Budget fédéral de 2024

Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef | 416-982-8067
Francis Fong, directeur général et économiste principal 
James Orlando, CFA, directeur | 416-413-3180

date publiée : 16 avril 2024

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Faits saillants

  • Le budget de 2024 témoigne des efforts décuplés du gouvernement libéral afin d’améliorer l’abordabilité pour les Canadiens à revenu faible ou moyen, avec de nouvelles dépenses dédiées s’élevant à 53 milliards de dollars sur cinq ans (57 milliards de dollars en incluant les dépenses depuis l’Énoncé économique de l’automne). 
  • Les programmes visant à accélérer la construction de nouveaux logements et à les rendre plus accessibles ont été une priorité, avec un coût de 8,5 milliards de dollars. La plupart des dépenses concernent le milieu de l’horizon prévisionnel. 
  • Les détails du régime national d’assurance médicaments posent les fondations pour un programme plus complet à l’avenir. Toutefois, les dépenses prévues dans ce budget figurent au bas de la liste, à 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. 
  • Bien que le gouvernement ait avancé des politiques d’amélioration de la productivité (2,4 milliards de dollars), principalement dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’infrastructure informatique, seul le temps pourra dire si ces efforts amélioreront la trajectoire de l’économie canadienne. 
  • Certains peuvent en douter, compte tenu de l’augmentation surprise du taux d’inclusion des gains en capital, qui est passé à 75 % pour les gains en capital de plus de 250 000 $ et tous les gains en capital réalisés par les sociétés. Afin de faire passer la pilule pour les entreprises, le gouvernement a fait passer l’exonération cumulative des gains en capital de 1 à 1,25 million de dollars, et a mis en place un nouvel incitatif aux entrepreneurs canadiens. 
  • Le déficit devrait diminuer, passant de 40 milliards de dollars au cours de l’exercice 2023-2024 (1,4 % du PIB) à 20 milliards de dollars en 2028-2029 (0,6 % du PIB, soit un peu plus que dans l’Énoncé économique de l’automne). Le ratio dette-PIB devrait atteindre un sommet de 42,1 % au cours de l’exercice en cours, avant de baisser pendant le reste de l’horizon prévisionnel du budget.
Le graphique 1 présente le déficit budgétaire fédéral de 2023-2024 à 2028-2029, en milliards de dollars, par rapport à l’Énoncé économique de l’automne de 2023. Il montre une amélioration des deux.

Le gouvernement fédéral a essentiellement maintenu le profil de déficit à moyen terme qu’il avait établi dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023 (ÉÉA). Grâce en partie à la reprise de la croissance économique en fin d’année, le déficit pour l’exercice 2023-2024 a atteint l’objectif de 40 milliards de dollars, soit l’équivalent de 1,4 % du PIB. Comme cela a déjà été fait auparavant, le déficit a été haussé, quoique modestement, à 156,3 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, par rapport à une estimation antérieure de 146,1 milliards de dollars dans l’ÉÉA (graphique 1). Les nouvelles dépenses ambitieuses s’élèvent à 53 milliards de dollars (57 milliards de dollars en incluant les nouvelles dépenses depuis l’ÉÉA) au cours de la période budgétaire, l’accent étant mis sur l’amélioration de l’abordabilité du logement et l’établissement des fondations pour un régime national d’assurance médicaments. Fait intéressant, le poste de dépense le plus important était le soutien de la Défense nationale (10,7 milliards de dollars). Le gouvernement a partiellement contrebalancé ces répercussions budgétaires en augmentant les impôts (18,2 milliards de dollars/5 ans, 19,4 milliards de dollars à travers le nouveau taux d’inclusion des gains en capital) et en donnant suite aux promesses passées d’améliorer l’efficacité des dépenses du gouvernement (15,8 G$/5 ans depuis le budget de 2023). 

