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Aperçu préliminaire des résultats de vaccination à l’échelle mondiale et leçons à en tirer pour le Canada

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067

Sohaib Shahid, économiste principal | 416-982-2556

date publiée: 11 février 2021

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Sommaire

  • Les vaccins sont le remède à la succession de mises sur pause puis de remises en route de l’économie qui pousse les entreprises au bord du gouffre. Toutefois, l’expérience d’Israël et du Royaume-Uni laisse penser que, même lorsqu’une campagne de vaccination plus agressive sera lancée au Canada, des restrictions ciblées devront être maintenues à court terme.
  • La capacité des hôpitaux a été un facteur clé qui a incité les provinces canadiennes à resserrer les restrictions. L’expérience à l’étranger montre que le nombre des hospitalisations liées à la COVID-19 peut être réduit plus rapidement en concentrant la vaccination exclusivement sur les personnes âgées et sur les personnes qui risquent le plus de développer des formes graves de la maladie. 
  • Jusqu’à ce que les personnes âgées soient vaccinées, toute décision qui favorise les rassemblements de personnes jeunes doit être soigneusement évaluée. Les tests de dépistage devraient être plus fréquents et plus accessibles pour les communautés et groupes qui risquent le plus de propager le virus.
Le graphique 1 montre le nombre de semaines écoulées depuis le début de la campagne de vaccination d’un pays et le pourcentage de personnes ayant reçu au moins une dose de vaccin. Israël est en tête, avec environ 40 % de sa population vaccinée en sept semaines. Le Canada est à la traîne par rapport aux autres pays, ayant vacciné seulement 2,3 % de sa population en huit semaines.

À pareille date l’an dernier, nous avons utilisé l’expérience économique de la Chine comme guide pour savoir à quoi s’attendre en Europe et en Amérique du Nord, alors que le virus et les restrictions commerciales se propageaient d’une région à l’autre. Israël et le Royaume-Uni donnent maintenant au Canada un aperçu de la mesure dans laquelle une campagne de vaccination réussie permet d’assouplir les restrictions commerciales et d’accélérer la reprise économique. 

Le déploiement du vaccin au Canada accuse du retard par rapport à d’autres économies avancées. Comme les expéditions ont été moins importantes que prévu, le mois de mars devient crucial pour la livraison des vaccins. On s’attend à ce que les envois combinés de Moderna et de Pfizer atteignent 3,1 millions de doses rien que pour mars, contre environ 2,4 millions de doses prévues entre décembre et février1. 

Le déploiement fluide des vaccins est une condition nécessaire à une reprise économique durable, mais il peut emprunter de nombreuses voies. L’expérience du Royaume-Uni et d’Israël montre que même lorsque la vaccination se fait rapidement et à grande échelle, les restrictions commerciales et sociales sont lentes à être levées. La présence de variants du virus plus contagieux ou plus dangereux ajoute à la nécessité d’une prudence accrue. Par exemple, Israël et le Royaume-Uni ont imposé des mesures de confinement à l’échelle nationale quelques semaines après le début de la vaccination. En Israël, les restrictions ont pris fin le 7 février, tandis qu’au Royaume-Uni elles devraient être levées à la fin mars. Au moment de la levée de son confinement, Israël avait vacciné 40 % de sa population, tandis que le Royaume-Uni en aura vacciné au moins 35 %.

Il est probable qu’au Canada aussi il y ait un décalage entre l’atteinte des seuils de vaccination et l’assouplissement des restrictions. En effet, on a pu constater que la menace qui pèse sur la capacité des hôpitaux est un élément déterminant quant aux restrictions décidées par les gouvernements de ce pays. De plus, l’augmentation de l’incertitude autour de l’approvisionnement en vaccins au Canada accentue l’urgence d’une distribution rapide et précise.

Prenons l’exemple de l’Ontario. Depuis le début de la deuxième vague, les personnes âgées ne représentent que 21 % des cas de COVID-19, mais 69 % des hospitalisations et 93 % des décès. Il a également été bien documenté au cours de la dernière année que les séjours à l’hôpital sont beaucoup plus longs pour ce groupe d’âge. Cela laisse à penser les efforts de vaccination peuvent davantage porter fruit et les résultats économiques peuvent être meilleurs si l’on se concentre exclusivement sur les personnes les plus susceptibles de développer des formes graves de la maladie et d’être hospitalisées. Même en faisant cela, la leçon à tirer d’Israël est qu’il faut du temps pour recueillir les bénéfices de la première dose de vaccin. 

