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Trajectoires contrastées : Pourquoi les États-Unis affichent un meilleur bilan de réduction des émissions que le Canada 

Likeleli Seitlheko, économiste
Mekdes Gebreselassie, analyste de recherche

date publiée: 12 février 2024

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Highlights

  • Le Canada et les États-Unis ont réalisé des progrès modérés, mais il leur sera difficile d’atteindre leurs cibles respectives de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030, compte tenu de la vitesse à laquelle les nouveaux investissements peuvent être déployés.
  • Dans les principaux secteurs émetteurs, les tendances soulignent d’importantes leçons. Dans le secteur de l’électricité, il est essentiel de soutenir l’expansion de la production de base non émettrice, y compris l’énergie nucléaire, pour stimuler la production à partir des énergies renouvelables.
  • Les deux pays pourraient devoir prioriser différentes mesures pour réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier, le dioxyde de carbone étant le principal gaz à effet de serre du secteur au Canada comparativement au méthane aux États-Unis.
  • Un meilleur soutien à l’adoption des véhicules électriques est nécessaire au Canada, compte tenu de la croissance de la population; l’augmentation de la circulation automobile fait contrepoids à la baisse d’intensité des émissions des véhicules à combustion interne.
Le graphique 1 compare la croissance des émissions en 2021 et en 2005 dans neuf secteurs économiques au Canada et aux États-Unis. Au Canada, les émissions ont diminué de 56 % dans le secteur de l’électricité, de 14 % dans le secteur industriel, de 11 % dans le secteur résidentiel, de 7 % dans le secteur du charbon, de 4 % dans le transport et de 3 % pour les déchets, alors qu’elles ont augmenté de 8 % en agriculture, de 12 % dans le secteur pétrolier et gazier et de 18 % dans le secteur commercial. Aux États-Unis, les émissions ont diminué de 36 % dans le secteur de l’électricité et du charbon, de 12 % pour les déchets, de 10 % dans le transport, de 5 % dans le secteur industriel et de 2 % dans le secteur résidentiel, alors qu’elles ont augmenté de 1 % en agriculture, de 11 % dans le secteur pétrolier et gazier et de 19 % dans le secteur commercial. Les émissions totales ont diminué de 8 % au Canada contre 15 % aux États-Unis. Le graphique 2 présente pour neuf secteurs économiques la variation en points de pourcentage (pp) des émissions totales de 2005 à 2021 pour le Canada et les États-Unis. Au Canada, la réduction de 8,4 % des émissions découle d’une baisse de 9,0 pp dans le secteur de l’électricité, de 2,3 pp dans le secteur industriel, de 0,9 pp dans le transport, de 0,7 pp dans le secteur résidentiel et de 0,1 pp pour les déchets, d’une contribution de 0,0 pp dans le secteur du charbon et d’une hausse de 0,7 pp en agriculture, de 1,0 pp dans le secteur commercial et de 2,9 pp dans le secteur pétrolier et gazier. Aux États-Unis, la réduction de 15,2 % des émissions découle d’une baisse de 11,7 pp dans le secteur de l’électricité, de 2,6 pp dans le transport, de 0,9 pp dans le secteur industriel, de 0,4 pp dans le secteur du charbon et de 0,3 pp pour les déchets, et d’une hausse de 0,1 pp en agriculture, de 0,5 pp dans le secteur pétrolier et gazier et de 0,6 pp dans le secteur commercial. En plus de la contribution sectorielle, le total des États-Unis comprend une baisse de 0,5 pp dans les territoires américains.

Le Canada et les États-Unis se sont fixé des cibles ambitieuses en vue de réduire les émissions de GES de 40 % à 45 % et de 50 % à 52 %, respectivement, d’ici 2030 par rapport à leurs niveaux de 2005. Toutefois, en date de 2021, les émissions avaient diminué de seulement 8,5 % au Canada et de 15,2 % aux États-Unis. On peut se demander s’il est possible de combler l’écart au cours des six années restantes. De plus, il est important de comprendre pourquoi le Canada est à la traîne des États-Unis1 et d’où pourraient provenir les réductions d’émissions. Les émissions absolues ont diminué davantage aux États-Unis, mais aussi leur intensité par habitant et par unité du PIB.

