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Perspectives des marchés régionaux de l’habitation au Canada

Négocier un atterrissage en douceur

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067

Diana Petramala, économiste | 416-982-6420

date publiée: 24 août 2017

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Nombre de personnes s’interrogent à propos de l’impact de la réglementation sur les marchés régionaux de l’habitation au Canada et se demandent s’il est raisonnable de s’attendre à un atterrissage en douceur, étant donné la récente dégringolade des achats de logements observée à Toronto. Dans le présent rapport, nous allons nous pencher sur ces questions et sur plusieurs autres qui ont été posées au cours des derniers mois par nos clients et qui portent sur les perspectives régionales de notre marché résidentiel.

Question no 1 : Quel est l’impact des modifications apportées à la réglementation?

Chart 1: Existing Home Sales

Ces 18 derniers mois, les gouvernements fédéral et provinciaux ont apporté un nombre sans précédent de modifications aux politiques qui régissent le marché de l’habitation. Au niveau fédéral, les deux premières modifications importantes ont été le relèvement de la mise de fonds applicable aux propriétés de plus de 500 000 $ pour les emprunteurs ayant besoin d’une assurance hypothécaire, en janvier 2016 et, en octobre de la même année, le resserrement des exigences relatives aux simulations de crise pour les souscripteurs de prêts hypothécaires assurés, ainsi que la modification des règles d’admissibilité aux prêts assurés au moyen d’une assurance de portefeuille. Il s’agit des deux changements réglementaires les plus rigoureux et les plus lourds de conséquences des dix dernières années.

Toutefois, l’impact sur la demande d’habitations a largement déçu. Chaque nouvelle mesure adoptée au niveau fédéral a laissé une marque plus légère que les précédentes sur l’activité des acheteurs. Selon nos estimations, la plus récente modification fédérale a réduit la demande de seulement 2 % à l’échelle du pays. À titre de comparaison, le premier changement réglementaire en 2008 a freiné les ventes d’habitations d’environ 10 % (graphique 1). Cette mesure a relevé la mise de fonds obligatoire, qui est passée de 0 % à 5 % pour les prêts assurés, et réduit la période d’amortissement maximale, qui est passée de 40 ans à 35 ans.

À quoi est-ce dû? En partie, au fait que les changements réglementaires successifs ont eu un impact disproportionné sur les emprunteurs qui avaient besoin d’une assurance hypothécaire. Cela a entraîné une diminution des prêts hypothécaires à rapport prêt-valeur élevé, au profit de prêts hypothécaires conventionnels. Les nouveaux prêts assujettis à une obligation d’assurance hypothécaire représentent aujourd’hui moins de 20 % des prêts hypothécaires nouvellement consentis par les banques à charte, contre 40 % avant 2008. Par conséquent, chaque série de changements réglementaires visait une part de plus en plus restreinte du marché global. Selon les données fournies par la Banque du Canada, les prêts hypothécaires assurés qu’ont octroyés les banques à charte canadiennes ont fortement diminué à la fin de 2016 et au début de 2017, chutant de 43 % par rapport au pic du quatrième trimestre de 2015. Toutefois, les répercussions sur la croissance des prêts hypothécaires et sur le marché ont été plus limitées, les acheteurs s’étant tournés vers les prêts hypothécaires conventionnels.

Chart 2: Home Prices

Alors que les modifications adoptées au niveau fédéral ont perdu de leur efficacité, celles du palier provincial ont porté leurs fruits. Le moment choisi était important, car la mise en œuvre a eu lieu en période de rapide érosion de l’abordabilité des logements. Dans son budget de février 2016, le gouvernement de la C.-B. a fait chuter la demande de logements par des mesures visant à surveiller de près l’investissement étranger et à décourager le stratagème des achats-reventes. Les trois quarts du repli des ventes avaient déjà eu lieu en août 2016, lorsque la province a assujetti les non-résidents à des droits de mutation immobilière de 15 % à Vancouver. Généralement, le marché rebondit dans les six à douze mois suivant l’adoption de ce type de mesures. Comme l’on pouvait s’y attendre, les marchés de Vancouver et de la majeure partie de la C.-B. ont entamé une modeste reprise au début de cette année. Depuis, cette remontée s’est essoufflée en raison de la hausse des taux hypothécaires.

