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L’heure la plus sombre est celle qui précède le lever du soleil

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067

date publiée: 8 juin 2020 

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graphique 1: les enterprises americaines n'ont jamais retrouve le meme dynamise depuis la derniere recession

Le retrait des politiques gouvernementales qui ont freiné l’activité des entreprises marque la phase initiale d’une reprise économique. Toutefois, il ne s’agit là que d’une lueur d’espoir au milieu du sombre portrait que tracent les données en forte baisse au cours des mois de mars et d’avril. Les risques ne se sont pas encore résorbés et les prochaines mesures que les gouvernements prendront pour trouver un équilibre dans le débat entre les vies à sauver et les moyens de subsistance détermineront en fin de compte la gravité et la persistance des dommages économiques. Comme nous l’avons déjà écrit, le taux de chômage extrêmement élevé chez les jeunes montre déjà de manière éloquente que le processus de rétablissement pourrait durer une décennie pour ce groupe de personnes. La récupération de quelques emplois en mai aux États-Unis et au Canada était encourageante, mais elle correspond à environ 10 % de la perte totale subie en seulement deux mois et les jeunes travailleurs demeurent fortement marginalisés (en particulier ceux qui sont âgés de 20 à 24 ans). 

Le seul remède à une récession est une forte demande de travailleurs. Il est de plus en plus clair que cette reprise économique sera limitée par les règles de distanciation physique imposées, à cause desquelles beaucoup d’entreprises peineront à assurer la viabilité de leur exploitation. Nous avons abordé cet effondrement dans un article récent où nous classons chaque secteur d’activité en fonction de ses perspectives dans l’une des catégories désignées par les lettres L, U et V. Plus de 60 % des secteurs ont été placés dans le cycle U et une autre tranche de 10 % dans le L. Par extension, cela signifie que l’emploi dans ces secteurs ne se normalisera pas avant un an ou plus et que les difficultés économiques se traduiront par une augmentation des faillites et du chômage. 

Bien sûr, personne ne connaît avec certitude la trajectoire qui sera suivie, car la dispersion de l’incertitude dans ce cycle dépend de deux facteurs exceptionnels et aggravants. Le premier facteur concerne les règles gouvernementales qui empêchent ou retardent la réouverture d’entreprises viables. Une fois cet obstacle levé, le deuxième facteur est celui de la hausse des coûts d’exploitation qui découle de la nécessité de réduire le taux d’occupation ou le service à la réouverture ainsi que des dépenses engagées pour assurer la sécurité du personnel et des clients. Cela modifie l’arithmétique de la « survie des plus forts » qui s’applique habituellement en période de récession. Cela crée également une barrière à l’entrée plus élevée pour les nouvelles entreprises qui pourraient aider à absorber la main-d’œuvre excédentaire. Le graphique 1 fait ressortir les taux de création et de fermeture d’entreprises aux États-Unis au cours des deux dernières récessions. Il n’est pas surprenant que le taux de fermeture d’entreprises monte en flèche durant une récession. Toutefois, la création de nouvelles entreprises après la crise financière mondiale n’a jamais été assez forte pour rétablir la situation d’avant la crise. L’expérience a été à peu près la même pour les entreprises canadiennes.

graphique 2: tous les nouveaux emplois nets ont ete crees par de nouvelles enterprises

Cette constatation, qui a déconcerté les économistes, a entraîné un grand nombre de recherches sur les théories relatives au dynamisme, à la croissance et à la dissolution des entreprises. Aucun facteur particulier ne semble être dominant, mais les barrières à l’entrée des nouvelles entreprises se sont accentuées, en partie à cause de l’oligopole résultant de la domination des plateformes numériques, et aussi en raison du plus grand recours à la propriété intellectuelle, dont le développement est coûteux, mais qui ne coûte rien à reproduire. La nature de la présente récession amplifiera probablement ces facteurs, compte tenu de la difficulté de percer dans le monde numérique, où les chefs de file du marché sont bien établis, alors que tout nouvel entrant dans un secteur où l’on est en contact étroit avec la clientèle (comme les restaurants, les bars et les détaillants traditionnels) devra respecter un taux d’occupation réduit et assumer des coûts d’exploitation plus élevés, qui limiteront la rentabilité et les possibilités de financement. Comme le montre le graphique 2, c’est le lancement de nouvelles entreprises et non les décisions des entreprises établies qui crée des emplois. 

