Les mesures de soutien dominent la période des budgets provinciaux 2025
Marc Ercolao, économiste | 416-983-0686
Rishi Sondhi, économiste | 416-983-8806
date publiée: 10 juin, 2025
Faits saillants
- La faiblesse de l’économie devrait entraîner une détérioration de 0,7 point de pourcentage du déficit budgétaire global des provinces, qui atteindra 1,4 % du produit intérieur brut (PIB) au cours du présent exercice, ce qui constituera la plus forte augmentation du déficit depuis plus d’une décennie (abstraction faite de la pandémie).
- Presque toutes les provinces prévoient de renforcer leurs plans de dépenses en immobilisations, en partie dans le but de soutenir leur économie en cette période de turbulences. Les dépenses en immobilisations peuvent également avoir l’effet bénéfique de stimuler la productivité à long terme. Toutefois, conjuguées aux déficits, elles devraient aussi faire grimper les niveaux d’endettement des provinces, ce qui rendrait les situations budgétaires plus vulnérables.
- Bien que les provinces consacrent des fonds à des politiques qui pourraient offrir un coup de pouce à plus long terme, l’accent est mis, en cette période budgétaire, sur des mesures à brève échéance visant à compenser le ralentissement économique à court terme.

Les gouvernements provinciaux ont été confrontés à la tâche difficile de déposer leurs budgets annuels dans un contexte où les politiques commerciales des États-Unis sont de plus en plus défavorables. La période des budgets provinciaux a révélé des prévisions de croissance économique et de recettes publiques plus faibles dans tous les domaines, ce qui s’est répercuté sur les résultats financiers des provinces. L’intégration de la prudence dans la planification budgétaire et les mesures de soutien à court terme ont été des éléments clés de cette période budgétaire. La hausse du fardeau de la dette est une source de préoccupation majeure, bien que les frais de service de la dette soient actuellement gérables.
Les soldes budgétaires s’aggravent dans toutes les provinces…
Le déficit cumulatif des provinces pour l’exercice 2024-2025 devrait se situer tout juste au-delà de 20 milliards de dollars (-0,7 % du PIB). De là, une aggravation du déficit global à hauteur de 44,9 milliards de dollars (-1,4 % du PIB) est attendue pour l’exercice 2025-2026. Ces chiffres ne sont pas alarmants par rapport aux niveaux observés au début et au milieu de la période de crise budgétaire des années 1990 (graphique 1), mais ils représentent le déficit le plus important par rapport au PIB depuis 2012, abstraction faite de la pandémie.
La détérioration n’est pas uniforme d’une province à l’autre, les déficits de l’exercice 2025-2026 atteignant jusqu’à 2,5 % du PIB dans le cas de la Colombie-Britannique, alors que la Saskatchewan affiche un résultat équilibré. Dans la plupart des provinces, les perspectives de croissance des recettes s’assombrissent en raison de la détérioration prévue des conditions économiques. Après avoir augmenté de 6 % au cours de l’exercice 2024-2025, les recettes totales devraient stagner au cours de l’exercice en cours, avant d’augmenter légèrement de 1,7 % au cours de l’exercice 2026-2027.
L’établissement des prévisions économiques de base qui sous-tendent les projections budgétaires était assujetti à des fourchettes de confiance anormalement larges. Le consensus provincial prévoit une modération de la croissance du PIB réel et nominal en 2025. Certaines provinces, comme l’Ontario, ont intégré les menaces tarifaires dans leurs prévisions de base, d’autres ont choisi de les exclure, tandis que d’autres encore ont adopté une approche de compromis. Toutefois, plusieurs provinces ont pris la décision prudente de publier des scénarios économiques fondés sur leurs bases de référence afin d’évaluer les répercussions budgétaires potentielles.
Le graphique 2 montre que les risques pesant sur les prévisions du PIB réel qui ont été intégrées aux budgets provinciaux sont orientés à la baisse. Nos prévisions les plus récentes concernant le PIB réel de l’économie canadienne pour les deux prochaines années se rapprochent de la limite inférieure des attentes provinciales. En mai, l’Ontario a été la dernière province à déposer son budget, et celui-ci contient un ensemble d’hypothèses qui reflète probablement mieux les perspectives actuelles.