Le Canada réussit mieux à réduire les émissions du secteur de l’électricité, parmi les principaux secteurs économiques émetteurs.2 Toutefois, ce secteur représente une plus grande part des émissions totales aux États-Unis et contribue davantage à la baisse des émissions globales dans ce pays. De plus, en raison des progrès plus importants dans le secteur du transport, les chiffres penchent davantage en faveur des États-Unis (graphique 1). Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les émissions du secteur pétrolier et gazier ont augmenté à un rythme à peu près comparable entre 2005 et 2021, même si le secteur a davantage nui aux réductions d’émissions observées ailleurs au Canada (graphique 2). Pour poursuivre la réduction de l’écart entre les émissions actuelles et les objectifs de l’Accord de Paris, il faudra redoubler d’efforts dans les principaux secteurs émetteurs capables de redresser les données nationales.

Les politiques et la dynamique du marché dictent les tendances en matière d’émissions

La trajectoire des émissions dans divers secteurs est dictée par un éventail de facteurs : réglementation, partenariats gouvernement-industrie, évolution du marché, etc. Le rôle de la réglementation est particulièrement évident dans le secteur du transport routier, où des normes plus strictes en matière d’émissions/d’économie de carburant ont permis de réduire l’intensité des émissions. Néanmoins, les émissions absolues n’ont pas diminué au Canada dans les années qui ont précédé la pandémie, entre autres parce que la croissance de la population a fait augmenter la circulation automobile, faisant contrepoids à la baisse d’intensité des émissions. En revanche, les États-Unis ont profité d’une hausse moins marquée du transport routier.

De plus, l’importance variable des secteurs par rapport aux émissions totales a favorisé les États-Unis. Ce facteur éclaire également les secteurs essentiels qui peuvent favoriser les progrès vers l’atteinte des cibles provisoires de réduction des émissions. Environ la moitié des émissions totales de chaque pays en 2021 proviennent des deux principaux secteurs émetteurs, soit le pétrole et le gaz, ainsi que le transport au Canada contre le transport et l’électricité aux États-Unis.

La réglementation du charbon a favorisé la réduction des émissions du secteur de l’électricité au Canada

Le graphique 3 présente les indices des émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’électricité pour les années 2005 à 2021 au Canada et aux États-Unis, 2005 étant l’année de base. Les émissions des deux pays ont tendance à baisser. Le Canada a enregistré une baisse plus marquée de 56 % de 2005 à 2021, comparativement à 36 % aux États-Unis. Les émissions ont atteint un sommet en 2007 pour les deux pays, soit 1,8 % de plus qu’en 2005 au Canada et 0,4 % de plus aux États-Unis.

Les changements réglementaires ont fait chuter les émissions du secteur de l’électricité, en baisse depuis leur sommet de 2001 au Canada et de 2007 aux États-Unis. Au Canada, la baisse antérieure des émissions était attribuable à la fermeture de centrales au charbon ordonnée par le gouvernement de l’Ontario, tandis que l’Alberta peut revendiquer le recul plus récent des émissions canadiennes. Les changements en Alberta découlent de la réglementation provinciale et fédérale visant à éliminer les émissions des centrales au charbon d’ici 2030. La promesse du gouvernement de l’Alberta de verser une indemnité pour la mise hors service des centrales au charbon a aussi probablement incité les entreprises de services publics à soutenir le plan.3 De plus, la hausse du prix du carbone semble en accélérer l’abandon. Par exemple, TransAlta redoute une baisse des marges en raison des coûts du carbone, qui devraient augmenter à 405 millions de dollars si l’entreprise ne fait rien, ce qui l’incite à délaisser le charbon plus rapidement au Canada.4 Aux États-Unis, quelques États (Oregon, New York et Washington) ont adopté une loi qui oblige les centrales au charbon à réduire leurs émissions. Par exemple, l’État de New York a réglementé l’abandon progressif du charbon pour produire de l’électricité dès 2020.

La réglementation contribue à réduire la production des centrales électriques au charbon. Entre 2005 et 2021, la production d’électricité à partir du charbon (+ coke) a diminué de 66 % au Canada et de 55 % aux États-Unis.5,6 Au cours de la même période, la production des centrales au gaz naturel a augmenté de 86 % au Canada et plus que doublé aux États-Unis. La baisse plus marquée de la production des centrales au charbon et la hausse relativement plus faible de la production des centrales au gaz naturel sans dispositif de réduction ont favorisé un recul plus important des émissions au Canada au cours de la période (graphique 3). Toutefois, comme ce secteur représente une plus grande part des émissions totales aux États-Unis, il contribue davantage à la réduction des émissions en sol américain (graphique 2). Il ne faut pas oublier que dans les deux pays, le secteur de l’électricité a le plus contribué à la baisse des émissions globales. Si les émissions liées à la production d’électricité étaient demeurées inchangées entre 2005 et 2021, leur total aurait augmenté de 0,5 % au Canada (au lieu de baisser de 8,5 %) et diminué de 3,5 % aux États-Unis (au lieu de baisser de 15,2 %).