De plus, les restrictions pourraient se prolonger, car les résultats des vaccins sont encore en cours d’analyse par la communauté médicale. L’utilisation concentrée du vaccin Pfizer par Israël a démontré qu’il demeure très efficace pour les personnes âgées. On ignore toutefois encore dans quelle mesure les autres vaccins donneront des résultats similaires. Le Canada devrait veiller à ce que les vaccins dont l’efficacité chez les personnes âgées est clairement prouvée soient utilisés en priorité pour ce groupe d’âge, particulièrement dans un contexte où l’approvisionnement est loin d’être garanti d’un mois sur l’autre.

La campagne de vaccination du Canada accuse du retard par rapport à celles de pays comparables

Le graphique 2 montre la proportion prévue de personnes vaccinées au fil du temps au Canada, dans l’Union européenne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Israël. 70 % de la population canadienne devrait avoir reçu les deux doses d’ici la fin novembre, tandis qu’Israël devrait atteindre ce résultat d’ici mai.

Le Canada a été l’un des premiers pays à autoriser la vaccination, mais le déploiement y a été plus lent que dans d’autres pays comparables (graphique 1). Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, depuis les difficultés croissantes typiques pour mettre en œuvre une campagne vaste et complexe, que d’autres pays ont rencontrées aussi, jusqu’aux obstacles plus récents dus à l’interruption et à l’insuffisance de l’approvisionnement comparativement aux autres pays du G7. En deux mois, seulement 2,3 % de la population canadienne a reçu au moins une dose. Si l’administration du vaccin s’accélère au cours des prochains mois, comme l’ont annoncé les divers paliers de gouvernement, nous estimons qu’il faudra attendre la fin de 2021 pour atteindre l’immunité collective (graphique 2). L’immunité collective n’est pas forcément indispensable au retour à la normale de l’économie, mais il faut créer un modèle durable qui atténue la pression sur les hôpitaux et la société en général. 

Premières leçons à tirer de l’expérience d’Israël et du Royaume-Uni

Dès le départ, la campagne de vaccination d’Israël a constitué un exemple pour le reste du monde. Les personnes âgées ont été prioritaires et près de 40 % de la population a été vaccinée en 7 semaines. Environ 90 % de la population âgée israélienne a déjà reçu la première dose, et 80 % a même reçu les deux doses. Le Royaume-Uni n’est pas très loin derrière, avec une première dose reçue par 18 % de sa population générale et 90 % des plus de 80 ans. Toutefois, en raison de sa politique de report de la deuxième dose de 12 semaines, seulement 0,75 % de la population a reçu les deux doses. 

Comment se fait-il qu’Israël ait réussi à vacciner rapidement sa population? 

Le prix a peut-être été un facteur partiel dans l’obtention des vaccins, car certains rapports suggèrent qu’Israël a payé plus cher que d’autres pays pour obtenir le vaccin Pfizer. Cependant, l’approvisionnement plus fiable d’Israël vient peut-être aussi de sa capacité à mettre à profit un atout particulier. En effet, le gouvernement a promis de communiquer à Pfizer des données anonymisées sur l’âge, le sexe et le profil démographique des personnes vaccinées. En d’autres termes, Israël a proposé d’aider Pfizer à mieux comprendre l’efficacité et les limites de son vaccin sur une échelle bien plus grande que celle des essais de phase 3. Cela permet donc à Pfizer de s’ajuster plus vite. 

Le graphique 3 présente la proportion de la population qui pense qu’il est difficile de se faire vacciner au Japon, au Canada, en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni. Au Canada, 65 % de la population pense qu’il sera difficile de se faire vacciner. Ce chiffre s’élève à 58 % au Royaume-Uni.

Cela a été rendu possible grâce à la solide infrastructure et logistique d’Israël dans le domaine de la santé. Le pays dispose également d’un système de santé universel dans lequel chaque personne possède un dossier médical numérisé, ce qui facilite le suivi des patients et la communication avec eux. Enfin, sa superficie restreinte, six fois plus petite que celle du sud de l’Ontario, a également facilité la distribution des vaccins et la logistique. Le Royaume-Uni présente bon nombre des mêmes atouts. 