Plus à l’Est, le marché ontarien a connu une certaine effervescence entre janvier et mars 2017, malgré les modifications apportées aux règles hypothécaires par le gouvernement fédéral en octobre dernier. Dans un précédent rapport, nous avons parlé de la façon dont la spéculation a alimenté la forte hausse de la demande et des prix dans la province. Alors que de nombreux observateurs se concentraient sur la demande étrangère, nous avancions que ce n’était pas le seul facteur à l’œuvre sur le marché de Toronto et qu’il fallait tenir compte de l’influence de la spéculation canadienne.

Chart 3: Yield Repricing

En avril, l’Ontario est allé plus loin que la C.-B., adoptant un vaste programme en 16 mesures visant le marché de l’habitation. À notre avis, 3 de ces mesures sont particulièrement susceptibles de déclencher une réponse immédiate du marché : les droits de mutation immobilière de 15 % imposés sur tous les achats réalisés par des non-résidents dans la région élargie du Golden Horseshoe, un contrôle plus rigoureux des loyers et le droit d’imposer une taxe sur les terrains et logements vacants.

Le repli du marché qui s’en est suivi en Ontario (en particulier à Toronto) a été plus prononcé que celui observé en C.-B. (et à Vancouver). Depuis que l’Ontario a adopté ces règles, les reventes de propriétés ont chuté de 33 % (44 % à Toronto). Les reventes de maisons en C.-B. et à Vancouver ont enregistré un recul similaire, mais sur une année complète. Autre facteur de différenciation entre les deux marchés : la forte hausse de l’offre à Toronto (graphique 2). Cette réaction automatique nous conforte dans l’idée que la spéculation d’origine canadienne avait plus de poids sur le marché de la région du Grand Toronto (« RGT ») que sur celui de Vancouver. Par ailleurs, même s’ils ne déclenchent aucun signal d’alarme pour l’instant, les mouvements de prix sont exagérés, comparativement à la situation de la C.-B. Dans la RGT, le prix moyen d’une maison a chuté de 13 % entre la crête et le creux (graphique 3), et les banlieues ont été touchées de manière disproportionnée par les changements réglementaires. Jusqu’ici, le prix corrigé des variations saisonnières et ajusté en fonction de la qualité d’une maison unifamiliale a baissé de 6,6 % dans la RGT et de 11,4 % à Oakville-Milton, une des plus grandes banlieues de l’Ontario. À titre de comparaison, le prix d’une maison unifamiliale à Vancouver a perdu 3,0 % de la crête au creux sur une période de six mois (juillet 2016-janvier 2017), mais il s’est redressé depuis.

Les décideurs gouvernementaux n’ont pas dit leur dernier mot en ce qui concerne les modifications des règles hypothécaires. Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) souhaite soumettre tous les emprunteurs à une simulation de crise, à un taux supérieur de deux points de pourcentage à leur taux contractuel. Actuellement, les prêteurs sont tenus de soumettre à une simulation de crise au taux des prêts hypothécaires à cinq ans de la Banque du Canada tous les emprunteurs assurés, ainsi que les emprunteurs non-assurés ayant contracté un produit à taux variable, ou ceux-là ayant contracté un produit  à taux fixe dont la durée est inférieure à cinq ans. Cette divergence disparaîtra si les nouvelles mesures sont mises en place, ce qui obligera les acheteurs du premier groupe à ajuster leur comportement en augmentant leur mise de fonds, en optant pour une maison moins chère, en réduisant leurs autres dettes ou en retardant leur achat. Durant l’année de sa mise en œuvre, nous estimons que cette nouvelle règle pourrait réduire la demande de 5 % à 10 % et retrancher entre 2 % et 4 % de nos prévisions actuelles concernant le prix moyen en 2018. Cela s’ajoute aux facteurs qui limiteront la croissance future des prix.

Question no 2: Qu’en est-il de l’investissement étranger?