En plus de la réglementation, la meilleure compétitivité économique du gaz naturel et des énergies renouvelables a aussi contribué au déclin de la production des centrales au charbon. Aux États-Unis, le gaz naturel et l’énergie éolienne ont remplacé le charbon à titre de principale source de production d’électricité dans 14 États entre 2001 et 2021.7 On parle entre autres du Mississippi, de l’Alabama et de la Géorgie, des États qui n’ont pas de norme en matière d’énergie renouvelable ou d’électricité propre. Par conséquent, le changement dans la composition de l’offre d’électricité était largement dicté par le marché plutôt que par les politiques. De même, l’Alberta était en voie de fermer ses dernières centrales au charbon au début de 20248, six ans avant la date limite, grâce en partie à la baisse des prix du gaz naturel et des technologies d’énergies renouvelables.

Le graphique 4 présente les émissions en mégatonnes d’équivalent CO2 de la production d’électricité de 2000 à 2021 en Californie, dans l’État de New York et en Ontario. Les émissions de la Californie passent d’un sommet de 63,2 en 2001 à un creux de 38,7 en 2019 et remontent à 42,7 en 2021. Dans l’État de New York, les émissions passent d’un sommet de 59,7 en 2000 à un creux de 21,7 en 2019 et remontent à 25,3 en 2021. En Ontario, la part passe d’un sommet de 43,5 en 2000 à un creux de 2,2 en 2017 et remonte à 3,4 en 2021.

Toutefois, la prochaine phase de réduction des émissions des centrales au gaz pourrait être plus difficile à réaliser que pour les centrales au charbon. Entre autres, il faut compter sur une capacité de production de base suffisante à faibles émissions de carbone (p. ex., hydroélectricité et énergie nucléaire) en complément des énergies renouvelables et du stockage. Dans ce domaine, le plan d’élimination progressive du charbon de l’Ontario est efficace du point de vue des émissions et pourrait servir d’exemple. En plus d’investir dans les énergies renouvelables et le gaz naturel, la province cherche aussi à accroître sa capacité nucléaire.9 Pour produire de l’électricité, l’Ontario dépend toujours des centrales au gaz sans dispositif de réduction comme source d’énergie flexible, mais réussit mieux à réduire les émissions du secteur de l’électricité que la Californie et New York, deux États qui ont réduit une partie de leur capacité nucléaire au cours des dernières années (graphique 4). Le cas de la Californie est intéressant. Les énergies solaire et éolienne, en forte progression, représentaient environ un quart de la production intérieure en 2021 contre seulement 2 % en 2005.10 Néanmoins, les émissions du secteur ont diminué de seulement 6 % entre 2005 et 2021.11 L’État aurait davantage réduit les émissions liées à la production d’électricité en investissant dans sa capacité nucléaire. La perte de production d’électricité des centrales nucléaires entre le sommet de 2011 et 2021 équivalait à environ 20 % de la production issue de combustibles fossiles sans dispositif de réduction en 2021. 

La circulation automobile accrue a nui à la baisse des émissions du transport routier au Canada

Le graphique 5 présente les émissions du secteur du transport et des sous-secteurs du transport routier. L’indice est établi à 100 en 2005 pour le Canada et les États-Unis. Les émissions du secteur du transport suivent de près celles du transport routier, qui sont généralement plus élevées. L’écart le plus important entre les deux est de 3,2 en 2009 et en 2010 pour le Canada et de 2,8 en 2020 pour les États-Unis. L’indice des émissions liées au transport au Canada atteint un sommet de 108,5 en 2019, puis un creux de 91,3 en 2020 et s’élève à 95,7 en 2021. L’indice des émissions liées au transport aux États-Unis recule à 87,9 en 2013 après un sommet de 2005, remonte à 94,2 en 2018, tombe à son plus bas à 81,1 en 2020 et se redresse à 90,0 en 2021.