Israël était également très motivé à chercher une solution rapide, puisque le pays ne produit aucun des vaccins approuvés, contrairement au Royaume-Uni, qui fabrique les vaccins Pfizer, Moderna et Oxford-AstraZeneca. De plus, Israël est le pays qui a connu la plus longue période de confinement, ce qui a créé une énorme pression à l’intérieur de ses frontières. Le gouvernement a d’ailleurs été dissous en décembre 2020. Il n’est donc pas surprenant que le nouveau gouvernement ait tout mis en œuvre pour accélérer l’accès au vaccin. 

Israël n’est pas non plus une fédération dans laquelle les gouvernements provinciaux sont responsables de la prestation des soins de santé. Là encore, il y a des similitudes au Royaume-Uni. Ces facteurs ont grandement facilité la coordination des efforts de vaccination. Malgré les différences, il y a des leçons à tirer pour le Canada :

  • Israël a décentralisé les sites de vaccination en dehors des hôpitaux et en a installé dans des zones isolées. C’est particulièrement important pour le Canada, où certaines personnes âgées et certaines personnes susceptibles de développer une forme grave de la maladie pourraient avoir des difficultés d’accès au vaccin, en raison de la vaste étendue géographique et de la répartition de la population (graphique 3).
  • Israël a également mobilisé son armée pour participer aux efforts, ce qui a permis une mise en place rapide et efficace des sites de vaccination.
  • Le pays a aussi mené une vaste action de proximité et s’est appuyé sur des centres et des établissements de santé communautaires. 
  • Par ailleurs, il poursuit ses efforts de vaccination avec un sentiment d’urgence en gardant des centres ouverts 24 heures sur 24. 

Les campagnes de vaccination d’Israël et du Royaume-Uni fonctionnent-elles?

Oui, mais pas aussi rapidement que certains le souhaiteraient. Les données en provenance d’Israël montrent qu’il y a eu seulement 33 % de contamination en moins chez les personnes ayant reçu une seule dose que chez les personnes non vaccinées (alors que la différence était de 52 % lors des essais cliniques)2. Toutefois, l’efficacité du vaccin se situe entre 66 et 85 % avec deux doses3. Par ailleurs, son efficacité est de 87 à 96 % contre les formes graves de la maladie. C’est une excellente nouvelle pour le système de santé et c’est rassurant sur l’efficacité du vaccin. Comme on pouvait s’y attendre, les hospitalisations diminuent en Israël et au Royaume-Uni, mais à des rythmes différents. Depuis le pic atteint à la mi-janvier, le taux d’hospitalisation au Royaume-Uni a baissé de 19 %, contre 31 % en Israël. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse plus modeste, comme le fait que la campagne de vaccination ait commencé un peu plus tardivement, l’efficacité plus faible avec l’administration d’une seule dose, qui a également été observée en Israël, et la décision politique de retarder la deuxième dose. Il est encore trop tôt pour connaître l’effet des vaccinations complètes sur les taux d’hospitalisation au Royaume-Uni.

Dans le cas d’Israël, les hospitalisations ont commencé à diminuer environ cinq semaines après le début de la campagne de vaccination le 19 décembre. Et à l’époque, Israël vaccinait déjà 10 fois plus vite que le Canada. Malgré cela, les hospitalisations demeurent élevées par rapport au seuil jugé raisonnable par le gouvernement israélien. Le variant britannique, plus contagieux, serait responsable du nombre de cas encore élevés, en particulier parmi les populations jeunes (graphique 4)4. En Israël, on estime que ce variant représente environ la moitié de tous les cas. Au fil du temps, il pourrait devenir le variant dominant au Canada. La situation en Israël illustre bien la nécessité de vacciner rapidement les groupes les plus vulnérables, tout en maintenant certains contrôles en place pour limiter la propagation de la maladie dans les autres groupes d’âge. Le 7 février, Israël a levé le confinement qui durait depuis un mois, puisque plus de 40 % de sa population avait reçu au moins une dose de vaccin, mais les autorités sanitaires continuaient d’émettre des réserves quant à cette décision. Au Canada, compte tenu de la disponibilité actuelle des doses, un tel niveau de vaccination pourrait ne pas être franchi avant le mois d’août environ. Cela pourrait même être encore plus tard dans les provinces qui combinent une forte densité et une plus grande proportion de personnes âgées que les autres, comme le Québec et l’Ontario. 

