Skip to main content

Entre situation déprimante à la frontière et essor sur le plan local : perspectives des dépenses liées au tourisme au Canada pour 2025 

Anusha Arif, économiste

date publiée: 26 juin 2025

télécharger

partagez ceci:

Faits saillants

  • Les dépenses liées au tourisme au Canada devraient augmenter dans une modeste fourchette de 2 % à 4 % en 2025. 
  • Le montant total pour cette année sera toutefois tiré vers le bas par les dépenses américaines. Le nombre de visites en provenance des États-Unis se réduit dans un contexte de tensions commerciales et d’incertitude économique et les dépenses transfrontalières devraient fléchir de 5 % à 10 % cette année. 
  • Toutefois, la baisse des dépenses des ménages américains devrait être compensée par une hausse de celles liées au tourisme national au Canada, de nombreux résidents se tournant vers le marché intérieur pour dépenser la totalité ou une partie de leur budget de voyage.  De plus, les dépenses effectuées au Canada par les touristes internationaux provenant d’autres pays que les États-Unis devraient aussi augmenter, ne serait-ce que légèrement.
Ce graphique à barres groupées, intitulé « Graphique 1 : Les États-Unis représentent la principale source de dépenses de visiteurs », illustre les dépenses des visiteurs en milliards de dollars selon diverses régions de provenance pour les années 2019 et 2023 ainsi que les prévisions afférentes pour 2024. Le principal enseignement est que les États-Unis représentent toujours la plus grande part des dépenses de visiteurs, avec une tendance en forte hausse, passant d’environ 11,4 milliards de dollars en 2019 à 13 milliards de dollars en 2023, la projection pour 2024 se situant à 15,4 milliards de dollars. En comparaison, la contribution de l’Europe demeure relativement stable autour de 4,6 à 5,1 milliards de dollars au cours de ces années, tandis que l’Asie et les autres pays affichent une légère baisse, passant d’environ 5,6 milliards en 2019 à 4,9 milliards en 2024. Les Amériques (à l’exclusion des États-Unis) et l’Afrique constituent des sources beaucoup plus modestes, la première région fluctuant entre 1,5 et 2,1 milliards de dollars et la deuxième restant systématiquement en dessous de 0,5 milliard de dollars. Ce graphique met en évidence la prépondérance et la croissance des répercussions associées aux visiteurs américains par rapport aux autres régions à l’échelle internationale

À l’approche de la saison touristique estivale, le rendement du secteur du tourisme au Canada sera scruté par de nombreuses personnes, car il fait face à de nombreuses difficultés. D’un côté, les visites de voyageurs américains ont affiché une tendance à la baisse en raison des tensions commerciales persistantes. De l’autre, le secteur semble vouloir profiter de la hausse continue du nombre de visiteurs internationaux provenant d’autres pays que les États-Unis et, surtout, d’une solide hausse des voyages intérieurs au Canada. Le sort global du secteur se jouera selon lequel de ces deux pôles l’emportera. 

Nous estimons que les dépenses totales liées au tourisme1 au Canada (en dollars nominaux) devraient augmenter de 2 % à 4 % en 2025. Bien que cela puisse sembler modeste, surtout par rapport aux gains annuels de 15 % enregistrés au cours du rebond post-pandémie, ce résultat traduirait une certaine résilience dans le contexte d’une année où de nombreux autres secteurs canadiens peineront probablement à croître. Surtout, il s’agit d’une perspective avantageuse en comparaison avec la situation aux États-Unis, où les dépenses des visiteurs internationaux devraient de leur côté diminuer d’environ 7 % en 20252.

Aperçu du secteur du tourisme au Canada

En 2024, environ 100 milliards de dollars ont été consacrés à des activités liées au tourisme au Canada, ce qui regroupe les voyages personnels et professionnels de résidents comme de non-résidents.

Environ les trois quarts de ce montant sont attribuables aux dépenses des Canadiens qui ont voyagé au pays. Statistique Canada tire son estimation des dépenses liées au tourisme intérieur de son Enquête nationale sur les voyages, laquelle dresse un portrait exhaustif, des courts voyages de 40 km seulement jusqu’aux trajets plus longs, et inclut les dépenses personnelles et professionnelles. Il reste donc environ un quart des dépenses à être liées aux voyages internationaux. Les visiteurs américains représentent depuis longtemps la pierre angulaire du tourisme international au Canada, totalisant quatre voyages de non-résidents sur cinq et apportant au secteur un montant record de 15 milliards de dollars en 2024, un montant plus élevé que tous les autres pays réunis.