Le secteur du transport est le premier producteur d’émissions aux États-Unis et le deuxième au Canada. Ses émissions ont plus diminué aux États-Unis qu’au Canada entre 2005 et 2021, ce qui a aussi réduit davantage les émissions totales aux États-Unis (graphiques 1 et 2). Toutefois, le Canada a réussi à combler l’écart en 2020-2021, par suite notamment de la pandémie. En revanche, les États-Unis avaient déjà réussi à réduire leurs émissions après 2005, enregistrant une baisse notable qui s’est poursuivie bien après la récession de 2007-2009 (graphique 5). Le transport routier représente la plus grande partie des émissions du secteur, les véhicules légers (VL) représentant plus de la moitié des émissions liées au transport au Canada et environ 60 % aux États-Unis.

La réglementation a contribué à réduire l’intensité des émissions du transport routier, même si la circulation automobile accrue et le regain de popularité des camions ont fait obstacle au recul des émissions au Canada. Les deux pays adoptent des normes de plus en plus strictes et harmonisées en matière d’émissions/d’économie de carburant et s’attaquent également à l’intensité du carbone contenu dans l’essence et le diesel en prévoyant l’ajout d’exigences liées au taux de mélange des biocarburants. En raison de ces changements, les émissions d’échappement des véhicules sont en baisse depuis longtemps (graphique 6). Toutefois, les tonnes-kilomètres et les passagers-kilomètres ont augmenté davantage au Canada entre 2005 et 2019, ce qui peut s’expliquer en partie par la croissance de la population (graphique 7). Cette augmentation plus marquée de la circulation automobile explique pourquoi le Canada réussit moins bien que les États-Unis à réduire les émissions liées au transport. De plus, de 2005 à 2019, le parc de camions légers, qui émettent plus de gaz à effet de serre que les voitures, a augmenté beaucoup plus rapidement au Canada, ce qui a soutenu l’expansion du parc de véhicules légers. Même si les ventes de véhicules électriques (VE) ont explosé ces dernières années, ils ne comptent encore que pour un faible pourcentage du parc total dans les deux pays. En 2021, ils représentaient environ 1 % des voitures et moins de 1 % des camions.12 Aussi, l’incidence des VE sur les émissions en 2021 était encore négligeable, mais devrait s’accentuer avec l’adoption à grande échelle au cours des prochaines années. 

Dans l’ensemble, d’après la tendance antérieure à la pandémie, le Canada pourrait faire face à plus d’obstacles que les États-Unis pour lutter contre les émissions dans le secteur du transport, vu la croissance rapide de sa population, ce qui fait augmenter la circulation automobile au détriment de la baisse de l’intensité des émissions. Par conséquent, il est impératif que le Canada encourage davantage la production et l’adoption des VE afin de contrer les effets de la croissance démographique sur les émissions liées au transport. De plus, le fait d’améliorer le réseau de transport en commun et de le rendre plus pratique et fiable (p. ex., service plus fréquent et abris contre le froid l’hiver) pourrait inciter plus de personnes à utiliser l’autobus ou le train plutôt que leur voiture. Les États-Unis doivent aussi redoubler d’efforts pour réduire les émissions liées au transport; il est peu probable qu’ils atteindront leurs cibles intermédiaires si leur premier secteur d’émissions est limité à un rôle secondaire.

Le graphique 6 montre les émissions d’échappement des camions légers de 2012 à 2019 au Canada et aux États-Unis. Les émissions des deux pays connaissent des baisses comparables entre 2012 et 2015, après quoi les émissions canadiennes augmentent en moyenne de 4 grammes/mille. Les émissions du Canada diminuent, passant de 371 grammes/mille en 2012 à 320 grammes/mille en 2019, tandis que celles des États-Unis reculent de 369 à 318 grammes/mille. Le graphique 7 chiffre le transport routier en passagers-kilomètres (P/km) par véhicule léger et en tonnes-kilomètres (tonnes-km) par camion pour les années 2005 à 2019 au Canada et aux États-Unis. L’indice correspond à 100 en 2005. L’indice tonnes-km par camion au Canada augmente régulièrement, passant d’un creux de 95,9 en 2009 à un sommet de 134,9 en 2017, puis à 130,5 en 2019, tandis qu’aux États-Unis, il atteint un creux de 73,6 en 2011 et atteint un sommet de 101,5 en 2019. L’indice P/km par véhicule léger au Canada est en hausse par rapport à 2005, sauf en 2006, où il recule de 1,2 %, pour atteindre 117,3 en 2019. Aux États-Unis, il est inférieur au niveau de 2005 d’au plus 5,4 % en 2008 et augmente à 108,9 en 2019.