En raison du déficit plus élevé de l’an prochain, le ratio dette-PIB atteint un sommet de 41,9 %, mais devrait diminuer sur le reste de l’horizon budgétaire. Par ailleurs, le ratio déficit-PIB a grimpé à 1,4 % au cours de l’exercice en cours et devrait redescendre en dessous de la cible de 1 % du gouvernement en 2026-2027. 

Le budget devrait être adopté au Parlement en raison de l’entente de partenariat actuelle entre le gouvernement libéral minoritaire et le NPD

Tableau 1 : Résumé du budget fédéral de 2024

[En milliards de dollars canadiens, sauf indication contraire]

Remarque : Les totaux peuvent être inexacts en raison de l’arrondissement.
Source : Ministère des Finances du Canada, Services économiques TD.
Exercice 2022-2023 2023-2024 2024-2025 2025-2026 2026-2027 2027-2028 2028-2029
Recettes budgétaires 447.8 465.1 497.8 514.6 535.7 561.4 586.3
Dépenses liées aux programmes 438.6 450.3 480.5 496.3 509.6 526.3 544.4
Frais du service de la dette 35.0 47.2 54.1 54.9 57.0 60.9 64.3
Pertes actuarielles nettes (gains) 9.6 7.6 3.1 2.4 -0.1 1.0 -2.4
Total des dépenses 483.1 505.1 537.6 553.5 566.5 588.2 606.3
Solde -35.3 -40.0 -39.8 -38.9 -30.8 -26.8 -20.0
Dette fédérale 1,173.0 1,215.5 1,255.3 1,294.1   1,324.9    1,351.7    1,371.7
Pourcentage du PIB              
Recettes budgétaires 15.9 16.1 16.6 16.5 16.5 16.6 16.7
Dépenses liées aux programmes 15.6 15.6 16.0 15.9 15.7 15.6 15.5
Frais du service de la dette 1.2 1.6 1.8 1.8 1.8 1.8 1.8
Solde -1.3 -1.4 -1.3 -1.2 -0.9 -0.8 -0.6
Dette fédérale 41.7 42.1 41.9 41.5 40.8 40.0 39.0

La vigueur de l’économie ouvre la voie à plus de dépenses 

L’amélioration de la croissance économique explique en partie pourquoi le gouvernement a été en mesure d’augmenter ses engagements en matière de dépenses sans toutefois déroger à ses cibles budgétaires (tableaux 1 et 2). La croissance du PIB nominal en 2023 a été plus forte que prévu (2,7 % contre les 2,0 % attendus), tandis que celle pour 2024 a été revue à la hausse au vu des prévisions du secteur privé (3,8 % contre 2,5 %). De 2025 à 2028, le PIB nominal devrait se situer à 4,1 % en moyenne, soit un peu moins que ce qui était prévu dans l’ÉÉA (4,3 %), mais plus que nos estimations, à Services économiques TD (4,0 %). 

Le PIB supérieur aux attentes a contribué à l’augmentation des revenus du gouvernement de 8,9 milliards de dollars pour l’exercice 2023-2024 par rapport à l’ÉÉA. Ce meilleur point de départ devrait se répercuter positivement sur les années à venir, et se traduire par une marge de manœuvre budgétaire supplémentaire d’environ 25 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. De plus, le gouvernement s’attend à ce que ses coffres se renflouent de 19,4 milliards de dollars supplémentaires tirés des nouvelles mesures fiscales et, en particulier, des nouveaux gains en capital des Canadiens aisés. Fait important, le gouvernement ne mise pas sur cette amélioration budgétaire, car les nouvelles dépenses dépassent largement les revenus accrus. 

Les nouvelles mesures de dépenses étaient conformes aux annonces faites par le gouvernement avant le dépôt du budget de 2024. Les nouvelles dépenses programmées ont été augmentées de 53 milliards de dollars, réparties uniformément sur la période allant de  2025 à 2029. 

Les dépenses en pourcentage du PIB resteront élevées, entre 15,5 % et 16,0 %. C’est bien au-dessus de la moyenne de 13,2 % sur les 20 années précédant la pandémie, et très près de la moyenne de 16 % de la première moitié des années 1990, une période où la notation financière du Canada était menacée. 