Aujourd’hui, on connaît mieux la proportion d’acheteurs étrangers sur les marchés de Toronto et de Vancouver:

  • Le gouvernement de la C.-B. a commencé à faire un suivi des acheteurs étrangers en 2016. Il a constaté qu’entre le 10 juin et le 14 juillet 2016, 9,7 % des ventes réalisées dans la région métropolitaine de Vancouver étaient liées à des ressortissants étrangers. Le taux est descendu à 1 % après l’imposition des droits de mutation immobilière aux non-résidents en août, mais à la fin de 2016, il était remonté à près de 4 %.
  • L’Ontario a commencé à évaluer la part des acheteurs étrangers en mai 2017 et a obtenu un taux de 4,7 % pour la région élargie du Golden Horseshoe.
Chart 4: MLS Home Price Index

En Ontario, la collecte de données a commencé après l’annonce des changements de politique provinciale. Par conséquent, les pressions engendrées par les achats réalisés par les non-résidents avant l’annonce ont peut-être été sous-estimées. De plus, même si un taux de 5 % semble modeste, il peut certes créer des tensions sur un marché où l’offre est déjà limitée et attiser un marché déjà en surchauffe. Enfin, la répartition géographique des achats réalisés par les non-résidents n’était pas uniforme. Dans la région élargie du Golden Horseshoe, la région de York et la ville de Toronto affichaient des taux d’acheteurs étrangers nettement supérieurs, soit 9 % et 7 % respectivement.

Après l’imposition des droits aux non-résidents en Ontario, il n’y a pas eu d’augmentation notable de l’investissement étranger dans les autres régions. À Ottawa et Montréal (graphique 4), l’activité s’est intensifiée au cours des derniers mois, mais ces marchés ne présentent pas encore les signes habituels d’une hausse de l’investissement étranger, notamment une forte augmentation de la proportion des ventes par rapport à la taille de la population. Par ailleurs, la Fédération des chambres immobilières du Québec a fait remarquer que la vigueur du marché montréalais est attribuable au segment des propriétés de 400 000 $ et moins alors que, dans le segment des habitations de luxe, l’offre reste abondante. Autrement dit, c’est le segment qui intéresse le plus les acheteurs d’une première maison qui stimule l’activité et les prix.

Question no 3: Une forte croissance de la population entraînera-t-elle une résurgence de la demande?

Chart 5: Migrants Leaving Oil Producers and Headed to Ontario and BC

Cette question peut se décliner en deux volets : les flux migratoires et la structure d’âge de la population. Pour ce qui est des flux migratoires, 2016 a été une année record pour le Canada au chapitre de l’immigration, le pays ayant accueilli plus de 300 000 immigrants. De ce fait, la croissance de la population s’est accélérée, enregistrant son taux le plus élevé depuis le milieu des années 1990. Étant donné les mesures gouvernementales adoptées au cours de la dernière année, le niveau de l’immigration devrait se maintenir à peu près à ce niveau ou augmenter avec le temps.

Même si la plupart des provinces ont bénéficié de flux d’immigration importants, l’Ontario et la C.-B. ont également profité d’un bond de la migration interprovinciale, les travailleurs quittant les régions productrices de produits de base économiquement affaiblies, comme l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador. Cela dit, les flux et reflux migratoires suivent la conjoncture économique. L’aptitude de la C.-B. et de l’Ontario à attirer ce groupe de personnes diminue à mesure que leurs perspectives de croissance économique convergent avec celles des autres provinces. En fait, nous observons déjà cette influence. Les flux interprovinciaux ont plafonné au milieu de 2016 en C.-B. et à la fin de 2016 en Ontario (graphique 5). La faible abordabilité des logements dans ces provinces et l’amélioration des conditions économiques en Alberta et ailleurs continueront de freiner la migration vers ces marchés.

Chart 6: Canadian Homeownership Rates by Age

Du point de vue démographique, la structure d’âge de la population a également créé un scénario de « choc des titans ». Les deux plus grandes cohortes de population sont la génération Y (21-36 ans) et les baby-boomers (53-71 ans). Le premier groupe affiche la plus forte hausse d’accession à la propriété et le second groupe conserve la plus forte proportion de propriétaires (graphique 6). Ces deux groupes sont en concurrence constante sur le marché du logement. Alors que les membres de la génération Y recherchent désespérément un marché abordable pour fonder une famille, les baby-boomers vivent plus longtemps et en meilleure santé dans des maisons qui sont grandes, étant donné la taille du ménage. Un rapport récent du Canadian Centre of Economic Analysis révèle qu’un ménage sur huit ne dispose pas d’un espace habitable suffisant. Parallèlement, la moitié des Ontariens (et les trois quarts des personnes de 65 ans ou plus) ont des maisons avec trop de chambres à coucher et sont considérés comme ayant dans des logements trop grands.