Ainsi, la mise en œuvre et la durée des mesures de distanciation physique des gouvernements deviennent des caractéristiques essentielles de cette récession et les dégâts qu’elles provoquent déterminent l’allure de la reprise. Une reprise en forme de V est très peu probable en raison de l’approche graduelle à l’égard de la réouverture, le risque qu’une deuxième vague d’infections incite certains gouvernements à resserrer leurs politiques et des données indiquant que les entreprises ne tirent pas entièrement avantage des programmes gouvernementaux offerts pour conserver leurs employés (programme de protection des salaires aux États-Unis et subvention salariale au Canada). Il reste donc trois formes de cycle économique possibles : L, U et W. 

Prendre une lettre comme point de départ est cependant une approche contre-intuitive. La forme du cycle économique est le résultat et non le point de départ. Par exemple, le scénario d’une deuxième vague d’infections est souvent associé à un risque élevé de cycle en forme de W. Toutefois, un résultat en forme L est tout aussi probable, si un resserrement des mesures de distanciation physique fait sauter un autre pied d’un tabouret qui repose maintenant sur seulement trois pieds. 

Définition des quatre étapes du présent cycle économique

Comment peut-on déterminer la trajectoire suivie actuellement? Voici un cadre de réflexion pour aider à simplifier des perspectives nuancées et complexes. Chaque cycle économique désigné par une lettre peut être divisé en quatre étapes : protection, rétablissement, renforcement et fonctionnement. Si ces termes vous semblent familiers, c’est peut-être parce que vous avez déjà subi une blessure et suivi une physiothérapie ou une réadaptation. Le fait que le cycle économique est en forme de L ou de U dépend en fin de compte de la durée des étapes 1 et 2 par rapport à l’étape 3. Le raisonnement est le suivant :

graphique 3: protection retablissement, renforcement et fonctionement

Étape 1 : Protection

  • À ce stade, il s’agit de protéger la blessure, habituellement grâce à une période de repos physique. Dans le contexte économique, cette étape correspond à la période allant de février à la mi-mai, où l’on a littéralement limité les déplacements des gens et l’activité des entreprises afin de protéger la capacité d’hospitalisation et les personnes à risque. L’économie a été mise fermement sur le dos pour une période de repos.
  • Le graphique 3 illustre ce phénomène par la chute abrupte de l’activité économique dans l’ensemble des pays jusqu’au deuxième trimestre.
  • Étape 2 : Rétablissement

  • Dans le cas d’une blessure physique, c’est le moment où vous tentez de retrouver un peu de mobilité, souvent en effectuant des exercices de réadaptation. Dans le cas de la blessure subie par l’économie, le rétablissement correspond selon nos prévisions à la période allant de juin à la fin de cette année, mais il pourrait durer plus longtemps.
  • Au cours de cette période, on assiste à une réouverture graduelle et sélective des entreprises, sous la surveillance des autorités sanitaires visant à déceler tout signe de réapparition de la blessure se manifestant par des taux d’infection élevés et à l’émergence de tensions dans la capacité d’hospitalisation.
  • On peut établir des parallèles étroits entre la notion de récupération de la mobilité après une blessure physique et le présent cycle économique, car nous surveillons littéralement les données sur la mobilité des gens fournies par Google et Apple ainsi que des données sur les flux de crédit à haute fréquence pour évaluer l’ampleur du retour des consommateurs.
  • Sur ce front, des signes encourageants indiquent que les ménages sont prêts à revenir, alors que les gouvernements réduisent leurs mesures de distanciation physique, mais il est encore très tôt. Les mois d’été seront plus révélateurs quant à la mesure dans laquelle les employeurs réembaucheront les travailleurs. La reprise de l’emploi en mai était prometteuse, mais elle ne représente qu’une petite fraction du nombre total d’emplois perdus. De plus, le rapport américain montre qu’un nombre croissant de personnes avaient subi une perte d’emploi permanente plutôt qu’une mise à pied temporaire.
  • L’étape de rétablissement est un pas dans la bonne direction, mais l’économie fonctionne quand même à une capacité réduite. Selon nos prévisions, d’ici à la fin de l’année, nous espérons que l’économie aura réussi à récupérer entre 50 % et 60 % de l’activité antérieure. Cela équivaut à remarcher après une fracture à la cheville, mais sans pouvoir encore courir, pivoter ou sauter.