Le secteur du tourisme au Canada a subi une contraction sans précédent en 2020 avec une chute des dépenses de plus de 50 %. Depuis, le secteur s’est rapidement redressé, les dépenses américaines arrivant en tête du peloton sur le plan international (graphique 1). En revanche, la part des dépenses internationales en dehors des États-Unis demeure inférieure aux niveaux antérieurs à la pandémie. Compte tenu de leur ampleur, les dépenses intérieures ont constitué le principal facteur de la reprise globale du tourisme. Comparativement à 2019, le nombre de visites de touristes canadiens au niveau local a augmenté de 6 % l’an dernier et les dépenses totales ont bondi de 30 %.

Déclin des visites en provenance des États-Unis

Pour en revenir aux perspectives de cette année, commençons par la mauvaise nouvelle : la baisse des visites en provenance des États-Unis. Les tensions commerciales, l’incertitude entourant l’économie et la faiblesse du dollar américain cette année pèsent sur les plans de voyage des Américains. En mai, les voyages en voiture effectués par les résidents des États-Unis vers le Canada ont diminué de 8,4 %, ce qui représente le quatrième mois consécutif de baisse sur 12 mois3. Ce sont les collectivités et les entreprises frontalières qui sont les plus touchées. Les boutiques hors taxes, les restaurants et les détaillants situés à proximité des points de passage importants signalent des baisses alarmantes du trafic routier et, dans certains cas, des baisses des ventes allant jusqu’à 80 %4.

Pour l’avenir, nous ne prévoyons pas d’amélioration marquée des arrivées en provenance des États-Unis avant la fin de 2025. D’ici là, une partie des tensions commerciales et des nuages d’orage qui planaient au-dessus de l’économie américaine devraient se dissiper. En 2025, nous estimons la baisse des dépenses effectuées au Canada par des personnes provenant des États-Unis de 5 à 10 %, soit une diminution d’environ un milliard de dollars par rapport à 2024.

La tendance américaine contrecarrée par les visites internationales en provenance de pays autres que les États-Unis

Ce graphique linéaire, intitulé « Graphique 2 : Intérêt accru des touristes locaux et internationaux pour les voyages au Canada », affiche les données de Google Trends mesurant l’intérêt pour les voyages sur une échelle où 100 représente le sommet de la popularité. Le graphique retrace deux tendances chaque semaine du 24 décembre 2023 au 25 mai 2025 environ : « Voyages au Canada (à l’échelle mondiale) », représentée par une ligne orange, et « Voyages au Canada », représentée par une ligne verte. Les deux lignes oscillent généralement entre 50 et 70 pendant la majeure partie de 2024. Toutefois, les voyages au Canada (la ligne verte) connaissent une forte hausse en mars 2025, lorsque le niveau d’intérêt grimpe rapidement de 70 à près de 100, ce qui indique une période de fort engouement pendant cette période. Après ce sommet, l’intérêt pour les voyages au Canada diminue fortement tout en demeurant élevé, se stabilisant autour de 70-80 en avril 2025. La tendance des voyages au Canada (à l’échelle mondiale) augmente également au cours de cette période et atteint un sommet d’environ 100 en mars pour chuter à 90 en avril. Ce graphique illustre une forte hausse de l’intérêt pour les voyages au Canada au niveau local comme à l’échelle mondiale en mars et en avril 2025

De façon plus encourageante, les voyages internationaux vers le Canada en provenance de pays autres que les États-Unis repartent à la hausse. Les données de Google Trends montrent un intérêt mondial et local croissant pour le Canada en tant que destination de voyage, avec une forte hausse des recherches liées aux voyages en mars et en avril (graphique 2). Bien que cela ne remplace pas directement les chiffres relatifs aux réservations, la hausse cadre avec les chiffres réels. Sur 12 mois, les visites d’avril en provenance du Royaume-Uni ont augmenté de 14 % et celles en provenance du Mexique, de 22 %, tandis qu’en mai, celles en provenance de la Chine ont progressé de 11 %. Ces visiteurs ne représentent encore qu’une petite partie du total, mais la tendance est prometteuse, d’autant plus que les tensions aux États-Unis poussent les touristes à considérer le Canada comme une destination alternative. Nous supposons que ces tendances prévaudront au cours des prochains mois, ce qui se traduirait par une augmentation modeste des dépenses d’environ 0,3 milliard de dollars en 2025.