Quand le nombre de cas en Israël a commencé à diminuer après la mi-janvier, il était difficile de dire si c’était en raison du vaccin ou du confinement. Les données les plus récentes indiquent toutefois que la baisse des cas (-46 %) chez les personnes âgées (les premières à être vaccinées) a été plus prononcée que chez les jeunes (-18 %). Or, comme le confinement de septembre avait donné des résultats similaires chez les personnes âgées et chez les jeunes, la différence peut ici être attribuée au vaccin. Même au Royaume-Uni, les hospitalisations ont diminué un peu plus rapidement après le troisième confinement que lors du deuxième (graphique 5). Bien que plus modeste qu’en Israël, la différence est vraisemblablement attribuable à l’administration de la première dose.

Le graphique 4 montre la part de la population israélienne par groupe d’âge qui a obtenu un résultat positif au dépistage du coronavirus. Le groupe le plus jeune représente 51 % des cas et les personnes âgées, 11,7 %. Le graphique 5 fait état des patients hospitalisés par million d’habitants au Royaume-Uni au cours du deuxième confinement (qui a commencé le 5 novembre) et du troisième confinement (qui a commencé le 6 janvier). Au Royaume-Uni, le nombre d’hospitalisations a diminué plus rapidement après le troisième confinement qu’après le deuxième.

Cela dit, il est difficile d’identifier avec précision les effets directs de la vaccination. La différence pourrait aussi être en partie liée aux comportements. Les personnes qui ont été vaccinées en premier pourraient être plus enclines à la prudence, puisque ce sont elles qui sont les plus à risque. Nous ne pourrons déterminer clairement l’effet du vaccin sur le nombre de nouveaux cas et d’hospitalisations que deux semaines environ après la fin du confinement, une fois que les personnes vaccinées pourront se déplacer librement. Dans le cas d’Israël, ce devrait être au cours de la deuxième moitié de février, tandis qu’au Royaume-Uni, il pourrait falloir attendre début d’avril.

Les vaccins sont le point de départ de la reprise économique, mais la trajectoire peut varier 

Le graphique 6 montre la rigueur des mesures de confinement au Japon, en France, aux États-Unis, au Canada, en Italie, au Royaume-Uni et en Israël. Le confinement d’Israël est le plus strict et celui du Japon, le plus souple.

La trajectoire de la reprise économique dépend de celle du virus, qui elle-même dépend de celle de l’administration du vaccin. Le déploiement rapide et fluide des vaccins est une condition nécessaire à une reprise économique durable préservée des cycles de mises sur pause puis de remises en route qui ont caractérisé la dernière année. Cependant, l’expérience en Israël a montré que les avantages d’un assouplissement des restrictions se feront attendre et dépendront de la capacité à infléchir de manière significative les taux de complications graves et d’hospitalisation. Tout au long de sa campagne de vaccination agressive et réussie, le gouvernement a maintenu un confinement strict à l’échelle nationale (graphique 6). 

En ce qui concerne le Canada, les problèmes d’approvisionnement en vaccins compliquent la situation, ce qui laisse penser que les efforts de vaccination risquent de s’accompagner de restrictions ponctuelles, ciblées et temporaires jusqu’à ce qu’il soit possible de répondre à plusieurs questions.