Les pressions dues aux frais d’intérêt continueront de peser sur le gouvernement au cours des prochaines années. Même si la Banque du Canada (BdC) devrait commencer à réduire son taux directeur en 2024, celui-ci devrait rester plus élevé que prévu au départ dans les prochaines années. Par conséquent, le coût du service de la dette devrait monter jusqu’à environ 64,3 milliards de dollars d’ici 2028-2029. C’est 3,6 milliards de dollars de plus que les prévisions d’il y a à peine six mois. En pourcentage du PIB, les frais d’intérêt devraient s’établir en moyenne à 1,8 % entre 2024 et 2029, soit environ le double du taux d’avant la pandémie. La dernière fois que les frais d’intérêt en pourcentage du PIB ont atteint cette moyenne, c’était entre 1966 et 1969, lorsque le taux directeur de la BdC se situait autour de 6 %. Fait intéressant, cette période avait signifié le début d’une hausse soutenue des coûts de la dette publique, qu’il avait fallu 40 ans pour maîtriser. 

Nouveaux programmes dans le budget de 2024 

Le budget de 2024 renforce les efforts déjà déployés en matière d’abordabilité, en mettant l’accent sur le logement et l’assurance médicaments. Bien que la plupart des nouveaux programmes aient fait l’objet de fuites avant l’annonce du budget, ce dernier contenait plus d’informations contextuelles sur le coût et le calendrier des engagements de dépenses. 

Logement : L’abordabilité a été une priorité pour le gouvernement et le budget 2024 vient supplémenter les politiques antérieures. Au tout début du budget est présenté le plan du gouvernement de louer des terrains publics pour construire de nouveaux logements, une mesure qui atténuerait les coûts initiaux pour les constructeurs et qui vise à réduire les délais d’approbation des permis. Le programme très contesté de 6 milliards de dollars (Alberta et Ontario) pour la construction d’infrastructures résidentielles essentielles liées à l’eau et aux égouts est réparti également de 2025 à 2029. Toutefois, compte tenu des exigences des provinces concernant l’élimination du zonage pour les familles individuelles et la mise en place d’un gel de trois ans sur les frais d’aménagement dans les grandes villes, la participation au programme et, donc, sa réussite demeurent incertaines. Un montant supplémentaire de 400 millions de dollars a également été attribué au Fonds pour accélérer la construction de logements, qui devrait permettre la création de 120 000 maisons supplémentaires. 

Les mesures ci-dessus sont dédiées à l’offre de logements, mais il y a également plusieurs nouvelles initiatives du côté de la demande. Le gouvernement augmentera la limite de retrait du Régime d’accession à la propriété, qui permet aux premiers acheteurs de retirer 60 000 $ d’un REER pour acheter un logement (contre 35 000 $ auparavant). Cette mesure aidera les ménages à augmenter leur mise de fonds (et donc à réduire leur prêt hypothécaire). Toutefois, ce montant supplémentaire de 25 000 $ (50 000 $ par ménage) ne fera que légèrement progresser les ventes ou les prix. L’augmentation de la période d’amortissement des prêts hypothécaires assurés de 25 à 30 ans aide également les premiers acheteurs. Cependant, elle ne s’applique qu’aux maisons nouvellement construites et, comme la plupart des ventes concernent des maisons existantes, elle aura un effet minime sur nos prévisions de ventes et de prix. 

Le graphique 2 présente l’inflation des loyers en pourcentage de 2011 à 2026 selon deux scénarios : sans et avec les nouvelles politiques du gouvernement. Dans ce dernier cas, l’inflation des loyers ralentit plus rapidement que dans le premier.