Une tendance amortie par les voyages des Canadiens au pays 

La diminution du tourisme en provenance des États-Unis devrait être compensée en grande partie par les Canadiens eux-mêmes, malgré les inquiétudes persistantes à l’égard des perspectives économiques à court terme. L’évolution des préférences contribue à appuyer le tourisme au pays. Bien que les données objectives soient encore maigres, les premiers indicateurs sont encourageants. Airbnb a notamment indiqué que les recherches liées à des voyages à l’intérieur du Canada avaient augmenté de près de 20 %5. Selon un sondage mené par le Groupe Banque TD, 64 % des Canadiens prévoient de voyager au pays6. Ces chiffres sont étayés par les données sur le nombre de passagers sur les vols intérieurs, qui a également augmenté de 7,4 % sur 12 mois en avril, ce qui indique une augmentation continue du nombre de Canadiens voyageant par avion au sein de leur propre pays (graphique 3). Les données sur le taux d’occupation des hôtels confirment ce changement à l’égard des voyages au pays, même si elles sont contrastées à l’échelle du Canada. En avril, le taux d’occupation national du Canada s’est établi à 63 %, ce qui représente un léger recul par rapport à 2024, mais, au niveau des provinces, les performances demeurent robustes dans les destinations d’agrément clés, ce qui témoigne de la résilience du pays. Par exemple, en Colombie-Britannique, le taux d’occupation des hôtels atteint 68,7 %, soit le niveau le plus élevé de toutes les provinces7. De plus, des initiatives gouvernementales, comme le programme « Laissez-passer Un Canada fort », qui offre un accès gratuit ou à prix réduit à des parcs nationaux, des musées et à VIA Rail, en plus de la réduction de la taxe sur le carbone en date du 1er avril, font collectivement de 2025 une année plus intéressante pour les voyages locaux. 

Parallèlement, les Canadiens sont également plus nombreux à délaisser les voyages aux États-Unis. Même si les voyages effectués par les Américains au Canada ont diminué, l’inverse a été largement plus prononcé. En mai, les voyages aller-retour aux États-Unis effectués par les résidents canadiens ont diminué de 38 % en voiture et de 24 % en avion (graphique 4). Selon certains rapports, les voyageurs hivernants, dont bon nombre sont des personnes à revenu élevé qui dépensent, ont annulé des voyages, certains ayant modifié leurs plans cette année afin de passer plus de temps au Canada8. Une réaffectation des dépenses visant des régions comme la Floride ou l’Arizona dans les marchés canadiens pourrait donner un coup de pouce important au secteur du tourisme canadien. 

Malgré la résilience des consommateurs canadiens depuis le début de l’année, certains risques demeurent présents. La faiblesse du marché de l’emploi et l’incertitude économique de façon générale devraient peser sur les plans de dépenses relatifs au tourisme au pays cette année.  Bien que la tendance à acheter canadien demeure solide, elle ne sera probablement pas suffisante pour faire de 2025 une année remarquable. Cela dit, à condition que, au cours des prochains mois, les difficultés rencontrées par l’économie du fait des tarifs douaniers commencent à s’atténuer et la confiance des consommateurs, à se renforcer, on peut encore raisonnablement s’attendre à une croissance modérée de l’ordre de 4 % (ou plus de 3 milliards de dollars) des activités liées aux voyages des Canadiens en 2025.