  • Répercussion des nouveaux variants: Certains vaccins pourraient être efficaces contre certains variants (par exemple, ceux de Pfizer et Moderna contre le variant britannique), mais cela ne signifie pas nécessairement que les vaccins seront efficaces contre tous les variants actuels et futurs, ou que le Canada aura accès à ces vaccins en temps voulu. Cela démontre à quel point il est important de mettre rapidement en œuvre la campagne de vaccination canadienne pour limiter la propagation de variants plus virulents au sein de la partie de la population la plus sujette aux formes graves de la maladie. 
  • Efficacité chez les personnes âgées: La plupart des essais cliniques n’ont pas inclus (suffisamment) de personnes âgées ou ayant des problèmes de santé les rendant plus à risque que les autres. Le vaccin Pfizer s’est avéré efficace pour ces deux catégories de personnes, mais il n’y a pas encore de garantie qu’il en soit de même pour les autres vaccins. La France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède et la Pologne ont déconseillé l’utilisation du vaccin Oxford-AstraZeneca chez les personnes âgées, et les autorités médicales suisses l’ont même carrément interdit. Par ailleurs, le vaccin Moderna a montré une efficacité moindre chez les personnes âgées (86 %) que dans la population en général (94 %). Ce taux reste toutefois extrêmement élevé et permettrait de réduire considérablement la maladie, les hospitalisations et les décès.
  • Effet sur la transmission: L’hypothèse de base est que les vaccins éviteront la transmission. La capacité d’un vaccin à prévenir (ou à réduire) la transmission est cependant variable et aucun des essais approuvés jusqu’à présent n’a permis de tirer des conclusions fermes. Le déploiement du vaccin en Israël ne nous permet pas encore de savoir avec certitude si les personnes vaccinées protègent indirectement celles qui ne le sont pas. Peut-être que le nombre de cas aurait été moindre si le vaccin Pfizer avait empêché la transmission à d’autres personnes. Il faut plus de temps pour évaluer les données. 
  • Le graphique 7 montre, par groupe d’âge, l’intention des Canadiens de se faire vacciner. Les personnes âgées sont celles qui souhaitent le plus se faire vacciner, tandis que les plus jeunes sont les plus réticents.
  • Scepticisme à l’égard des vaccins: Le scepticisme à l’égard des vaccins demeure élevé partout dans le monde. En janvier, 67 % des Canadiens se disaient prêts à recevoir le vaccin lorsqu’il serait disponible.5 En poussant un peu l’analyse, on constate que les jeunes sont moins enclins (55 %) à se faire vacciner que les personnes âgées (73 %) (graphique 7).6 Le scepticisme à l’égard des vaccins chez les jeunes (en plus du ralentissement de l’approvisionnement) est l’une des raisons pour lesquelles le taux de vaccination en Israël a chuté ces derniers jours. Pour atteindre l’immunité collective, il est important qu’au moins 70 % de la population adulte d’un pays soit vaccinée.
  • Nationalisme vaccinal: Nous avons souligné, il y a six mois, qu’il y aurait un manque de coopération entre les pays lorsqu’un vaccin serait mis sur le marché (voir notre rapport). Nous avons également averti que trop compter sur les importations de médicaments et de vaccins essentiels peut entraîner des pénuries dans certains pays, comme le Canada, dont les chaînes d’approvisionnement sont peu fiables. Nous observons ces deux tendances aujourd’hui. La récente décision de l’Union européenne d’imposer des contrôles sur les exportations de vaccins vers certains pays en est un bon exemple. Même si l’UE a rassuré verbalement le Canada que cette politique ne sera pas appliquée, la situation est très instable. Les gouvernements travaillent sous pression et la demande de vaccins dépassera de loin l’offre pendant les mois à venir. Si la pression continue de monter, les garanties données pourraient n’avoir été que de belles paroles. 

Les leçons que les décideurs doivent retenir

1. Les personnes âgées d’abord, les autres après

Nous savons maintenant que plus les mesures de confinement sont longues, plus les dégâts sur le plan économique sont profonds. Les entreprises ont dû travailler sous diverses formes de confinement au cours de l’année écoulée et même avec les programmes de soutien du gouvernement, la durée du confinement les met en danger en raison de l’accumulation de dettes et d’autres facteurs (voir notre rapport). Mais tant que le nombre d’hospitalisations reste élevé, les mesures ne peuvent pas être assouplies. Et les hospitalisations ne peuvent pas diminuer si les personnes âgées continuent à contracter le virus. Par conséquent, étant donné le nombre limité de vaccins et les autres risques encourus, la campagne de vaccination devrait se concentrer en priorité sur les personnes âgées et les personnes qui risquent le plus d’être hospitalisées. Cette approche peut aussi permettre un assouplissement plus rapide et plus durable des restrictions commerciales. Israël et le Royaume-Uni, deux des pays où les campagnes sont les plus efficaces, ont donné la priorité aux personnes âgées dans la première phase de la vaccination. 

L’approche actuelle retarde les bénéfices pour les personnes âgées et la baisse des hospitalisations, ce qui nuit à la reprise économique. L’arrêt temporaire des livraisons de Pfizer a porté un dur coup aux provinces canadiennes qui se sont dépêchées d’ajuster leur calendrier de vaccination pour retarder la deuxième dose. L’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta ont retardé l’administration de la deuxième dose jusqu’à 42 jours. De son côté, le Québec l’a retardé jusqu’à 90 jours. Avec un tel écart entre les deux doses, il faudra plus de temps au Canada pour obtenir une réduction importante des hospitalisations, et les restrictions économiques seront donc plus strictes que dans le scénario qui était envisagé.