Du côté des immeubles locatifs, le Programme de prêts pour la construction d’appartements, qui offre des prêts aux constructeurs qui réservent 20 % d’un ensemble locatif à des logements abordables, a été augmenté de 15 milliards de dollars. Le programme de prêts totalise maintenant 55 milliards de dollars et vise la construction de 131 000 logements locatifs d’ici 2031-2032. C’est un bon début, mais nos prévisions démographiques indiquent que le Canada aura besoin de 385 000 à 415 000 nouveaux logements locatifs au cours des cinq prochaines années. 

Pour soutenir les locataires, le gouvernement a lancé une charte des droits des locataires, qui n’est pas coûteuse, mais qui fournira un soutien utile, tel qu’un modèle de bail uniforme à l’échelle nationale, permettant d’utiliser les antécédents de location pour les évaluations de crédit et obligeant les propriétaires à divulguer les montants antérieurs des loyers. La Subvention canadienne pour des maisons plus vertes, qui vise à encourager les investissements dans les rénovations écoénergétiques, a été renouvelée et coûte 800 millions de dollars, mais cette fois-ci, l’accent est mis sur l’aide aux propriétaires et aux locataires à faible revenu. Il y a aussi le fonds de 1,5 milliard de dollars pour acheter des immeubles d’habitation existants et les garder à la disposition des Canadiens à faible revenu. Il s’inspire du fonds de protection des locations de la Colombie-Britannique, lancé en janvier 2023, qui a été reconnu comme une démonstration de faisabilité. Jusqu’à maintenant, ce fonds britanno-colombien de 500 millions de dollars a permis de préserver 700 unités, et vise à en sécuriser 2 000 autres. 

Ces politiques s’ajoutent à la liste de plus en plus longue des efforts déployés par le gouvernement pour accroître l’offre de logements au Canada, tels que le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété et le remboursement de TPS supplémentaire au titre des immeubles locatifs construits à cette fin. Nous estimons que le gouvernement va dans la bonne direction en établissant des bases solides pour stimuler davantage la construction de logements. 

Toutefois, le déficit de l’offre est si important que les politiques du gouvernement ne pourront pas ramener l’abordabilité au niveau souhaité par les Canadiens. Nous constatons que le rythme de construction est actuellement d’environ 245 000 unités (sur une base annualisée sur six mois). Les coûts de financement élevés ont ralenti ce rythme, qui était de 270 000 $ en 2021, avant que la BdC commence ses hausses de taux. Le directeur parlementaire du budget (DPB) estime que le Canada doit construire environ 181 000 unités de plus par année (3,87 millions de dollars de nouveaux logements d’ici 2031) pour ramener le taux d’inoccupation à ses moyennes historiques.i Nous croyons que les nouvelles politiques gouvernementales seront freinées par les contraintes en matière de capacité du secteur privé. Les travailleurs de la construction au Canada représentent constamment 8 % de la population active canadienne depuis 2011, et il n’a pas été possible de dépasser cette part. Cette réalité est logique, étant donné que les nouveaux arrivants ont moins tendance à se lancer dans la construction que dans tous les autres grands secteurs, selon une analyse de la Banque du Canada.ii Le gouvernement pense qu’il peut atteindre l’objectif d’offre de logements du DPB et attend du secteur de la construction qu’il atteigne un niveau de productivité qui est hors de sa portée. 

Ces nouvelles politiques relatives à l’offre n’auront probablement un impact que limité pour améliorer l’abordabilité. Toutefois, les annonces du gouvernement avant le budget en ce qui a trait aux modifications apportées à la politique démographique influeront bien plus sur l’inflation dans le marché de l’habitation. L’an dernier, la population a augmenté de près de 1,3 million de personnes, principalement des résidents non permanents. Nous avions déjà dénoncé la politique visant à aider les entreprises à pourvoir les postes vacants à faible salaire par des travailleurs étrangers, sans tenir compte du besoin d’infrastructures de logement (et autres) que cela entraînait. Les nouvelles politiques visant à réduire le nombre de résidents non permanents, à limiter l’immigration et à plafonner le nombre d’étudiants étrangers n’atténueront pas les répercussions négatives des politiques antérieures sur l’abordabilité. Elles ralentiront plutôt le rythme rapide de l’inflation du logement. Le meilleur exemple est l’inflation des loyers. La croissance des loyers est de 8 % par année, et sans intervention du gouvernement, il y avait peu de chance qu’elle diminue. Les nouvelles politiques d’immigration susmentionnées la ralentiront de manière importante. Nous avons donc revu à la baisse notre prévision de croissance du prix des loyers, qui devrait rapidement descendre autour de 4 %. Cela reste élevé, mais plus près des moyennes historiques antérieures à la récente hausse de la population. 