Ce graphique à barres regroupées, intitulé « Graphique 3 : Augmentation des voyages intérieurs dans les principaux aéroports canadiens », illustre la variation en pourcentage sur 12 mois du nombre de passagers contrôlés effectuant un vol intérieur en mars (barres vertes) et en avril (barres jaunes) dans huit grands aéroports canadiens. Les aéroports indiqués sont Halifax (Nouvelle-Écosse), Montréal (Québec), Ottawa (Ontario), Toronto (Ontario), Winnipeg (Manitoba), Calgary (Alberta), Edmonton (Alberta) et Vancouver (Colombie-Britannique). Tous ces aéroports affichent une croissance positive au cours des deux mois, ce qui indique une augmentation globale des voyages aériens intérieurs. Winnipeg a enregistré la plus forte croissance en mars, avec environ 12,1 %, et Ottawa, la plus forte croissance en avril, avec environ 11,1 %. Parmi les autres tendances notables, on peut citer la croissance d’environ 9,6 % enregistrée en avril à Montréal, qui a largement surpassé celle de 2,1 % enregistrée en mars, et la tendance similaire à Toronto pour les deux mois, avec environ 3,7 % en mars et 8,1 % en avril. Concernant Calgary, la croissance en avril a affiché environ 9,5 %, résultat qui surpasse celui de mars, qui était de 2 %. À l’inverse, Winnipeg (12,1 % en mars et 7,8 % en avril), Edmonton (7,7 % en mars et 6,8 % en avril) et Vancouver (6,8 % en mars et 5,2 % en avril) ont toutes enregistré des hausses en pourcentage plus importantes en mars qu’en avril. Ce graphique offre un aperçu clair de la reprise contrastée autant que globalement positive du transport aérien intérieur dans les principaux centres aéroportuaires du Canada Ce graphique à barres regroupées, intitulé « Graphique 4 : Baisse persistante des voyages aux États-Unis effectués par les résidents du Canada », illustre la variation en pourcentage sur 12 mois des voyages aller-retour aux États-Unis des résidents du Canada de janvier à mai. Nous avons comparé deux modes de transport : l’avion (barres vertes) et l’automobile (barres vert foncé). Le graphique montre une variation sur 12 mois constamment négative pour les cinq mois observés concernant les voyages par avion et de février à mai pour les voyages en automobile. En janvier, le transport aérien avait diminué d’environ 8 %, tandis que le transport en automobile avait augmenté d’environ 0,6 %. Puis, chaque mois à partir de février, la baisse des voyages en automobile a été beaucoup plus prononcée que celle des voyages par avion. En février, le transport aérien a diminué d’environ 7,9 % contre 22,5 % pour le transport en automobile. Cet écart a continué de se creuser tout au long de la période, la tendance culminant en mai avec une baisse d’environ 24 % des voyages par avion et d’environ 38 % de ceux en automobile, soit le secteur qui a connu la baisse la plus vertigineuse. Les données suggèrent une accélération de la diminution des voyages transfrontaliers du Canada vers les États-Unis de février à mai, en particulier en automobile.

Bilan général

Le secteur du tourisme au Canada traverse d’importants changements et le volume des dépenses qui lui sont associées pour 2025 repose sur l’équilibre de deux forces opposées, à savoir la baisse des dépenses entrant au pays depuis les États-Unis face à la résilience des dépenses intérieures et internationales provenant de pays autres que les États-Unis.  Comme notre analyse le suggère, la baisse du nombre de visiteurs américains sera probablement entièrement contrebalancée par la croissance de ces autres sources, ce qui se traduira par une augmentation nette totale des dépenses globales liées au tourisme en 2025 de 2 à 4 milliards de dollars. Propulsé par ces vents favorables, le secteur du tourisme au Canada pourrait s’en sortir bien mieux en 2025 que cela n’aurait été le cas en l’absence de ces sources. 

Pour ce qui est de 2026, une année charnière s’annonce. Les dépenses au pays devraient demeurer robustes et une reprise des voyages internationaux depuis les États-Unis est fort probable. En tant que coorganisateur de la Coupe du Monde de la FIFA en 2026, le Canada bénéficie également d’une occasion historique de renforcer son profil touristique à l’échelle mondiale. Cet événement international majeur devrait accueillir un grand nombre de visiteurs partout au pays, ce qui stimulera le PIB et les revenus d’emploi. Les préparatifs ayant déjà commencé, 2025 pourrait bien offrir les prémices de ce qui sera possiblement une excellente année pour le tourisme au Canada

Notes en fin de texte

  1. Les dépenses totales liées au tourisme comprennent les dépenses personnelles et professionnelles enregistrées par l’Enquête nationale sur les voyages et par l’Enquête sur les voyages des visiteurs.
  2. https://wttc.org/news/us-economy-set-to-lose-12-5bn-in-international-traveler-spend-this-year
  3. Toutes les données sur les arrivées jusqu’en avril reposent sur les chiffres complets des Voyages entre le Canada et les autres pays. Toutes les données de mai reposent sur les chiffres préliminaires de l’Indicateur avancé des arrivées internationales au Canada.
  4. https://www.theglobeandmail.com/business/article-duty-free-shops-see-sales-plummet-as-travellers-avoid-us/
  5. https://news.airbnb.com/fr/les-tendances-voyage-du-printemps-2025/
  6. https://www.travelpulse.ca/news/destinations/64-of-canadians-plan-to-travel-within-canada-this-summer-survey-finds
  7. https://str.com/press-release/canada-hotels-reported-mixed-performance-april
  8. https://www.ctvnews.ca/canada/article/canadas-snowbirds-reconsider-calling-the-us-their-second-home/

Avis de non-responsabilité