Il convient de noter que les provinces productrices de produits de base pourraient connaître des difficultés sur le plan des revenus en raison de la baisse récente des prix du pétrole. Au moment du dépôt de leurs budgets, l’Alberta et la Saskatchewan prévoyaient respectivement des prix du pétrole West Texas Intermediate (WTI) de 68 $/baril et de 71 $/baril de WTI pour l’exercice. Terre-Neuve-et-Labrador, qui effectue ses prévisions en fonction du prix du Brent, s’attendait à un prix de 73 $/baril. Nous sommes encore au début de l’exercice, mais les prix du pétrole sont en moyenne inférieurs de 5 $ à 7 $/baril par rapport aux projections gouvernementales, ce qui entraîne une baisse des revenus. Au total, cela pourrait coûter aux gouvernements des Prairies plus de 4 milliards de dollars en revenus, bien que les prix relativement plus élevés du Western Canada Select (WCS) puissent compenser la perte dans une certaine mesure.


One thing to note, commodity producing provinces are facing potential revenue headwinds from recently falling oil prices. At the time of tabling, Alberta and Saskatchewan forecasted WTI prices at $68/bbl and $71/bbl WTI, respectively, for the fiscal year. Newfoundland, which forecasts Brent prices, expected a $73/bbl price. We are still in early days of the fiscal year, but oil prices are averaging $5-7/bbl lower than government projections, introducing revenue downside. In aggregate, this could cost prairie governments north of $4 billion in revenues, though relatively stronger WCS prices could provide some offset.
La dette nette est dans une position plus précaire
D’après les prévisions budgétaires, le ratio cumulatif de la dette nette au PIB devrait passer de 29,5 % pour l’exercice 2024-2025 à 31,3 % pour l’exercice à venir. Les déficits globaux persistants et l’augmentation des dépenses en immobilisations (plus à ce sujet dans la prochaine section) placeront la dette nette provinciale par rapport au PIB sur une trajectoire haussière modeste. Contrairement aux déficits budgétaires provinciaux, les niveaux d’endettement global s’approchent de leur plus haut niveau historique, à quelques points de pourcentage en deçà des niveaux de la pandémie de 2020 (graphique 4). Cela pourrait accroître la vulnérabilité budgétaire en cas de ralentissement économique plus marqué que prévu et risque d’entraîner une baisse des notes de crédit provinciales à court et à moyen terme. En effet, la cote de crédit du Québec et de la Colombie-Britannique a déjà été revue à la baisse dans la foulée de la période des budgets.
La Colombie-Britannique s’attend à la plus forte augmentation de son endettement, qui devrait atteindre près de 35 % du PIB au cours des trois prochaines années, soit plus du double de sa moyenne historique. Elle se situerait donc au milieu du peloton provincial après avoir longtemps été l’une des provinces les moins endettées. En revanche, l’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador s’attendent à une trajectoire de la dette relativement stable au cours des trois prochaines années.
Malgré la hausse de la dette, les provinces ne s’attendent qu’à une augmentation modeste du fardeau des intérêts. En pourcentage des revenus, le service de la dette globale des provinces devrait augmenter légèrement, pour passer de 6,1 % à 6,4 % pour l’exercice 2025-2026. Les risques de baisse des revenus à court terme ou le refinancement de la dette à des taux plus élevés pourraient faire grimper ce ratio, mais pour l’instant, les coûts de la dette se situent à des niveaux faibles et gérables (graphique 5).


Modération des dépenses globales, prédominance des dépenses en immobilisations

La croissance globale des dépenses pour les programmes provinciaux devrait ralentir à 2,8 % au cours de l’exercice 2025-2026, après une période de quatre ans où la croissance des dépenses d’exploitation a dépassé 6 %. Les provinces ont plutôt investi dans d’importants programmes d’immobilisations, principalement axés sur les soins de santé, l’éducation et les infrastructures de transport. Au total, les dépenses prévues en infrastructures au cours de l’exercice 2025-2026 dépasseront 100 milliards de dollars, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré, en hausse d’environ 20 % par rapport au niveau prévu l’an dernier. Ces chiffres dépassent ceux du sondage sur les intentions de dépenses en immobilisations de février, qui indiquaient une augmentation de 6 % des investissements en capital du secteur public cette année, après des gains massifs enregistrés de 2022 à 2024.