Assurance médicaments/prestation d’invalidité : Le nouveau régime d’assurance médicaments devrait coûter 1,5 milliard de dollars au cours de l’horizon budgétaire, soit beaucoup moins que le milliard de dollars par année prévu avant la publication du budget. Ce programme vise à couvrir les contraceptifs et les médicaments contre le diabète. La question est de savoir si ce programme s’étendra pour inclure plus d’ordonnances au cours des prochaines années. Les Canadiens dépensent 27 milliards de dollars par année dans des assurances-médicaments privées, alors le programme gouvernemental actuel ne fait que tester le terrain en ce qui concerne les coûts que représenterait un régime national universel. Un nouvel ajout au budget a été la prestation canadienne pour les personnes handicapées de 6,1 milliards de dollars. Cela comble l’écart entre l’Allocation canadienne pour enfants et la Sécurité de la vieillesse. Elle offrira un maximum de 24 000 $ par année aux personnes handicapées à faible revenu âgées de 18 à 64 ans (environ 600 000 personnes). 

Productivité : Le gouvernement a alloué 2,4 milliards de dollars sur cinq ans pour soutenir les investissements dans l’IA au Canada. L’objectif est d’accroître l’adoption de l’IA dans tous les secteurs, d’appuyer les efforts de recherche et de permettre aux entreprises de la déployer à grande échelle plus rapidement. La majeure partie de ce montant servira à bâtir une infrastructure informatique. Le gouvernement permettra également aux entreprises de déduire les coûts liés aux brevets et à diverses infrastructures électroniques. Un montant de 1,8 milliard de dollars est également prévu pour améliorer la recherche scientifique et la coordination de la recherche au sein de divers groupes de recherche. 

Nous ne mâcherons pas nos mots : la productivité au Canada a été catastrophique. Elle n’a progressé que de 0,3 % depuis 2019, tandis qu’aux États-Unis, elle a progressé à un rythme vigoureux de 1,5 % par année. Le faible niveau des investissements pose un énorme problème. Les investissements dans la propriété intellectuelle en pourcentage du PIB sont trois fois plus élevés aux États-Unis qu’au Canada. Le gouvernement a tenté d’y remédier au moyen de politiques antérieures, comme les supergrappes de technologies en 2018, mais celles-ci sont restées sans effet sur la productivité. 

À cet égard, l’élément le plus surprenant du budget a été l’annonce d’une nouvelle augmentation du taux d’inclusion des gains en capital, qui est passé à 75 % des gains en capital net de plus de 250 000 $ annuels et de tous les gains en capital réalisés par les sociétés. En contrepartie, le gouvernement a annoncé une augmentation de l’exonération cumulative des gains en capital pour la vente de petites entreprises, qui est passée de 1 à 1,25 million de dollars (indexée sur l’inflation par la suite), ainsi qu’un nouvel incitatif aux entrepreneurs canadiens, qui réduira le taux d’inclusion d’un tiers pour la vente de placements admissibles dans une société privée sous contrôle canadien (SPCC) de jusqu’à 2 millions de dollars supplémentaires. 

