation de base des dépenses personnelles de consommation qui pourrait être supérieure de 50 à 100 pdb d’ici la fin de l’année prochaine par rapport à notre niveau de base actuel qui suppose une inflation revenue à la cible de 2 %.
  • En cas de mise en œuvre complète et simultanée des propositions de politique de M. Trump, notre analyse indique que le ralentissement de la croissance économique, combiné au resserrement de la sécurité aux frontières et à la possible expulsion de millions d’immigrants, serait nettement supérieur à l’élan de croissance découlant des réductions d’impôt.

      Les rendements historiques des marchés boursiers.

    • Il en découlerait un affaiblissement de la croissance de l’économie américaine, qui enregistrerait des déficits, une inflation et des taux d’intérêt structurellement plus élevés.
    • Aucune nouvelle administration n’aspire à une telle combinaison; c’est pourquoi de nombreux analystes croient qu’il y aura une approche tactique plus large à l’égard des droits de douane afin de créer un espace de négociation qui exercera des pressions sur les parties de façon rapide et efficace.
    • Les estimations varient, mais la plupart indiquent que pour chaque point de pourcentage d’augmentation du déficit (mesuré en proportion du produit intérieur brut [PIB]), les taux peuvent augmenter de 15 à 30 pdb à long terme. Une partie de cette hausse a déjà été prise en compte dans les taux des titres du Trésor au cours des dernières semaines, mais ceux-ci pourraient probablement augmenter encore un peu.
  • Nous surveillerons de près la réaction des marchés dans les prochains jours. Si le passé est garant de l’avenir, les discours et les politiques de M. Trump risquent de créer de l’incertitude sur les marchés des capitaux, mais ce scénario repose grandement sur la menace que ces politiques représentent pour l’atterrissage en douceur actuel de l’économie.

Et si les démocrates remportaient la Chambre… 

  • Un Congrès divisé annule complètement bon nombre des réductions d’impôt promises par M. Trump, à l’exception, peut-être, de la prolongation des mesures de la TCJA.
    • Cependant, les démocrates auront vraisemblablement besoin decertaines concessions de la part des républicains, ce qui pourrait prendre la forme du rétablissement du crédit d’impôt bonifié pour enfants (Child Tax Credit ou CTC) ou de la prolongation des primes de crédit d’impôt au titre de l’Affordable Care Act, qui viennent à échéance à la fin de 2025. 
    • Dans les deux cas, le déficit s’alourdirait. Le Committee for a Responsible Federal Budget estime que le rétablissement du CTC à 3 600 $ coûterait plus de 1 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, tandis que la prolongation des primes de crédit d’impôt au titre de l’Affordable Care Act coûterait 400 milliards de dollars. 
  • M. Trump aurait également le pouvoir exécutif de resserrer la sécurité à la frontière en grande partie en rétablissant son programme « restez au Mexique », lancé en 2019, et sa politique du Title 42 qui ont permis aux autorités frontalières américaines d’expulser rapidement les migrants à la frontière du Mexique avant qu’ils puissent demander l’asile. Ces mesures se traduiraient par une baisse du nombre d’immigrants au cours des prochaines années, l’immigration nette se rapprochant vraisemblablement des niveaux de 2019 qui oscillaient autour de 500 000 personnes par année, soit environ le quart du gain prévu pour cette année.
    • Toutefois, il est très peu probable que M. Trump soit en mesure de mettre en œuvre des « expulsions massives », car cela nécessiterait un financement public important, assujetti à l’approbation du Congrès.
  • Quant aux droits de douane, M. Trump adoptera probablement une approche plus modérée. Nous nous attendons à ce qu’il reste ferme à l’égard de la Chine, mais qu’il adoucisse le ton à l’égard de ses alliés et de ses proches partenaires commerciaux. Cette hypothèse s’apparente davantage aux façons de faire de l’administration Trump précédente, où des alliés comme le Canada, le Mexique, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont été en mesure de faire des concessions.
  • Enfin, la suspension du plafond de la dette – négociée dans le cadre de la Fiscal Responsibility Act de 2023 – arrive à échéance le 1er janvier 2025. Dans le cas d’un Congrès divisé, on peut s’attendre à quelques étincelles puisqu’il est peu probable qu’une résolution soit conclue avant la date butoir, d’autant plus que toute augmentation du plafond de la dette sera probablement liée aux négociations visant la TCJA. Cela signifie que le Trésor devra de nouveau recourir à des « mesures extraordinaires » pour maintenir les finances publiques jusqu’au début de 2025. Selon les estimations, le Trésor peut assurer plusieurs mois au Congrès pour négocier une entente, mais plus les États-Unis se rapprocheront de la date fatidique, plus la volatilité s’emparera des marchés des capitaux à l’échelle mondiale. 

Conséquences pour le Canada 

  • Le suspense a fait place à l’inquiétude. Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique en 2020, les échanges commerciaux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique se sont multipliés. Le Canada jouit d’un solide excédent commercial avec les États-Unis, qui représente plus de 7 % de son PIB, principalement grâce aux exportations d’énergie. Le léger surplus des exportations autres que d’énergie est également en hausse depuis la mise en œuvre de l’Accord.
  • Nos recherches montrent que la mise en œuvre complète des droits de douane de 10 % proposés par M. Trump pourrait entraîner une réduction de près de 5 % des volumes d’exportations canadiennes vers les États-Unis d’ici le début de 2027, par rapport à nos prévisions de base actuelles. Les mesures de représailles du Canada augmenteraient les coûts pour les producteurs nationaux et réduiraient les volumes d’importations. 
  • Le fait de ralentir les activités d’importation atténuerait en partie l’impact négatif des échanges commerciaux sur le PIB total, ce qui permettrait d’éviter une récession technique, mais se solderait tout de même par une période de stagnation prolongée jusqu’en 2025 et en 2026.
  • Le coup porté à la croissance pourrait forcer la Banque du Canada (BdC) à réduire les taux d’intérêt de 50 à 75 pdb de plus que ce que nous prévoyons actuellement, creusant l’écart par rapport aux taux américains et exerçant des pressions à la baisse supplémentaires sur le dollar canadien. Nous ne serions pas surpris de voir le huard glisser sous la barre des 70 cents. Ce matin, le dollar canadien a reculé d’environ 1 %, pour se fixer à 0,71 $ US, alors que l’estimation de la BdC est inférieure d’à peine quelques points de base. Les investisseurs intègrent une prime de risque aux obligations canadiennes, comme en témoigne la hausse de plus de 10 pdb des obligations à 10 ans du gouvernement du Canada ce matin.
  • Les droits de douane minent les revenus des Canadiens puisque ces derniers payent plus cher pour les biens d’importation. Un tel contexte se traduirait par une réaccélération temporaire et modeste de l’inflation dans une fourchette de 2,5 % à 3,0 % sur 12 mois avant de revenir à la cible de 2 % de la BdC d’ici 2026.
  • Le secteur de l’automobile serait le plus durement touché. Sa chaîne d’approvisionnement est l’une des plus intégrées et des plus difficiles à diversifier, comme le montre la part de près de 20 % des intrants de biens intermédiaires qui proviennent des États-Unis seulement. Outre ce secteur, l’énergie, la fabrication de produits chimiques, de plastique, de caoutchouc, les produits forestiers et la machinerie sont exposés de façon démesurée au marché américain. Les industries de minerais métalliques et de minéraux non métalliques et le secteur de l’agriculture sont un peu plus protégés; en effet, seulement 25 % et 50 % de leurs exportations, respectivement, aboutissent aux États-Unis.

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