L’ambitieux plan d’immobilisations de l’Ontario représente le tiers des dépenses globales. La Colombie-Britannique et le Québec contribuent également de façon importante aux dépenses. Le graphique 6 illustre la variabilité entre les programmes provinciaux d’immobilisations. Dans l’ensemble, il s’agit d’une mesure importante, car elle pourrait apporter un soutien aux économies provinciales en cette période difficile. Toutefois, l’ampleur du soutien dépendra de la capacité du gouvernement à débloquer ces fonds pour les infrastructures. En revanche, ces grands programmes d’immobilisations sont la principale raison de la hausse de l’endettement d’un bout à l’autre du pays.
Les provinces adoptent un ton défensif
Les gouvernements s’engagent à prendre des mesures qui pourraient offrir un coup de pouce à long terme à leurs économies respectives. Par exemple, les quatre grandes provinces investissent toutes dans des moyens de diversifier le commerce en s’éloignant des États-Unis. Par ailleurs, l’Ontario et la Colombie-Britannique s’emploieront à faire accélérer les délais d’approbation au moyen de processus de délivrance de permis à guichet unique. Toutes les provinces accordent la priorité à la réduction des barrières au commerce interprovincial. Toutefois, compte tenu du contexte économique risqué, la présente période budgétaire sera principalement axée sur les mesures de soutien à court terme. Cela est probablement nécessaire, car le Canada risque de connaître une récession modérée cette année.
En ce qui concerne les mesures à court terme, l’Ontario en est un excellent exemple, avec un soutien temporaire de 11 milliards de dollars sous la forme de remboursements de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) et d’un report de six mois des paiements d’impôt provincial (entre autres politiques). Le Manitoba soutient également l’activité économique par des initiatives représentant près de 1 % du PIB selon son scénario économique de base et intensifierait ces mesures (parallèlement à des dépenses supplémentaires) si la situation devait s’aggraver.
Ailleurs, le Québec offrira des mesures de liquidité d’environ 2 milliards de dollars aux entreprises touchées, tandis que le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard se sont engagés à offrir des programmes de soutien aux entreprises d’une valeur de 0,3 %, 0,3 % et 0,4 % du PIB, respectivement. L’Alberta et la Saskatchewan procéderont quant à elles aux réductions d’impôt déjà annoncées. Celles-ci auront des répercussions à long terme, mais elles donneront certainement lieu à des mesures de relance à court terme. Presque toutes les provinces (à l’exception de la Saskatchewan) établissent ou relèvent leur fonds de réserve (pour un total de 14 milliards de dollars contre environ 7 milliards de dollars pour l’exercice 2024-2025) afin de protéger leur situation budgétaire contre une faiblesse inattendue ou pour compenser les pressions découlant de dépenses imprévues.
Dans l’ensemble, nous estimons que ces mesures de soutien représenteront environ 1 % du PIB dans l’ensemble des provinces au cours de l’exercice 2025-2026, ce qui est conforme aux données qui figurent dans nos dernières prévisions. Ce chiffre ne tient pas compte des engagements de dépenses du gouvernement fédéral, mais comme le budget fédéral sera présenté à l’automne, les mesures de relance provenant d’Ottawa porteront probablement sur 2026.
Conclusion
Comme la situation économique du Canada a été bouleversée par la guerre commerciale avec les États-Unis, les revenus des provinces devraient être durement touchés cette année, ce qui fera augmenter les déficits provinciaux et alourdira les niveaux d’endettement déjà élevés. Face à ces risques, les provinces ont adopté une position défensive en introduisant des mesures destinées à protéger leurs économies respectives à court terme. Toutefois, nous notons l’absence générale de mesures susceptibles de « transformer » la base industrielle du Canada, comme cela a été évoqué au niveau fédéral.
Les plans de dépenses en immobilisations bonifiés seront également très présents pendant cette période de budgets provinciaux, bien qu’ils puissent constituer une arme à double tranchant. D’une part, la croissance économique pourrait être stimulée par les investissements en infrastructures, mais d’autre part, le fardeau de la dette subira également des pressions à la hausse.
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