Selon les estimations du gouvernement, cette mesure ne touchera que les 0,13 % des Canadiens gagnant un revenu brut moyen de 1,4 million de dollars par année. En outre, toujours d’après les estimations du gouvernement, seulement 12,6 % des sociétés réalisent des gains en capital avec un revenu imposable moyen de 702 000 $. Malgré le faible pourcentage de ménages et d’entreprises concernés au vu de ces estimations, cela générerait 19,4 milliards de dollars sur cinq ans selon les prévisions. Il aurait été utile de savoir quels secteurs sont les plus touchés et si ces sociétés contribuent largement aux investissements. Pour les particuliers, les exemptions habituelles s’appliquent toujours, notamment en ce qui a trait aux résidences principales et aux actifs financiers détenus dans des comptes avantageux sur le plan fiscal, y compris les REER et les CELI. 

Cette mesure fait suite à un examen concernant le redressement du taux d’inclusion complet des gains en capital effectué par l’ancien ministre des Finances, Bill Morneau. Le gouvernement n’y avait pas donné suite à l’époque, compte tenu des conséquences potentielles pour les Canadiens de tous les niveaux de revenu, mais il faut prendre en compte les répercussions pour le contexte étendu de la productivité. Le Canada est déjà embourbé dans un repli prolongé des dépenses en immobilisations, qui n’est que la conséquence en soi de la croissance en berne et des taux d’intérêt élevés. Une hausse des taux d’imposition sur le capital pourrait dissuader encore davantage les propriétaires d’entreprise de réinvestir les gains en capital dans l’économie. Diriger cette hausse du taux d’inclusion sur les personnes à revenu élevé, augmenter l’exonération cumulative des gains en capital et introduire un taux progressif pour les entrepreneurs contribue dans une certaine mesure à atténuer ces effets négatifs, mais cela ne suffit pas à contrer entièrement cet effet dissuasif. Par exemple, considérons la situation d’un entrepreneur se demandant où lancer son entreprise en démarrage. S’il prend en compte à la fois le traitement fiscal possible de l’entreprise et le traitement à long terme du désinvestissement, l’impôt accru sur ce désinvestissement pourrait très bien être la goutte qui fait déborder le vase et le convaincre d’établir son entreprise ailleurs dans le contexte concurrentiel mondial. Il convient de préciser que l’imposition des gains en capital à un taux plus proche du revenu est conforme à la position du Canada : « un sou est un sou ». Toutefois, dans le contexte économique actuel, cela n’aide en rien à promouvoir les investissements dont le Canada a désespérément besoin. 

Énergie propre : Le budget de cette année pour l’abordabilité et le coût de la vie met l’accent sur l’économie de l’énergie propre. Une grande partie du budget réitère les mesures déjà prises, notamment l’adoption au Parlement de la législation actuelle sur les crédits d’impôt. Toutefois, le budget prévoit 1 milliard de dollars additionnels pour un nouveau crédit d’impôt à l’investissement pour une nouvelle chaîne d’approvisionnement des VE de 10 %, qui s’applique aux biens admissibles des entreprises qui bénéficient déjà du crédit d’impôt pour la fabrication de technologies propres dans trois segments : le montage de véhicules électriques, la production de batteries et la production active de cathodes. Ce nouveau crédit vise principalement à faire en sorte que l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement se trouve ici, au Canada, en incitant les grands fournisseurs à ne pas délocaliser différentes parties de la chaîne d’approvisionnement. Bien que le crédit soit de plus de 1 milliard de dollars, une grande partie de ce montant est reportée au-delà de l’horizon prévisionnel. Les répercussions budgétaires ont été estimées à seulement 80 millions de dollars en 2028-2029. 

De plus, le budget a réitéré l’engagement du gouvernement à réduire les délais d’approbation des projets d’énergie et miniers au moyen d’une révision de la réglementation en matière d’évaluation, ce qui est essentiel si le Canada veut sécuriser sa position dans les chaînes d’approvisionnement mondiales des biens nécessaires à la transition énergétique. Le ministre des Ressources naturelles, M. Wilkinson, a déjà fait des commentaires publics laissant entendre que le gouvernement voulait réduire les délais d’approbation liés aux mines. Le budget prévoit un délai d’évaluation et d’autorisation de deux ans ou moins pour les projets non fédéraux et de cinq ans ou moins pour les projets fédéraux. Fait important, le gouvernement s’est engagé à modifier le cadre d’évaluation des répercussions environnementales, tout en respectant la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. 