Les baby-boomers n’ont pas encore atteint l’étape de la vie où il devient impératif de déménager dans un logement plus petit. Il faut ajouter à cela le coût élevé d’un déménagement et l’offre insuffisante de logements neufs. Il en résulte une hausse de la proportion de propriétaires parmi les ménages âgés de 65 ans ou plus. Comme les personnes âgées tardent à déménager dans un logement plus petit, cela crée des pressions sur la composition de l’offre, en particulier dans les centres urbains, où la demande en logements est forte dans les deux groupes d’âge, du fait des commodités et de la proximité du lieu de travail.

Du point de vue de la génération Y, une demande accumulée persiste sur la plupart des marchés canadiens, ce qui contribue à créer un prix plancher. Les données du recensement révèlent une hausse de la proportion de jeunes âgés de 20 à 34 ans qui vivent chez leurs parents : de 33,3 % en 2011, le taux est passé à 34,7 % en 2016. Selon nos estimations, si la proportion n’avait pas augmenté ou si le taux de chef de ménage pour ce groupe d’âge était resté constant, environ 93 000 ménages de plus se seraient formés au cours des cinq dernières années, soit environ 18 000 par an. Par conséquent, au lieu des 150 000 nouveaux ménages par année entre 2011 et 2016, nous aurions eu, en moyenne, 168 000 nouveaux ménages. Ce n’est pas un écart négligeable. Si, en l’absence d’un choc de revenu, les prix venaient à diminuer, ces données semblent indiquer que de nombreux acheteurs potentiels seraient prêts à passer à l’action.

Question no 4: Quel impact la hausse des taux d’intérêt aura-t-elle sur le marché?

Chart 7: TD Economics Housing Affordability Index

Le loup est à nos portes! Après sept années, la Banque du Canada a relevé de 25 points de base le taux du financement à un jour en juillet et devrait continuer de réduire progressivement les mesures de relance monétaire. De son côté, la Réserve fédérale américaine a déjà relevé ses taux à quatre reprises et s’apprête à assainir son bilan. La Banque centrale européenne devrait, quant à elle, commencer à réduire ses achats d’obligations en 2018. Toutes ces tendances laissent présager une hausse des taux des obligations à long terme, dans le monde et au Canada, le taux des obligations gouvernementales de cinq ans ayant déjà augmenté de presque 60 points de base depuis le début de juillet. Cela s’est traduit par une hausse d’environ 40 points de base du meilleur taux hypothécaire sur cinq ans proposé aux acheteurs depuis le début de juillet. Cette tendance haussière n’étant pas terminée, le taux des obligations gouvernementales de cinq ans devrait, selon nous, augmenter d’encore 45 points de base d’ici la fin de l’an prochain. Notre scénario d’atterrissage en douceur prévoit une hausse des taux hypothécaires en parallèle. Cette hausse, généralement considérée comme modeste, sera toutefois suffisante pour brider la demande.

L’effet sera ressenti de manière disproportionnée dans certains marchés clés où l’abordabilité est la plus malmenée, soit Vancouver, Toronto et Montréal. Les Services économiques TD utilisent un indicateur d’admissibilité hypothécaire pour mesurer la sensibilité du marché à une hausse des taux d’intérêt. L’indice mesure la part du revenu qu’un ménage moyen devrait consacrer à ses versements hypothécaires s’il faisait l’acquisition d’une propriété à un prix moyen à l’aide d’un prêt hypothécaire conventionnel (mise de fonds de 20 %, taux fixe de 5 ans et période d’amortissement de 25 ans). Cet indicateur nous permet d’évaluer les conséquences potentielles des mouvements de taux d’intérêt sur la demande de logements. Comparativement aux conditions observées il y a seulement trois ans, une hausse de 40 points de base des taux hypothécaires aujourd’hui a un plus grand impact sur la réduction de l’abordabilité dans les trois marchés mentionnés ci-dessus. Vancouver est le marché le plus sensible à l’évolution des taux d’intérêt; cela dit, Toronto n’est guère mieux loti (graphique 7).

Question no 5: Jusqu’où ira la baisse du prix des habitations à Toronto et à Vancouver?