Les jeunes risquent moins d’être hospitalisés et pèsent proportionnellement moins sur le système de santé. Ils ont toutefois été les principaux vecteurs de la deuxième vague du virus l’année dernière. Cela laisse à penser qu’il y aura encore des facteurs de risque élevé même une fois la campagne de vaccination bien avancée au Canada. Il faudra les gérer avec prudence jusqu’à ce que les personnes âgées et celles qui risquent le plus d’être hospitalisées aient été vaccinées. Une façon de le faire est d’augmenter le dépistage chez les jeunes et les autres groupes représentant un risque élevé. Ces groupes devraient être prioritaires pour les tests de dépistage très accessibles ou fréquents afin d’enrayer la propagation du virus.

2. La rapidité est essentielle

Plus vite les vaccins seront administrés, plus vite les hospitalisations diminueront de façon durable et plus vite nous reviendrons à la « normale ». Israël en est un bon exemple. En effet, près de 80 % de sa population âgée a reçu les deux doses du vaccin en seulement sept semaines; le déploiement parmi les moins de 60 ans a commencé plus tard, mais progresse plus lentement. Il en a résulté une baisse de 41 % des cas chez les personnes âgées et une diminution de 31 % des hospitalisations de la mi-janvier à début février. Ces données sont particulièrement pertinentes pour le Canada, où les personnes âgées représentent une part plus importante (18 %) de la population, que dans des pays qui ont des campagnes de vaccination plus rapides comme les États-Unis (15 %) et Israël (12 %). 

3. Misons sur ce que l’on sait

Étant donné que les chaînes d’approvisionnement en vaccins du Canada ne sont pas fiables, le pays assure ses arrières en passant des commandes auprès d’autres fabricants de vaccins comme Novavax (52 millions de doses) et Johnson & Johnson (38 millions de doses). En Israël et au Royaume-Uni, l’expérience a cependant confirmé que les résultats peuvent changer en dehors d’un cadre d’essai clinique, au sein d’un grand groupe de personnes âgées et de personnes présentant des comorbidités. Si possible, les gouvernements canadiens pourraient envisager de répartir les vaccins en fonction des différents groupes d’âge de la population afin d’obtenir des résultats plus prévisibles en matière d’hospitalisations. Cela aurait l’avantage supplémentaire d’accélérer le retour à la normale de l’économie et de limiter les traumatismes irréversibles pour les entreprises et les travailleurs. Il faudra toutefois tenir compte de la disponibilité des vaccins et de la capacité à mettre en place une campagne de vaccination rapide et de grande envergure. 

Conclusion

La vaccination est une condition de la reprise économique, mais elle ne permettra pas de libérer immédiatement le plein potentiel économique du pays. Les campagnes de vaccination devront demeurer assorties de restrictions ciblées à court terme. Il est possible de raccourcir les prochaines mesures de restriction en concentrant les campagnes de vaccination sur les personnes qui risquent le plus de développer des formes graves de la maladie et d’être hospitalisées. De plus, jusqu’à ce que les personnes âgées soient vaccinées, toute décision qui favorise les rassemblements de jeunes doit être soigneusement évaluée. Avec le ralentissement des expéditions de vaccins et les exemples ailleurs dans le monde qui offrent de nouvelles connaissances, le moment est venu pour les décideurs politiques canadiens d’adapter leur stratégie. Le Canada se trouve à un tournant crucial.

End Notes

  1. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/2019-nouveau-coronavirus/prevention-risques/covid-19-vaccins-traitements/deploiement-vaccin.html#a4b (données extraites le 8 février)
  2. Mahase, Elizabeth (2021), « Covid-19: Reports from Israel suggest one dose of Pfizer vaccine could be less effective than expected ». BMJ 2021; 372:n217.
  3. Rossman, et al. (2021) « Patterns of covid-19 pandemic dynamics following deployment of a broad national immunization program ». Institut Weizmann des Sciences, Université de Tel-Aviv
  4. Hanukoglu, Israël (8 février 2021), « Coronavirus COVID-19: Age distribution of confirmed cases in Israel ».
  5. https://www.imperial.ac.uk/media/imperial-college/institute-of-global-health-innovation/GlobalVaccineInsights_ICL-Covid-19-Behaviour-Tracker-EMBARGOED-00.01-04.02.2021.pdf
  6. http://angusreid.org/canada-covid-vaccine-january/

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