Le secteur pétrolier et gazier fait des progrès pour réduire les émissions de méthane

Le graphique 8 présente les émissions de méthane et de CO2 du secteur pétrolier et gazier de 1990 à 2021, mesurées en mégatonnes d’équivalent CO2 (Mt d’éq. CO2) au Canada et aux États-Unis. En moyenne, au fil des ans, les émissions de méthane représentent une part plus élevée du total américain, soit 76 %, tandis que les émissions de CO2 représentent 69 % du total au Canada. Les émissions de méthane au Canada augmentent, passant de 34 Mt d’éq. CO2 en 1990 à 59 Mt d’éq. CO2 en 2014, après quoi elles diminuent à 37 Mt d’éq. CO2 en 2021. Aux États-Unis, les émissions de méthane reculent, passant de 274 Mt d’éq. CO2 en 1990 à 240 Mt d’éq. CO2 en 2021. Au Canada, les émissions de CO2 passent de 66 Mt d’éq. CO2 en 1990 à 151 Mt d’éq. CO2 en 2021, tandis qu’elles augmentent de 78 Mt d’éq. CO2 à 125 Mt d’éq. CO2 aux États-Unis.

Le secteur pétrolier et gazier est une autre source importante d’émissions, surtout au Canada, où il est le principal émetteur. Les émissions du secteur ont augmenté depuis 2005, vu la production accrue de gaz naturel aux États-Unis et de pétrole dans les deux pays, et l’évolution vers une production pétrolière qui produit plus d’émissions au Canada. Le méthane et le dioxyde de carbone représentent la quasi-totalité des émissions du pétrole et du gaz, la part de l’oxyde nitreux étant négligeable. Au Canada, le dioxyde de carbone représente la majorité des émissions du secteur, contrairement aux États-Unis, où le méthane domine. Les deux pays pourraient donc devoir prioriser différentes mesures pour lutter contre les émissions dans ce secteur (graphique 8). La hausse des émissions sectorielles totales était comparable entre 2005 et 2021; toutefois, le secteur a davantage nui aux réductions des émissions dans d’autres secteurs au Canada. Pour en comprendre l’importance relative, si les émissions du pétrole et du gaz n’avaient pas changé entre 2005 et 2021, les émissions totales à l’échelle nationale auraient diminué de 11,3 % (au lieu de 8,5 %) au Canada et de 15,7 % (au lieu de 15,2 %) aux États-Unis.

Les mesures qui ont contribué à la baisse des émissions de méthane comprennent la réglementation, les approches volontaires et les partenariats gouvernement-industrie. Aux États-Unis, les émissions de méthane sont en baisse depuis le début des années 1990, notamment grâce aux programmes volontaires qui encouragent les sociétés pétrolières et gazières à réduire les émissions de méthane, comme le programme STAR pour le gaz naturel lancé par l’Environmental Protection Agency aux États-Unis en 1993.13 Quelques États, comme la Californie et la Pennsylvanie, ont également adopté des règlements pour limiter les émissions de méthane.

Le graphique 9 présente l’intensité des émissions du secteur pétrolier et gazier de 2000 à 2021, mesurée en kilogrammes d’équivalent CO2 par baril équivalent pétrole (kg d’éq. CO2/bep) au Canada et aux États-Unis. La production de pétrole au Canada génère plus d’émissions qu’aux États-Unis pendant toutes les périodes, alors que la production de gaz prend le relais à partir de 2008. L’intensité des émissions liées à la production de pétrole atteint un sommet de 112,4 en 2001 et recule à 76,7 kg d’éq. CO2/bep en 2021 au Canada. Aux États-Unis, elle culmine à 51,4 en 2008 et redescend à 27,6 kg d’éq. CO2/bep en 2021. L’intensité des émissions liées à la production de gaz atteint un sommet de 74,2 en 2012 et recule à 52,9 kg d’éq. CO2/bep en 2021 au Canada, tandis qu’aux États-Unis elle atteint un sommet de 71,5 en 2005 et 2006, et recule à 37,0 kg d’éq. CO2/bep en 2021.