Le ralentissement des ventes à Vancouver (au cours de la dernière année) et à Toronto (au cours des quatre derniers mois) a contribué à modifier l’équilibre des forces, car le marché, jusque-là favorable aux vendeurs, s’oriente vers un marché d’acheteurs, comme en témoignent les ratios ventes/inscriptions (graphique 8). Toutefois, les acheteurs d’une première maison qui attendent que la hausse des taux d’intérêt déclenche un effondrement du marché devront sans doute patienter. Il est probable que les prix reviendront seulement aux niveaux observés avant les gains exorbitants de la dernière année. Il est important de mentionner qu’un élément essentiel à l’effondrement du marché est absent du cycle actuel. Les inscriptions ont grimpé en flèche dans la RGT après l’adoption des nouvelles règles, non parce que les propriétaires se sont soudain trouvés dans l’incapacité de financer leur maison, mais parce que la spéculation diminue, comme en témoigne l’absence d’une hausse correspondante des pressions économiques ou financières. Le premier scénario apparaît généralement lorsque le taux de chômage augmente, créant des pressions sur les revenus des ménages. En fait, c’est l’inverse qui s’est produit, les revenus augmentant et le taux de chômage atteignant des planchers cycliques au Canada, et l’Ontario n’a pas fait exception (graphiques 9 et 10).

Chart 8: Sales-to-New Listings
Chart 9: Real Household Disposable Income
Chart 10: Canadian Unemployment Rate and Mortgage Delinquencies
 

Par ailleurs, les taux de défaut sur les prêts hypothécaires ont également atteint un plancher quasi record et ne donnent aucun signe de remontée. Selon Equifax et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, seulement 0,1 % des ménages de Toronto accusaient un retard de plus de 90 jours sur le remboursement de leur prêt au quatrième trimestre de 2016. Comme le taux de chômage reste faible, il est peu probable que les ménages soient contraints de vendre à court terme. Les défauts sur les prêts hypothécaires s’alignent davantage sur le taux de chômage que sur les versements hypothécaires. Il est important de garder à l’esprit que les taux d’intérêt augmentent parce que l’économie se porte mieux, comme en témoignent la création d’emplois et la croissance des revenus. De plus, l’ajustement des taux hypothécaires ne devrait pas se faire du jour au lendemain. Dans le cas contraire, cela pourrait entraîner un atterrissage plus brutal.

Selon notre scénario actuel de hausse des taux d’intérêt, les titulaires de prêts hypothécaires ont généralement une certaine latitude pour absorber une augmentation du coût du service de la dette. Les Canadiens ont contracté une dette record pour financer l’achat de maisons relativement chères. Toutefois, ce qui échappe à certains observateurs, c’est que la faiblesse des taux d’intérêt a permis à ces emprunteurs d’accélérer le remboursement de leur capital. Dans les années 1990, les frais d’intérêts représentaient plus des deux tiers des versements hypothécaires mensuels. Au deuxième trimestre de 2017, plus de la moitié des versements mensuels était consacrée au remboursement de capital (graphique 11). Par conséquent, à mesure que les taux d’intérêt augmentent, les emprunteurs peuvent ajuster la proportion de capital qu’ils remboursent et continuer de verser un montant stable en modifiant le type de prêt hypothécaire (taux fixe ou variable), la période d’amortissement, ou les deux. Ces mesures pourraient toutefois occasionner des coûts et des évaluations supplémentaires pour les propriétaires.

Chart 11: Canadian Household Debt Service Payments Chart 12: Existing Home Sales and Interest Rate Movements

Pour ce qui est des acheteurs potentiels, les données historiques révèlent que le rythme des hausses de taux hypothécaires correspond à une baisse des reventes de maisons comprise entre sept et dix points de pourcentage (graphique 12). Toutefois, cette relation pourrait être plus limitée, cette fois-ci, en raison des modifications apportées à la réglementation. Par exemple, le resserrement du critère de revenu devrait réduire la sensibilité de la demande à la hausse immédiate des taux hypothécaires, parce que les prêts hypothécaires assurés font déjà l’objet d’une simulation de crise au taux des prêts hypothécaires à 5 ans de la Banque du Canada (qui est actuellement de 4,84 %). Ce taux a augmenté, emboîtant le pas au taux des obligations gouvernementales de 5 ans, mais accusant un retard de 20 points de base. De plus, les prêteurs soumettent au critère de revenu les emprunteurs qui contractent un emprunt hypothécaire d’une durée de moins de 5 ans au taux publié par la Banque du Canada. Cela devrait réduire quelque peu la vitesse ou l’ampleur de la baisse de la demande, immédiatement après la hausse des taux d’intérêt. Même si Toronto, Vancouver et Montréal risquent de moins profiter de ce coup de frein en raison de leur plus grande sensibilité aux taux d’intérêt, due à l’abordabilité limitée, une modeste hausse des taux d’intérêt devrait être bien absorbée par les marchés, à l’échelle du Canada.