Le temps qu’une économie prend pour passer à l’étape 2 détermine en fin de compte si le cycle a une forme en L ou en U. Imaginez une deuxième vague d’infections durant l’été ou l’automne. Les gouvernements retourneront-ils l’économie à l’étape de protection ou demanderont-ils aux entreprises de garder plus longtemps leurs activités dans la deuxième étape de rétablissement? Le premier scénario aurait probablement pour effet de créer un cycle économique en forme de L (ou de W) et le deuxième, d’élargir le profil en U en autorisant la mobilité, mais selon une capacité réduite. Toutefois, les deux scénarios prolongent le temps nécessaire pour atteindre l’étape 3 (renforcement), et le temps est l’ennemi de la survie des entreprises lorsque celles-ci sont empêchées de fonctionner au maximum de leur capacité.

    Étape 3 : Renforcement

  • Il s’agit de l’étape de la reprise économique qui devient cruciale pour établir la solidité du mouvement vers le haut dans la lettre représentant le cycle économique. Cette étape devrait survenir selon nous en 2021, si les gouvernements adoptent une approche de gestion du risque pour maintenir l’activité économique plutôt que de replonger l’économie dans une période de repos comme au premier trimestre de cette année.
  • L’étape de rétablissement prend fin lorsqu’une confiance s’établit dans l’élan qui sous-tend les dépenses et les investissements. La dynamique de rétablissement de l’économie se transforme en une propension marginale à dépenser plus forte, qui devient à son tour un multiplicateur d’emplois. Tout comme un muscle, celle-ci doit continuer à se renforcer pour acquérir une vigueur et une polyvalence, qui réduisent la probabilité d’une nouvelle blessure.
  • Étape 4 : Fonctionnement

    graphique 4: la distancion sociale diminue, malgre l'inqiutude qui emerge au sujet d'un deuxieme vague en Asie
  • Non seulement votre cheville est guérie, mais vous avez repris sans crainte l’habitude de courir, de sauter et de sprinter.
  • Pour ce qui est la réadaptation de l’économie, elle correspond, sur le graphique 3, au point où l’économie est revenue au niveau d’activité d’avant la crise. Ce faisant, elle a récupéré toute son amplitude de mouvement et cherche à rattraper le temps perdu.
  • Aux États-Unis, ce moment surviendra selon nous à la fin de 2021. Au Canada, cela se produira au moins un trimestre plus tard, en 2022. Dans d’autres pays, comme l’Italie, il est plus probable que cette étape survienne en 2023 et peut-être plus tard.
  • Cette variation résulte de différences dans les résultats de la distanciation physique et le préjudice subi en raison de la perturbation des marchés des capitaux et du travail. Comme le montre le graphique 4, l’Italie (ainsi que l’Espagne et la France) a dû prendre les mesures de distanciation physique les plus sévères. Le mauvais état des finances publiques en Italie a limité son soutien aux entreprises et aux ménages. Si l’on ajoute à cela la forte dépendance de la croissance économique envers les secteurs liés au tourisme, l’Italie doit traverser une étape de rétablissement prolongée et est donc plus éloignée des étapes de renforcement et de fonctionnement.

Le seul remède à une récession est l’emploi

graphique 5: l'activitie commence a s'amerliorier dans le secteur du detail, mais il y a d''importants ecarts entre le pays

Armés de ce cadre en quatre étapes, nous pouvons maintenant passer en revue les données préliminaires sur les signaux de reprise, alors que les pays assouplissent les mesures de distanciation physique et quittent l’étape 1 (protection). Le graphique 5 présente l’activité des secteurs du commerce de détail et des loisirs dans les pays européens, qui sont en avance de deux ou trois semaines sur l’Amérique du Nord en raison du retrait des mesures restrictives. Dans un large groupe de pays, les paramètres se redressent, de sorte qu’on peut prévoir avec une certaine confiance que le comportement des consommateurs reviendra à la normale une fois que les restrictions seront levées.

Toutefois, il est également évident que les pays qui ont adopté des mesures plus strictes sont plus éloignés d’un retour à la mobilité d’avant la crise. Il est également important de se rappeler que ces données indiquent seulement la fréquentation des endroits visés et non les achats effectués ou de la propension marginale à consommer. Le lèche-vitrine aura peu d’effet sur la relance de l’économie. Nous pouvons cependant au moins affirmer qu’il existe une certaine demande comprimée, considérant l’emploi que les particuliers font de leur temps alors que les entreprises rouvrent. 