De même, au Canada, les gouvernements provinciaux de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, ainsi que le gouvernement fédéral, ont établi des cibles de réduction des émissions de méthane et des règlements connexes. Les gouvernements aident aussi les entreprises à adopter des technologies qui permettent de réduire les émissions de méthane.14 De plus, la production de gaz naturel et de pétrole classique est restée relativement stable au Canada ces dernières années, ce qui représente plus de 80 % des émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier. 

Un autre aspect où le secteur s’est amélioré est la réduction de l’intensité des émissions, mesurée d’après les émissions sectorielles par unité de pétrole et de gaz produite (graphique 9). Cette mesure diminue depuis plusieurs années, la croissance de la production dépassant celle des émissions. Néanmoins, ces efforts devront se traduire par une réduction des émissions absolues pour que le secteur se dirige vers la carboneutralité. C’est particulièrement le cas au Canada, où une baisse des émissions absolues de pétrole et de gaz sera probablement nécessaire pour atteindre la cible de réduction fixée pour 2030, compte tenu de l’importance relative du secteur par rapport aux émissions totales. Par conséquent, il est impératif de mettre en œuvre les projets proposés pour le captage et le stockage du carbone le plus vite possible afin de réduire sensiblement les émissions de dioxyde de carbone et de poursuivre la diminution des émissions de méthane. Les États-Unis doivent quant à eux redoubler d’efforts pour lutter contre les émissions de méthane.

Conclusion

Les États-Unis et le Canada ont progressé modestement en matière de réduction des émissions, mais l’atteinte des cibles pour 2030 sera un défi de taille au rythme actuel, compte tenu de la vitesse à laquelle les nouveaux investissements nécessaires peuvent être déployés et du peu de temps qu’il reste. Mais chaque pays et territoire infranational peut tirer des leçons des efforts de décarbonation relativement efficaces entrepris ailleurs dans le monde. Dans le secteur de l’électricité, les mesures réglementaires et la baisse des prix relatifs des énergies renouvelables et du gaz naturel ont permis aux territoires de réduire, voire d’éliminer, les émissions des centrales au charbon. Toutefois, comme le montrent les expériences de l’Ontario et de la Californie, chercher à produire plus d’électricité à partir uniquement des énergies renouvelables ne suffira pas à réduire les émissions du secteur de l’électricité. Il faudra construire plus de centrales de base à faibles émissions de carbone, y compris des centrales nucléaires

Les deux pays doivent également composer avec des problèmes structurels. Par exemple, le secteur pétrolier et gazier contribue davantage aux émissions au Canada qu’aux États-Unis, ce qui souligne son importance pour atteindre les cibles provisoires, conformément à l’Accord de Paris. De plus, comme le dioxyde de carbone est le principal gaz à effet de serre émis par le secteur au Canada, comparativement au méthane aux États-Unis, les deux pays devront prioriser des mesures différentes. De même, il est peu probable que les États-Unis atteignent leurs cibles provisoires sans réduire davantage les émissions dans le secteur du transport, leur plus grand émetteur de gaz à effet de serre. Mais le Canada fait également face à des défis dans le secteur du transport en raison de la croissance de sa population, qui a contribué à une hausse constante des émissions du secteur avant la pandémie, malgré le recul important de l’intensité des émissions des véhicules à combustion interne. Par conséquent, le gouvernement doit faciliter davantage la transition vers les VE et construire plus d’infrastructures de recharge. Comme on l’a vu à la mi-janvier, l’autonomie des VE est mise à rude épreuve par temps très froid, ce qui complique la vie de leurs propriétaires dans un pays nordique comme le Canada si l’infrastructure de recharge rapide est insuffisante. Les longs délais pour se procurer certains modèles de VE au Canada indiquent également que l’offre pourrait être un facteur limitatif si la situation n’est pas corrigée.