Question no 6: Les atterrissages en douceur existent-ils vraiment?

Chart 13: Duration of Boom Cycle vs Home Price in North America

Oui. Ces dernières années, la plupart des autres marchés ont connu un atterrissage en douceur et se sont rééquilibrés. Durant cet atterrissage, la croissance du prix des maisons est passée sous la barre des 2 % (sous le taux de croissance des revenus) pendant une longue période. Comme la croissance des revenus a la possibilité de rattraper son retard, on peut avancer qu’une hausse des taux hypothécaires freinera le marché, mais n’aura pas nécessairement la force nécessaire pour le faire dérailler.

Vancouver est l’exemple parfait des atterrissages en douceur. Un repli du marché résidentiel peut être soit prononcé et de courte durée, soit prononcé et de longue durée (graphique 13). Dans le premier cas de figure, la hausse du prix des maisons peut durer entre six mois et deux ans et les prix peuvent grimper au taux annuel moyen de 15 % à 20 %. Ces cycles sont généralement suivis d’une correction modérée du prix des habitations de l’ordre de 10 % à 14 % entre la crête et le creux. Depuis 1990, Vancouver a connu cinq cycles de ce type, qui correspondent à un atterrissage en douceur. Les ventes et les prix des maisons existantes sont revenus à un niveau beaucoup plus en accord avec les paramètres fondamentaux sous-jacents. Toutefois, la surchauffe du marché peut persister jusqu’à ce que survienne un choc de revenu.

Dans le second cas de figure, les prix des maisons enregistrent un réajustement prononcé de longue durée, qui entraîne une baisse de plus de 20 % entre la crête et le creux. Ce type de marché est généralement précédé d’une croissance à deux chiffres du prix des maisons, d’une durée de quatre ou cinq ans. Le krach immobilier que le Canada a connu en 1989 et celui qui a frappé les États-Unis plus récemment en sont deux exemples. Plus la croissance à deux chiffres du prix des maisons durera, plus la divergence avec les paramètres fondamentaux sera grande et plus les risques financiers s’accumuleront. Autrement dit, ce n’est pas seulement la vitesse à laquelle le prix des maisons augmente, mais aussi la durée du cycle qui créent les risques financiers. Dans le cycle actuel, ces risques ont été atténués par l’adoption de règles, phénomène qui était moins visible dans les deux situations antérieures. Enfin, et surtout, les difficultés des ménages doivent être accompagnées de tensions plus larges au chapitre des revenus ou du système financier. Cela ne veut pas dire que les ménages canadiens sont à l’abri des risques. Absolument pas. La vulnérabilité est aggravée en cas de récession. Nous sommes d’avis que, dans le contexte actuel, ces conditions ne se sont pas encore matérialisées.

Donc, pour ce qui est du marché de la RGT, le repli devrait être prononcé, mais de courte durée. Nous prévoyons un rétablissement des prix résidentiels, qui devraient revenir à la moyenne observée au second semestre de 2016. Le prix moyen des maisons a déjà chuté de 13 % entre la crête et le creux, ce qui le ramène aux niveaux observés au début de 2017. Nous prévoyons une contraction de 6 % du prix moyen des maisons à Toronto en 2018 et une stabilisation par la suite. En fin de compte, les prix de l’immobilier résidentiel resteront élevés à Toronto, comme à Vancouver. Pour la plupart des autres marchés, la hausse des taux hypothécaires combinée à une croissance modérée des revenus, dans un contexte de marché équilibré, devrait se traduire par une croissance annuelle du prix des maisons de l’ordre de 2 % à 4 %.

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