Aux États-Unis et au Canada, les mêmes tendances se dégagent, mais nous disposons dans ces pays de données sur le crédit à haute fréquence pour compléter les paramètres de mobilité. Quelques éléments ressortent des graphiques 6 et 7, dans lesquels nous avons inséré un petit nombre d’éléments de comparaison. Tout d’abord, les États-Unis ont appliqué globalement moins de mesures de distanciation sociale que le Canada, de sorte que la reprise économique a moins de chemin à parcourir. Un État américain durement touché par les infections, comme New York, est l’exception et non la règle. Au Canada, par contre, les mesures de distanciation physique étaient plus semblables d’une province à une autre. Bien que les mesures soient en train de s’assouplir au Canada, le pays se situe globalement presque au niveau des sommets que les États-Unis avaient atteints en avril. Cela donne à penser que l’étape de rétablissement pourrait durer plus longtemps au Canada qu’aux États-Unis, surtout si l’on prend en compte les difficultés du secteur de l’énergie. C’est une des principales raisons pour lesquelles les étapes 3 et 4 du cycle économique sont plus éloignées dans le temps au Canada. 

graphique 6: des signes d'un assouplissement des mesures de distancion physique emergent

La bonne nouvelle, c’est que les données sur les flux de crédit des deux côtés de la frontière montrent que les ménages sont prêts à dépenser dans les établissements une fois que les politiques gouvernementales auront changé. Toutefois, les données sont en grande partie préliminaires et manquent de vigueur. De plus, elles ont un certain caractère superficiel à cause de l’effet de substitution. Si vous ne pouvez pas voyager pour le plaisir, même dans votre propre pays (comme on vous dissuade de le faire dans plusieurs provinces au Canada, mais dans une moindre mesure parmi les États américains), alors vous réaffecterez une partie des fonds prévus à des activités à la maison, comme des projets de rénovation, l’achat d’un nouveau barbecue ou du jardinage. 

Cette substitution peut non seulement se traduire par des dépenses globalement plus faibles, mais risque aussi de réduire l’effet multiplicateur sur l’économie. Par exemple, l’aménagement d’un jardin dans votre arrière-cour n’entraîne ni les mêmes dépenses ni la même création d’emplois qu’un séjour dans un centre de villégiature du pays, où vos activités stimulent les restaurants de la collectivité locale, la location d’équipement sportif, le personnel de l’hôtel et les revenus respectifs tout au long de cette chaîne. 
L’entrave que les mesures de distanciation physique représentent pour les secteurs d’activité à multiplicateur élevé témoigne de la difficulté de quitter rapidement l’étape de rétablissement pour passer à l’étape de renforcement.

Les vies à sauver et les moyens de subsistance à assurer

Cela nous amène à une question délicate qui divise l’opinion, c’est-à-dire le débat entre la vie et le gagne-pain. Nous savons que le retour à la « normale », c’est-à-dire au monde d’avant le virus, est irréaliste à court terme, car une certaine dose de distanciation physique subsistera. De plus, la principale préoccupation dont le gouvernement et les responsables sanitaires font état est le risque que les stratégies de réouverture déclenchent une deuxième vague d’infections virales. Cela semble tout à fait possible. En l’absence d’un vaccin, il faudrait, pour éliminer le virus au sein d’une grande population, connaître d’immenses difficultés économiques à long terme, qui non seulement seraient insoutenables financièrement, mais qui entraîneraient également des conséquences sur la santé de la population, problèmes qui ne se limiteraient pas à ceux qui sont actuellement les plus vulnérables au virus. Nous ne pouvons pas présumer qu’une deuxième vague d’infections obligera les gouvernements régionaux à ramener leurs économies à l’étape 1 (protection : repos de la blessure).

graphique 7a: les etats du sud prennent l'initative  de la re'ouverture de l'economie graphique 7b: les provinces de l'atlantique ont pris les devants, tandis que l'ontario retarde la reouverture economique

Commençons par les rapports indiquant qu’une deuxième vague frappe certains pays asiatiques et incite les autorités à durcir de nouveau les mesures de distanciation physique. Comme le montre le graphique 4, des pays ou régions comme le Japon, Singapour et Hong Kong n’ont jamais mis en place des mesures aussi strictes que l’Europe et l’Amérique du Nord. À notre point de vue, même les mesures durcies de ces pays sont moins rigoureuses. Singapour semble être l’exception, mais seulement parce qu’elle a très récemment mis en place des mesures comparables à celles des pays européens et nord-américains, partant d’un point moins élevé. Singapour est également un cas particulier parce qu’elle est l’un des pays les plus densément peuplés du monde, où les travailleurs migrants se chiffrent à presque 1,5 million sur une population totale de près de 6 millions d’habitants. Ces travailleurs vivent dans des logements étroits dont les installations sanitaires sont relativement insuffisantes. En ayant réglé ce problème dès le départ, on aurait pu éviter d’adopter les mesures de distanciation physique plus récentes qui s’adressent à l’ensemble de la population. Cette situation ressemble peut-être beaucoup aux éclosions survenues dans des résidences pour aînés d’un certain nombre de villes nord-américaines ou dans les établissements de traitement des viandes, où des erreurs dans les mesures visant à protéger les travailleurs ont engendré d’immenses problèmes pour le système de santé régional, la collectivité et la population dans son ensemble. 