Annexe

Le graphique 10 présente les émissions de gaz à effet de serre du Canada par secteur de 1990 à 2021, mesurées en mégatonnes d’équivalent CO2. Le secteur pétrolier et gazier atteint un sommet de 203 en 2015 et recule à 189 en 2021; le secteur du transport atteint un sommet de 170 en 2019 et recule à 150 en 2021; le secteur industriel recule de 130 en 1990 à 100 en 2021; le secteur de l’électricité recule de 95 en 1990 à 52 en 2021; le secteur de l’agriculture augmente de 49 en 1990 à 69 en 2021; le secteur commercial augmente de 28 en 1990 à 47 en 2021; le secteur résidentiel se situe entre 51 (sommet) et 40 (creux); le secteur des déchets entre 22 (sommet) et 19 (creux); et le secteur du charbon entre 4,5 (sommet) et 2,6 (creux). Les émissions totales atteignent 748 en 2007. Leur plus bas niveau est de 582 en 1991 et de 670 mégatonnes d’équivalent CO2 en 2021. Le graphique 11 présente les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis par secteur de 1990 à 2021 mesurées en mégatonnes d’équivalent CO2. Le secteur de l’électricité recule de 1 880 en 1990 à 1 584 en 2021; le secteur du transport augmente de 1 485 en 1990 à 1 740 en 2021; le secteur industriel recule de 1 222 en 1990 à 1 107 en 2021; le secteur de l’agriculture augmente de 593 en 1991 à 636 en 2021; le secteur résidentiel se situe entre 399 (sommet) et 306 (creux); le secteur pétrolier et gazier se situe entre 405 (sommet) et 330 (creux); le secteur commercial augmente de 230 en 1990 à 297 en 2021; le secteur des déchets recule de 236 en 1990 à 169 en 2021; et le secteur du charbon recule de 121 (sommet) en 1990 à 53 (creux) en 2021. De plus, les émissions des territoires américains atteignent un sommet de 61 en 2004 et reculent à 24 en 2021. Les émissions totales culminent à 7 511 en 2007, atteignent un creux de 6 026 en 2020 et augmentent à 6 340 mégatonnes d’équivalent CO2 en 2021.
Le graphique 12 présente l’intensité des émissions par habitant et par unité du PIB de 2005 à 2021, avec un indice de 2005 = 100 au Canada et aux États-Unis. La diminution de l’intensité des émissions par habitant et par unité du PIB est plus prononcée aux États-Unis qu’au Canada. Les émissions par habitant diminuent de 22,8 % en 2021 au Canada et de 24,5 % aux États-Unis par rapport à 2005. Les émissions par unité du PIB diminuent de 28,5 % en 2021 au Canada et de 35,6 % aux États-Unis par rapport à 2005.

Notes de fin

  1. Le Rapport d’inventaire national de 2023 du Canada utilise les valeurs du potentiel de réchauffement planétaire (PRP) du quatrième rapport d’évaluation (AR4) du GIEC pour convertir les émissions de GES autres que le CO2 en équivalents CO2, tandis que les données américaines se fondent sur les valeurs du cinquième rapport d’évaluation (AR5) du GIEC. La mise à jour des données sur les émissions du Canada en fonction des valeurs du PRP de l’AR5 n’a pas changé grand-chose aux conclusions de l’article, qui sont fondées sur les données officielles. Toutefois, la comparaison entre l’AR4 et l’AR5 pour le Canada est incomplète, car il n’a pas été possible de mettre à jour les valeurs des émissions des divers hydrofluorocarbures et perfluorocarbures, vu le regroupement des données. Les estimations officielles du Canada fondées sur les valeurs du PRP de l’AR5 seront disponibles dès le rapport d’inventaire de 2024.
  2. La définition de nombreux secteurs économiques varie entre les données américaines et canadiennes. Dans le présent article, les catégories ont été rajustées pour faciliter la comparaison des données.
  3. Michelle Bellefontaine, CBC News, Coal-power plants to get 1.1B in compensation for next 14 years, le 24 novembre 2016.
  4. TransAlta, Chef de file dans la production d’électricité propre :Rapport intégré annuel de 2019, le 3 mars 2020.
  5. Régie de l’énergie du Canada, Avenir énergétique du Canada en 2023 : Données et annexes
  6. U.S. Energy Information Administration, Electricity Data Browser
  7. U.S. Energy Information Administration, Coal was the largest source of electricity generation for 15 states in 2021, le 7 décembre 2022
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  11. California Air Resources Board, California Greenhouse Gas Inventory for 2000-2021 — by Sector and Activity, le 13 décembre 2023.
  12. Agence internationale de l’énergie, Global EV Data Explorer, le 26 avril 2023.
  13. Clayton Munnings and Alan Krupnick, Comparing Policies to Reduce Methane Emissions in the Natural Gas Sector, Resources for the Future Report, juillet 2017.
  14. Gouvernement de l’Alberta, Reducing Methane emissions.
     

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