Réconciliation avec les Autochtones : Le gouvernement fédéral a levé le voile sur son Programme de garantie de prêts pour les Autochtones très attendu, qui vise à aider les communautés autochtones à investir dans des projets d’extraction de ressources. Le programme comprend 5 milliards de dollars de garanties de prêts couvrant des projets dans tous les secteurs pertinents pour la réconciliation économique et l’autodétermination. Le budget comprend également 16,5 millions de dollars pour le renforcement des capacités des communautés autochtones à présenter des demandes de prêt dans le cadre du programme, qui sera administré par une nouvelle filiale d’une société d’État relevant du ministère des Finances. 

Conclusion 

En amont du budget de 2024, la ministre Freeland avait indiqué que le gouvernement aiderait à créer les conditions propices à une baisse des taux d’intérêt. Cet objectif a-t-il été atteint? Les résultats sont contrastés. Le recours aux hausses d’impôt pourrait atténuer la force inflationniste des nouvelles dépenses, mais les déficits devraient s’accroître au cours des cinq prochaines années. De plus, les provinces augmentent leurs dépenses et leurs déficits à court terme, de sorte que l’ensemble du secteur gouvernemental va toujours à l’encontre de la BdC. Le pays n’est pas sous surveillance négative pour le moment en ce qui concerne le risque pour sa notation financière AAA. Et étant donné que ce budget ne s’est pas trop éloigné de l’ÉÉA, il ne devrait pas changer grand-chose à la situation de la notation financière. 

Cela dit, le plan budgétaire reste tributaire d’une croissance économique constante, quand bien même modeste. Tout obstacle économique important exposerait donc le Canada au manquement de ses cibles budgétaires. Même si le gouvernement met en avant le potentiel de stimulation de la croissance économique de ses nouvelles politiques à travers une amélioration de la productivité, les nouveaux impôts sur les gains en capital pourraient être défavorables. En somme, la hausse des impôts ne sera pas favorable aux investissements, lesquels font cruellement besoin compte tenu de la grande insuffisance des dépenses en immobilisations, ce qui signifie qu’elle n’améliorera pas la trajectoire de la croissance économique canadienne ni n’augmentera le revenu réel des Canadiens.

Pièces justificatives

Tableau 2: Hypothèses économiques

[Variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire]

Source : Ministère des Finances du Canada, Services économiques TD.
Année civile 2024 2025 2026 2027 2028
PIB réel
Énoncé économique de l’automne de 2023. 0.4 2.2 2.4 2.2 2.0
Budget 2024 0.7 1.9 2.2 2.1 2.0
Prévisions des Services économiques TD  1.4 1.5 1.9 2.0 1.8
PIB nominal
Énoncé économique de l’automne de 2023. 2.4 4.3 4.5 4.3 4.2
Budget 2024 3.8 3.9 4.2 4.2 4.0
Prévisions des Services économiques TD  4.5 3.4 3.8 4.0 3.9
Inflation de l’indice des prix à la consommation
Énoncé économique de l’automne de 2023. 2.5 2.1 2.1 2.1 2.1
Budget 2024 2.5 2.1 2.1 2.0 2.0
Prévisions des Services économiques TD  2.5 2.2 2.0 2.0 2.0
Taux de chômage (%)
Énoncé économique de l’automne de 2023. 6.4 6.2 5.9 5.8 5.7
Budget 2024 6.3 6.3 6.0 5.8 5.7
Prévisions des Services économiques TD  6.3 6.6 6.2 5.9 5.9
Taux des bons du Trésor à 3 mois (%)
Énoncé économique de l’automne de 2023. 4.3 2.9 2.7 2.6 2.6
Budget 2024 4.5 3.1 2.7 2.7 2.7
Prévisions des Services économiques TD  4.6 2.8 2.3 2.3 2.3

 

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