La question est réellement de savoir si les gouvernements, au cours des quatre derniers mois, ont rassemblé les ressources voulues pour mieux affronter une deuxième vague et ne pas être obligés de prendre des mesures économiques draconiennes pour protéger la partie vulnérable de la population. L’expérience de différents pays montre qu’il n’existe pas de solution universelle. Quelques pays asiatiques ont eu recours à la technologie pour effectuer un confinement rapide grâce à la recherche des contacts, tandis que d’autres, comme l’Allemagne, ont obtenu de remarquables succès, illustrés par un faible taux de mortalité, en appliquant un processus de recherche de contacts manuel ou humain moins sophistiqué, qui exige une dotation en personnel importante et le recrutement ingénieux de travailleurs mis à pied dans d’autres secteurs.

graphique 8: les courbes se sont aplaties dans l'ensemble des pays

De nombreux pays ont réagi à la douloureuse expérience de l’Italie, qui a enregistré l’un des taux de mortalité par habitant les plus élevés en lien avec le virus (graphique 8). Toutefois, lorsqu’on fait le bilan de cette expérience, on constate que la rapidité avec laquelle le virus est apparu a révélé un manque de préparation considérable en ce qui concerne les fournitures médicales (équipement de protection individuelle, respirateurs, etc.), les protocoles, la dotation en personnel et d’autres facteurs, qui a exposé à de grands risques les gens les plus vulnérables au sein de la population et exercé une pression énorme sur le système hospitalier. L’ISS, l’institut italien de la santé, a établi récemment que 96 % des victimes du virus étaient déjà atteintes d’autres maladies avant de le contracter. La grande majorité des décès sont survenus parmi les personnes âgées, en particulier celles de plus de 80 ans. L’Italie n’est pas le seul pays à avoir été pris au dépourvu durant la période de janvier à mars. Tous les pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont eu de la difficulté à se procurer une quantité suffisante de fournitures et de trousses de dépistage, dont la conception et l’approvisionnement ont connu des retards. Depuis, des solutions novatrices ont été trouvées, les mesures de protection dans le public et en milieu de travail ont été ajustées et l’on a tiré de dures leçons de l’expérience. 

Le passé ne permet pas de prédire l’aveni

Les pays continuent de réviser leurs données et leurs politiques, sachant qu’une meilleure connaissance du phénomène permet d’intervenir plus efficacement. De plus, l’amélioration des possibilités de traitement peut réduire davantage la vulnérabilité de la population à risque. C’est pourquoi la voie à suivre en cas de deuxième vague n’est pas tout à fait évidente et ne découle pas directement de l’expérience passée. Les gouvernements peuvent choisir une approche différente en prenant des mesures ciblées plutôt qu’en imposant une fermeture générale des secteurs d’activité, des services et des emplois qui a pour effet subséquent de transférer les risques sanitaires et financiers à une partie encore plus grande de la population. Le résultat visé sera peu viable si, en l’absence d’un vaccin, le virus persiste pendant un an ou deux. 

Toutefois, même si des mesures plus souples sont adoptées, il y a très peu de chances que l’économie revienne à sa pleine capacité avant que les problèmes sanitaires et de sécurité soient entièrement résolus, ce qui nécessitera probablement un vaccin ou, à tout le moins, un traitement très efficace. Par conséquent, même si nous sommes actuellement à l’aise avec la prévision d’un cycle en forme de U aux États-Unis et au Canada, nous continuerons de prendre les devants et de nous ajuster en fonction de l’évolution de la politique suivie. Ce sont les gouvernements, et non les économistes, qui dictent cette prévision. Ce n’est qu’une fois que l’économie aura atteint les étapes 3 et 4 (renforcement et fonctionnement) que nous serons en mesure de jeter un regard en arrière et de commencer à nous attaquer à la montagne de dettes accumulées parmi les ménages, les entreprises et les gouvernements. C’est une question que nous aborderons un autre jour.

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